25 février 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-uruguayennes et sur la communauté française en Uruguay, à Montevideo le 25 février 2016.
Mes chers compatriotes,
J'ai conscience de vous avoir fait attendre mais il est vrai que je vous retrouve après un long périple puisque je suis parti de Paris pour d'abord aller en Polynésie, en faisant d'ailleurs un passage par Wallis-et-Futuna c'est bien loin. Puis ensuite, je suis revenu vers Lima au Pérou, pour me rendre à Buenos Aires et pour terminer, j'allais dire, en beauté, ici, à Montevideo.
Je me suis consacré autant qu'il a été possible à tous mes interlocuteurs et à tous ceux qui attendent une parole de la France, une présence de la France et une action de la France. Lorsque nous sommes en France, c'est de solidarité et également d'efficacité qu'il s'agit. Quand je suis ici ou en Argentine ou au Pérou, c'est essentiellement par rapport à ce que la France doit faire pour renforcer sa présence aussi bien sur le plan économique que sur le plan scientifique ou sur le plan culturel.
En même temps que je me consacrais à mes interlocuteurs et aux pays que je traversais, je me tenais régulièrement informé de la situation en France, comme vous l'êtes d'ailleurs maintenant instantanément. Et après avoir passé une nuit dans l'avion, je serai de retour en France où j'aurai à régler autant qu'il sera possible les grandes questions qui nous attendent.
Il y a d'abord les difficultés que connaissent nos agriculteurs. Il y aura dans quelques heures le Salon de l'Agriculture qui est un grand moment international pour montrer la qualité des productions françaises mais en même temps, pour répondre aussi à un certain nombre d'angoisses que connaissent nos éleveurs.
Il y a aussi tout ce qui a trait à la lutte contre le chômage qui est la grande priorité et qui suppose de donner de la sécurité aussi bien aux employeurs qu'aux salariés et de la souplesse et de garder cet équilibre. Il y a des interrogations. Il faut y répondre. Et toujours par le dialogue et la négociation.
Et puis il y a cette grave question qu'ici, vous percevez compte tenu des liens qui vous unissent à une autre partie du monde, j'entends le Moyen-Orient. Nous avons des réfugiés qui viennent jusqu'à nos propres côtes européennes. Ils traversent dans des conditions extrêmement périlleuses et essayent de trouver un pays pour les accueillir.
Voilà ce qu'il y a à faire et je ne veux pas ici oublier ce qu'est notre vigilance quotidienne par rapport à la sécurité, à la protection de nos concitoyens, où qu'ils résident, même ici, pour lutter aussi efficacement que possible contre le terrorisme.
Mais je vous retrouve, vous, communauté française, ici, en Uruguay.
En Uruguay, la France paraît presque chez elle. Tout nous rappelle la France : d'abord, vos visages, ce lycée qui est un symbole de l'excellence. Je sais que beaucoup de parents étaient déjà des lycéens ou des élèves dans ces établissements £ et même des dirigeants de l'Uruguay sont passés par le lycée français. C'est dire la responsabilité du lycée puisqu'il doit, autant qu'il est possible, laisser le meilleur souvenir à celles et ceux qui auront à prendre des décisions pour l'Uruguay et pour la relation avec la France.
Je disais : tout nous rappelle la France, même le nom des rues. On me dit Biarritz, Trouville, Nouveau Paris, Petit Versailles. Je me demande même s'il n'y a pas une rue qui s'appelle Tulle, Corrèze mais je vérifierai.
Et puis il y a cette solidarité, cette amitié exceptionnelle entre l'Uruguay et la France qui remonte à loin dans l'histoire puisque dès la Première Guerre mondiale, de nombreux Uruguayens s'étaient engagés pour la France comme volontaires. Et durant la Seconde Guerre mondiale, l'Uruguay fut l'un des premiers, peut-être même le premier État d'Amérique latine à reconnaître le gouvernement de la France libre du général de GAULLE en 1943. Puis les années ont passé.
Je sais que Montevideo a été solidaire de Paris quand notre capitale a été frappée et qu'il y a eu des manifestations, qu'il y a eu des mouvements, qu'il y a eu des gestes, que le drapeau français a été pavoisé, comme pour dire que, finalement, quand Paris est attaquée, Montevideo se sent aussi agressée.
Je viens ici, en terre d'Uruguay, terre de culture, puisque de grands poètes ont donné les plus belles lettres à la littérature française : LAUTRÉAMONT, ou SUPERVIELLE dont le lycée porte le nom. Et c'est un Uruguayen qui a construit l'Opéra Bastille. C'est dire si les échanges sont dans les deux sens.
Alors, le rayonnement de la France, vous y contribuez, vous, la communauté française ici présente. On me dit que ce n'est pas la plus nombreuse mais enfin, quand je vous vois ici, j'ai l'impression que certains ont dû s'y inviter parce qu'ils se sentent Français ou amis de la France et je les en remercie.
L'ambassadeur me dit qu'il n'y a que 3 000 inscrits, c'est bien peu mais il y a beaucoup de nos compatriotes qui ne sont pas inscrits et puis il y en a même qui ne sont ni compatriotes ni inscrits mais qui se sentent l'âme française. Néanmoins, c'est une communauté importante à l'échelle de la population du pays et vous représentez des parcours très différents.
Certains d'entre vous sont originaires de ces familles qui ont rejoint l'Uruguay au cours du XIXe, du XXe siècle. C'est pour ça qu'il y a des associations de Béarnais, de Basques, de Savoyards qui, j'espère, vivent en bonne intelligence et contribuent justement à garder ce lien avec les territoires d'origine.
Et puis il y a ceux et celles qui sont venus travailler ici. Il y a près de 60 entreprises françaises qui sont représentées en tant que telles et puis beaucoup d'autres qui d'ailleurs m'accompagnent aujourd'hui pour vanter la qualité de nos produits, notre technologie. Et de grands groupes sont installés ici. D'autres aspirent à s'y implanter ou à investir et plusieurs d'entre vous les représentez. Puis il y a aussi de nombreuses PME qui veulent venir ici parce qu'il n'y a pas d'obstacle linguistique, parce que le pays est ouvert et parce qu'il y a une Chambre de commerce qui travaille bien et depuis longtemps : la Chambre de commerce française de Montevideo.
Et puis il y a ce réseau des établissements. Celui-là en est un parmi beaucoup d'autres dans le monde et permet d'accueillir non seulement de jeunes élèves français, mais aussi de jeunes élèves uruguayens ou même d'autres nationalités ! Vous avez ici dans ce lycée j'en félicite le proviseur de très bons résultats. On me dit même, les meilleurs résultats de l'Amérique du Sud, donc de toute la France. Vous avez de très bons résultats, et à travers cette qualité de l'enseignement et je félicite ici tous les personnels qui s'y dévouent, je remercie les parents d'élèves pour leur confiance vous faites en sorte d'utiliser justement la langue française pour conforter encore le lien qui existe entre l'Uruguay et notre pays.
Vous faites en sorte que la francophonie puisse être une conception du monde. La francophonie, ce n'est pas simplement la langue française ! C'est le lien que nous avons, toutes les communautés francophones, de porter, au-delà de la culture, des valeurs, des principes, et entre l'Uruguay et la France, ces principes sont particulièrement partagés.
Et il y a aussi tout ce que font les Alliances françaises : huit Alliances françaises rien que pour l'Uruguay ! Et là encore, j'ai voulu, avec le Président Tabaré VAZQUEZ, faire que nous puissions signer un accord pour diffuser encore davantage le français dans tous les lieux d'enseignement, et que nous puissions faire que l'Uruguay, qui est déjà un pays observateur de l'Organisation Internationale de la Francophonie, puisse entraîner d'autres nations du continent latino-américain.
D'ailleurs, le Président MACRI, le Président argentin, a également voulu rejoindre l'Organisation internationale de la Francophonie. Et nous vous le devons ! Finalement, l'Argentine essaie toujours de suivre ce que fait l'Uruguay, c'est bien ça que j'ai compris.
J'ai reçu le Président Tabaré VAZQUEZ il y a à peine quatre mois. Et nous avons parlé de tous les sujets, de cette coopération scientifique exceptionnelle, puisque tout à l'heure, j'irai à l'Institut Pasteur, de la coopération culturelle, et c'est vrai que c'est un des plus beaux symboles de ce que nous pouvons faire ensemble, à travers tous les établissements qui s'y dévouent.
Et puis nous avons parlé aussi des responsabilités qui incombent à l'Uruguay, qui est aujourd'hui à la présidence du MERCOSUR, avec cette négociation qui peut s'ouvrir avec l'Union européenne. Nous y sommes prêts, même si, comme je l'évoquais, nous sommes très attentifs à la question des produits agricoles. Parce que nous voulons aussi défendre une qualité, défendre des produits d'origine. C'est pour ça que dans cette négociation, nous ne fixons pas d'ultimatum mais nous sommes très vigilants. L'Uruguay joue un rôle important, justement, pour permettre à cette relation entre l'Europe et l'Amérique du Sud d'être fructueux pour tous les pays qui constituent ces deux ensembles.
Et puis l'Uruguay a participé à la Conférence de Paris, sur le climat. Vous savez que l'Amérique latine a été particulièrement en pointe, Lima avait accueilli la COP20, Paris, la COP21, et nous avons pu unir là aussi nos expériences, nos diplomaties pour faire avancer cette cause du climat, qui va maintenant engendrer un certain nombre de politiques, et aussi d'investissements. Et nous devons là aussi saisir toutes ces opportunités.
Enfin, l'Uruguay est membre du Conseil de Sécurité pour les années 2016 et 2017, et ce sera un partenaire pour la France. Parce que l'Uruguay a la même conception qu'a la France pour la paix, pour l'action d'intermédiation, lorsqu'il y a des risques entre des protagonistes qui veulent se faire la guerre, et hélas c'est le cas aujourd'hui. Je n'oublie pas tout ce qu'a fait l'Uruguay pour participer à des opérations de maintien de la paix.
Voilà pourquoi nous sommes ensemble, même pour trop peu de temps. Parce qu'entre l'Uruguay et la France, il y a cette histoire, il y a cette relation intime, presque sur le plan linguistique et culturel. Il y a cette volonté d'agir ensemble au plan mondial. Et puis il y a vous, trait d'union entre l'Uruguay et la France, souvent doubles-nationaux et qui vivez avec cette double patrie. Vous qui faites en sorte, qu'à chaque fois qu'on parle de l'Uruguay, 14.000 kilomètres de distance par rapport à la France, on a ne le répétez pas le sentiment d'être chez nous.
Vive la République et vive la France !