22 février 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Hollande, Président de la République, avec "Wallis et Futuna Première" le 22 février 2016, sur les efforts en faveur de Wallis et Futuna notamment en matière de préservation de l'environnement et des ressources de l'archipel.


Journaliste : Nous sommes ravis de vous accueillir en ce lundi 22 février 2016, cette date sera à jamais marquée dans l'histoire de Wallis et Futuna. La population ne s'attendait presque plus à des visites présidentielles et pourtant aujourd'hui le Président de la République, François HOLLANDE a bel et bien fait le déplacement jusqu'ici sur le territoire. Une journée de visite et juste avant de s'envoler direction la Polynésie française le Président a bien voulu s'entretenir un moment avec nous.
Monsieur le Président, bonsoir.
LE PRESIDENT : Bonsoir.
Journaliste : Et merci de nous accorder de votre temps.
LE PRESIDENT : Merci de m'accueillir.
Journaliste : 37 années sont passées depuis le passage sur le territoire de Valéry GISCARD-D'ESTAING en juillet 1979, vous êtes donc le deuxième Président de la République à faire le déplacement jusqu'à Wallis et vous êtes le tout premier à vous rendre à Futuna. Est-ce que votre visite se limite à tenir la promesse que vous avez faite de visiter toutes les collectivités d'Outre-mer, ou y a-t-il d'autres raisons à votre déplacement ?
LE PRESIDENT : D'abord j'ai estimé que c'était nécessaire de venir à Wallis-Et-Futuna, parce qu'il y avait 37 ans qu'un Président n'était pas venu à Wallis et parce qu'aucun chef de l'Etat n'était venu à Futuna. Mais cela ne suffisait pas, vous avez raison. Je considère que c'est une chance d'avoir deux îles dans le Pacifique comme Wallis et Futuna qui permettent à la France d'avoir un rayonnement, une présence et aussi une zone économique exclusive qui peut être un facteur de richesse. Et puis je voulais rencontrer la population, parce qu'elle est très attachée à la France, elle l'a montré à plusieurs reprises, je pense notamment lorsqu'il y a eu des épreuves à Paris, la population de Wallis et Futuna a été solidaire.
Je pense aussi à ces soldats wallisiens qui sont présents dans nos armées et qui assurent la sécurité de nos compatriotes. Et puis, il y a toujours une interrogation quand on est loin, très loin de l'hexagone. On se demande toujours si on est reconnu, si on est finalement considéré et donc je voulais dire aux Wallisiens, aux Futuniens qu'ils sont bien Français et qu'ils participent même du rayonnement de la France.
Journaliste :Vous l'avez clairement fait comprendre aujourd'hui en venant jusqu'à Wallis et Futuna, mais une des raisons supposées de votre visite, la quasi-totalité de la population le dit, vous êtes venu à Wallis et Futuna pour les terres rares. Monsieur le Président, aujourd'hui êtes-vous en mesure de dire à quel point l'Etat a-t-il besoin de ces terres rares ?
LE PRESIDENT : Je pense que c'est la France qui a besoin de ces terres rares et c'est surtout Wallis et Futuna parce que nous devons agir en solidarité et en conscience de nos responsabilités, notamment sur le plan environnemental. Nous commettrions un crime si nous mettions en cause ce qu'est l'héritage, ce qu'est le patrimoine et nous commettrions aussi une faute si nous ne l'exploitions pas pour donner à nos îles et aussi à notre pays toutes les conditions pour son développement.
Voilà pourquoi, je veux, avec l'assemblée territoriale, avec les chefs coutumiers, que nous puissions avoir cette concertation pour cette bonne exploration et cette bonne exploitation. Rien ne sera fait sans l'assentiment des responsables de la population ici à Wallis et Futuna.
Journaliste : Justement Monsieur le Président, si ces terres rares sont amenées à être exploitées, quel développement, quel accompagnement la France propose-t-elle pour Wallis et Futuna ?
LE PRESIDENT : Le président de l'assemblée territoriale a fait des propositions et je les suivrai, pour que nous puissions assurer justement cette préservation de l'environnement et cette condition d'exploitation. Mais on parle des terres et on a raison, on parle de la mer et c'est un patrimoine, c'est une richesse, mais il faut aussi que nous puissions assurer des conditions de développement. Cela a été la grande question qui m'a été posée et les réponses que j'ai apportées sont allées dans cette direction. Il faut permettre une desserte aérienne, maritime de Wallis et de Futuna. Il faut assurer aussi des infrastructures qui manquent et il faut permettre qu'il y ait le numérique, qu'il y ait la téléphonie, qu'il y ait toutes ces conditions qui permettront le développement. Donc une des raisons de ma présence n'était pas simplement de rappeler que nous sommes tous Français et que j'ai pour cette partie de notre territoire une grande affection, c'était aussi, montrer la solidarité parce que nous avons besoin du développement de Wallis et de Futuna.
Journaliste : Ces ressources doivent surement intéresser plusieurs pays comme la Chine qui est de plus en plus présente dans la région, notamment par des financements d'infrastructures ou des échanges commerciaux avec la Polynésie française, cette progression vous inquiète-t-elle ?
LE PRESIDENT : D'abord il faut que nous protégions la zone économique exclusive, c'est très important que la France assure, c'est vrai pour Wallis et Futuna, c'est vrai pour
Journaliste : Comment comptez-vous préserver
LE PRESIDENT : la Nouvelle Calédonie, la Polynésie, que nous puissions assurer notre présence, pour que nul ne vienne exploiter sans notre consentement, ou sans notre autorisation.
Journaliste : Et comment l'Etat compte-t-il préserver ?
LE PRESIDENT : Par la présence, parce que nous ferons en sorte que notre flotte, la marine nationale puisse être présente dans le Pacifique, elle est attendue d'ailleurs parce que c'est aussi une condition de sécurité. Et puis ensuite, s'il y a des demandes d'investissements, nous les examinerons puisqu'il faut des autorisations et rien ne sera fait, je l'ai dit, sans l'assentiment des populations et de leurs représentants.
Journaliste : Et l'Etat a-t-il réellement les moyens de sauvegarder justement cette zone économique exclusive ?
LE PRESIDENT : Oui, l'Etat doit y mettre les moyens parce que c'est notre patrimoine commun, c'est le vôtre, c'est le nôtre et nous nous partageons et nous considérons qu'on ne peut pas là faire n'importe quoi sur cette partie de notre territoire. Donc nous avons les moyens à la fois juridiques, économiques mais aussi, si je puis dire, militaires, pour assurer notre protection.
Journaliste : On revient sur les annonces que vous avez faites ce matin, vous vous êtes engagé sur la mise en place d'ici 2020 du système de péréquation tarifaire de l'électricité. Pourquoi de façon progressive, sachant que le prix de l'électricité à Wallis et Futuna coûte 5 à 6 fois plus cher qu'en métropole et que le vu le plus cher de la population, c'est de justement de voir sa facture d'électricité baisser le plus rapidement possible ?
LE PRESIDENT : Oui, mais c'est pour cela que j'ai pris cette décision, parce que j'ai considéré que c'est tout à fait inéquitable, injuste, insupportable même, que l'on paye 5 à 6 fois le prix de l'électricité ici par rapport à un autre territoire d'outre-mer ou par rapport à l'hexagone. Donc il y aura une première étape au 1er juillet cette année, pour les 50 premiers kilowattheures, puis après au 1er janvier 2017 à ce moment-là pour les 100 premiers kilowattheures consommés, puis tout cela jusqu'en 2020 où il y aura à ce moment-là, l'alignement le plus complet. C'est vrai qu'on pourrait aller plus vite, je pense notamment aux consommateurs les plus modestes qui devront tout de suite avoir cet alignement tarifaire.
Journaliste : Justement ce sont ces consommateurs-là qui ont besoin que leur facture soit réduite dans l'immédiat.
LE PRESIDENT : C'est pour cela que ça interviendra dès le 1er juillet pour les 50 premiers kilowattheures. Et je pense aussi à toute la lutte contre la vie chère. Vous savez que cela a été la première loi que j'ai voulu, que le gouvernement présente au Parlement et que le Parlement puisse voter la lutte contre la vie chère, aussi bien pour, on vient d'en parler, l'électricité que pour la téléphonie mobile et aussi pour les services les plus essentiels. Et d'ailleurs, je constate que depuis 3 ans, les prix ont été stabilisés, voire ont même baissé sur un certain nombre de tarifs et c'était l'engagement que j'avais pris, il est tenu.
Journaliste : Egalement dans vos annonces
LE PRESIDENT : J'insiste aussi sur les bas-salaires, puisque dans les négociations sur la fonction publique, il y aura l'alignement pour Wallis et Futuna.
Journaliste : Egalement dans vos annonces aujourd'hui Monsieur le Président, l'amélioration de la desserte aérienne entre Wallis et Futuna et Fidji en 2018. Sur quels leviers l'Etat compte t-il s'appuyer pour garantir aux territoires, à la population surtout des tarifs accessibles ?
LE PRESIDENT : Nous allons lancer un appel international, un appel d'offres international. Pourquoi ? Justement pour avoir les meilleures conditions de concurrence, pour que nous puissions avoir les tarifs les plus bas, pour éviter qu'il y ait des phénomènes qu'on connaît de monopole où une seule compagnie fournit les services. Peut-être que cette compagnie sera retenue mais, il y aura une concurrence. Cet appel d'offres sera lancé et en 2018 on aura une desserte aérienne, je l'espère, au plus faible coût pour les Wallisiens. Et c'est aussi un élément particulièrement intéressant pour le développement du tourisme, comment imaginer du tourisme si on ne peut pas faire venir des passagers ? Donc cela va avoir comme conséquence que des avions, des ATR par exemple pourront venir et les Wallisiens pourront aller en Nouvelle-Calédonie à des tarifs moins élevés. Cela fait aussi partie de ce que j'ai constaté à Futuna où il va falloir que l'on améliore la piste pour qu'on puisse avoir des avions qui puissent atterrir et décoller, c'est très important. Il y a aussi la desserte maritime, j'ai entendu les revendications et les réclamations et là aussi nous allons faire les investissements nécessaires. J'ai parlé du quai aussi à Futuna, donc dans le contrat de développement avec l'assemblée territoriale, nous avons pris en compte ces exigences et les financements ont été dégagés, financements aussi bien de la Caisse des Dépôts que de l'Agence Française de Développement. Il y aura aussi des crédits budgétaires parce que je considère que c'est essentiel. Vous savez que je suis aussi venu pour la santé et je pense que vous me poserez des questions là-dessus.
Journaliste : Monsieur le Président, avant vous d'autres gouvernements se sont attaqués au dossier, malheureusement, ils se sont heurtés à la difficulté du problème, aujourd'hui nous en sommes toujours là, qu'est-ce qui vous fait dire que vous allez réussir par rapport aux autres ?
LE PRESIDENT : D'abord, on a montré depuis 3 ans, qu'on avait fait plus que les autres et mieux que les autres et là, lorsque je prends l'engagement de lancer un appel d'offres international, c'est maintenant qu'il va se faire, même si nous aurons des réponses dans quelques mois. Et en 2018 ce n'est pas si loin, c'est dans deux ans, nous aurons des dessertes aériennes plus fréquentes et moins onéreuses.
Journaliste : Monsieur le Président pour terminer justement avec tous ces dossiers, vous, vous avez évoqué la santé, un domaine très vaste et très important pour le territoire de Wallis et Futuna, qui voient avec l'annonce que vous avez faite, sa dette réglée pour de bon.
LE PRESIDENT : Alors là aussi quand j'ai voulu venir à Wallis et Futuna, j'ai demandé quel était le sujet principal, qu'est-ce qui était le plus important et ce qui m'a été répondu par les élus, député, sénateur, assemblée territoriale : c'est la santé. Parce qu'il n'était pas possible d'être soigné à cause de la dette qu'avait l'agence de santé, donc nous avons réglé, apuré la dette, ce qui fait maintenant que l'agence est rétablie dans ses équilibres. Et non seulement elle est rétablie, mais elle va avoir une dotation supérieure à ce qui était prévu précédemment, ce qui va lui permettre justement d'assurer les soins et de faire que nous puissions aussi avoir un centre pour les dialysés à Futuna, que l'on modernise les hôpitaux et qu'on puisse aussi aller se faire soigner en Nouvelle-Calédonie et même en métropole grâce à ces crédits qui sont dégagés. Parce que il y a rien de plus précieux que la santé, il n'y a rien de plus essentiel et je ne voulais pas qu'il puisse y avoir là un retard qui puisse mettre en cause la vie-même des habitants de Wallis et de Futuna.
Journaliste : En parlant des mesures que vous avez annoncées, Monsieur le Président, si le territoire, si la population surtout souhaite que ces mesures-là soient immédiates, en 2017 se tiendront les élections présidentielles, qu'est ce qui garantit, aux Wallisiens et Futuniens en imaginant tous les scénarios, que le gouvernement suivant tiendra tous les engagements que vous avez pris aujourd'hui ?
LE PRESIDENT : Je ne peux pas m'engager au-delà de 2017, mais je ferai tout, jusqu'en 2017 pour que les mesures soient prises et soient irréversibles. Ensuite les électeurs auront à se déterminer, auront à faire des choix et il leur appartiendra de savoir s'il faut continuer ou au contraire changer. Je ne sais pas qui sera candidat, je ne vais pas faire d'annonce ici mais, je pense que c'est très important de ma part de ne rien relâcher. Je pourrais dire, « c'est la dernière année du quinquennat, appliquons ce qui a été décidé ». Non, on va réformer. Cela vaut aussi pour Wallis et Futuna, cela vaut pour l'ensemble de notre pays : on va réformer jusqu'au bout, on va apporter des réponses jusqu'au bout et il y a l'irréversibilité, vous savez, lorsque les choses ont été actées financièrement, elles engagent les successeurs.
Journaliste : Monsieur le Président, vous l'avez vu aujourd'hui, vous l'avez ressenti sur le terrain, aussi bien à Wallis qu'à Futuna, ce que votre visite a suscité, a représenté pour toute cette population, qu'en est-il pour vous, qu'est-ce que cette visite vous aura apporté ?
LE PRESIDENT : C'est très émouvant cet accueil, cette chaleur, ces traditions aussi, puisque j'ai participé à des cérémonies coutumières, cette solennité lors de l'assemblée territoriale et puis les contacts que j'ai pu avoir avec la population. Je sentais qu'il y avait une fierté d'abord de nous montrer la beauté de ces îles de Wallis et de Futuna et puis la fierté d'être dans le même ensemble, d'appartenir à la France et ces messages de confiance dans la France, d'être pleinement dans la France m'ont fait chaud au cur et c'était un message que beaucoup de Français de métropole recevront pour eux-mêmes : avoir confiance dans l'avenir, être fier d'être Français, savoir que nous appartenons au même ensemble, que nous sommes un pays divers. C'est vrai il y a un territoire rural de l'hexagone jusqu'à Wallis et Futuna qui est ce qui nous relie. Nous avons des traditions différentes, nous avons des parcours différents, des origines, des couleurs différentes, ce qui nous relie c'est que nous partageons le même destin : nous sommes Français et vous êtes Français, c'était très important de se retrouver entre Français aujourd'hui, on était très heureux.
Journaliste : Monsieur le Président, une dernière question : est-ce que vous allez vous porter candidat à la prochaine présidentielle ?
LE PRESIDENT : Vous posez des questions qu'on me pose finalement partout et ce qui prouve d'ailleurs que l'information ici est libre et je ne répondrai pas cette question parce que ce n'est pas le moment et parce que j'ai à faire, parce que je suis Président. Mais c'était important que l'on puisse aussi parler de la politique nationale parce qu'ici, vous êtes source d'informations pour la population et votre question elle aurait pu être posée dans toutes les stations de l'outre-mer et aussi de métropole. Merci de faire vivre l'information ici.
Journaliste : Monsieur le Président, merci à vous nous avoir accordé ces quelques minutes avant votre départ pour la suite de votre voyage présidentiel en Polynésie d'abord et puis en Amérique latine, un voyage que nous vous souhaitons agréable.
LE PRESIDENT : Merci, il a très bien commencé, merci à vous.
Journaliste : Merci Monsieur le Président.