12 juin 2015 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le projet du Grand Paris Express, à Vitry-sur-Seine le 12 juin 2015.
Mesdames, Messieurs les présidents,
Je pense qu'il y a en a beaucoup, sur cette pelouse.
Mesdames, Messieurs les maires, il y en a presque autant.
Monsieur le représentant de cette société, grande société.
J'ai entendu votre message, et il n'a rien à voir évidemment avec ma présence, pour le renforcement de vos moyens. Je comprends mieux le sens de l'invitation qui m'a été faite et je voulais venir accompagné comme il se doit par le ministre des Transports, puisque c'est lui qui a la responsabilité, aussi, de vous accompagner dans vos projets.
Également par la ministre de la Culture, parce que nous sommes ici dans un musée et que ce que vous allez créer ce sont des uvres. Non seulement des gares, non seulement des lignes, mais aussi des monuments, qui resteront pour longtemps.
Il était donc important qu'il puisse y avoir une exposition et c'est un paradoxe, faire une exposition non pas vers le passé, mais vers l'avenir. Dans un musée qui n'est pas dans le centre historique de Paris, mais qui se situe dans ce qu'on appelle la Petite couronne, un musée, un beau musée, un grand musée, qui est le symbole, aussi, de renouveau de ces territoires d'Ile-de-France et qu'il n'est plus temps d'appeler « villes ou départements de banlieue ».
Ce n'est pas un monument historique qui est exposé ici, même si les proportions du Grand Paris Express sont monumentales : 200 kilomètres de métro automatisé, 68 gares, 140 kilomètres carrés à aménager, et je ne parle pas du coût de cette opération. Ce qui est en fait montré ici, c'est un grand investissement à la hauteur d'une grande espérance. Car cela faisait des décennies que la population, les élus, attendaient qu'il puisse y avoir des infrastructures qui soient à la mesure de la grande métropole, de la grande région de l'Ile-de-France, bref, qui soient adaptées à cette multiplication des trafics et des usages.
Le Grand Paris Express c'est une grande infrastructure mais ce sera aussi le train du quotidien pour 2 millions de passagers par jour. Donc c'est à tous ces futurs passagers, qui ne le savent pas encore, que cette exposition est destinée. Parce qu'il faut leur montrer ce qui va être fait dans les dix prochaines années et ce qui va être changé dans leur propre ville, en fonction des gares qui vont être ouvertes, qui vont être bâties, et qui vont changer le rapport non seulement des citoyens avec les modes de transport, mais aussi des habitants avec leur propre ville.
C'est pourquoi, il était si important de faire cette exposition. Et vous avez choisi, pour la faire, le MAC/Val. Je remercie donc la conservatrice en chef, et le scénographe, Alexia FABRE et Ruedi BAUR, d'avoir compris cet enjeu. En acceptant d'accueillir cette exposition, le MAC/Val est fidèle à l'esprit qui avait justifié sa création, et qui est celui qui anime les manifestations qui s'y déroulent. Car vous aviez revendiqué, je pense à Michel GERMA, qui aurait voulu voir ce projet aboutir, que la culture et l'art soient ici, en Val-de-Marne, présents, et faire aussi que cela puisse être, pour les citoyens, une fierté. Une fierté que de pouvoir disposer d'un musée qui met l'art contemporain, qui met les uvres parfois les plus difficiles, à la portée de tous. Vous avez réussi. Le MAC/Val est une uvre contemporaine, elle doit être à la portée de tous et avait nécessairement sa place ici. Vitry accueille l'un des musées d'art contemporain les plus originaux de l'Ile-de-France. C'était le meilleur endroit pour dévoiler le Grand Paris Express et ses gares.
Un mot sur le Grand Paris Express, j'y reviendrai, qui est le fruit d'un rassemblement assez exceptionnel, dont je ne voudrais pas m'emparer pour en faire une promotion, mais quand même Etre capable de survivre à des alternances, avoir connu plusieurs ministres en charge du projet, avoir été aussi capable d'unir des territoires à priori différents, géographiquement, économiquement, parfois socialement, et, ça peut arriver, politiquement, avoir de si fortes personnalités mais être capable, quand même, de réaliser un consensus. Le consensus, parfois, fait peur, on se demande si ça ne va pas être une confusion, si les clivages qui existent vont disparaître. Je crois qu'ils demeurent, donc ne vous inquiétez de rien. En même temps vous avez fait un bel exemple, une belle démonstration, ignorée le plus souvent, de nos concitoyens. Parce qu'on voit ce qui divise, on voit ce qui sépare, on voit des confrontations, y compris sur des structures, sur des niveaux d'administration. On ne voit pas ce que des élus sont capables de faire quand il s'agit de projets concrets, et vous l'avez parfaitement illustré.
Le Grand Paris Express, c'est un grand projet pour l'Ile-de-France, et c'est un grand projet pour la France, c'est ce qui justifie ma présence, parce que c'est un projet de dimension nationale, et je dirais même de dimension européenne.
Pour réussir, et je viens de l'évoquer, vous deviez éviter les compétitions : compétitions entre villes, compétitions entre territoires, compétitions pour savoir quel allait être le bon niveau d'Administration ou la bonne société pour le mener. Ce projet, Jean-Marc AYRAULT a eu raison d'en confier, en mars 2013, la maîtrise d'ouvrage totale, à la seule société du Grand Paris. C'est ça qui a permis, finalement, de clarifier l'organisation et le financement, et c'est aussi ce qui a justifié que le STIF ait été renforcé dans ses compétences.
Ce projet est donc dirigé, bien dirigé, financé, bien financé, même s'il y a sûrement, encore à faire, j'ai entendu le message, et le Gouvernement aura à cur de le traduire. Il doit maintenant se concrétiser, et c'est aussi l'enjeu de cette exposition. Parce qu'il y a toujours un doute, il y a toujours un scepticisme chez nos concitoyens, de se dire « oui, oui, vous parlez de projet, vous évoquez des calendriers, vous avez avancé des financements, ils sont considérables, plus de 20 milliards d'euros, mais cela ne viendra jamais, vous allez perdre du temps, cela va être trop long, et puis est-ce que vous êtes prêts ? » Donc, l'exposition sert aussi à créer ce lien citoyen. Oui, cela va être possible, oui, des travaux sont déjà lancés. Oui, il y a des gares qui sont déjà dessinées par les architectes et qui vont pouvoir être bâties. Quand je dis bâties, cela ne veut pas forcément dire élevées, cela veut dire même creusées, mais avec aussi la possibilité donnée dans toutes les gares de voir le ciel. C'est pour cela que nous avons pris le risque ici de nous rassembler à ciel ouvert et je sais que ce risque était sérieux.
Il y a aussi, et je veux insister là-dessus, une rupture par rapport aux infrastructures de transport jusque-là de la région Ile-de-France qui consistaient à faire venir des trains, dans un sens, dans un autre, pour toujours passer par Paris, sans d'ailleurs que Paris en ait nécessairement le bénéfice. Là, il s'agit de relier les villes les unes aux autres, dans toute l'Ile-de-France, sans forcément passer par la ville capitale. Il s'agit donc d'organiser la région en réseaux. Et c'est ce projet qui réduira les inégalités sociales, territoriales et culturelles, qui permettra de lier les territoires, qui jusqu'à présent peuvent avoir le sentiment d'être séparés, les uns des autres. L'habitat d'un côté, les bureaux et les activités économiques de l'autre, les commerces d'un côté, et puis les zones résidentielles de l'autre, et puis l'éloignement. L'éloignement qui devient rapidement une relégation. Ce n'est pas simplement vrai dans les banlieues, qui ne doivent plus s'appeler ainsi, ou dans les départements urbains, c'est également vrai dans les zones rurales ou les espaces territoriaux qui vivent aussi, avec douleur, l'éloignement.
Je pense même que ce sentiment d'éloignement crée une distance à l'égard de la vie politique ou même à l'égard de la République ou de la démocratie. Plus on est loin, plus on se met au loin par rapport à ce qui nous unit. Alors, pendant 15 ans, le Grand Paris Express sera l'un des chantiers les plus ambitieux de notre pays, et sans doute, je le disais, de l'Union européenne. Vous avez mobilisé des capacités d'ingénierie, des bureaux d'études, des entreprises de travaux publics, qui vont donner, qui donnent déjà, puisque les travaux sont lancés et ont commencé à Champigny, Arcueil et Issy-les-Moulineaux, donc qui vont donner du travail, de l'activité à toute la région.
Et puis, le Grand Paris Express va apporter une réponse aux besoins des Franciliens, qui souffrent d'un système de transport, dont il faut bien convenir qu'il est saturé, qu'il est même parfois inadapté, avec des rames trop souvent bondées aux heures de pointe, des retards qui sont quelque fois extrêmement difficiles à justifier, pour les salariés, face à des employeurs de plus en plus exigeants.
Et puis aussi ce système de transport, celui que nous connaissons aujourd'hui, qui a été modernisé au fur et à mesure des années - et la région Ile-de-France y est pour beaucoup, oui, ce système de transport c'est aussi une vitrine. Laurent FABIUS ne cesse de le dire : il va dans les aéroports, il va dans les métros, il va partout, pour voir ce que les touristes peuvent également découvrir, et il s'en inquiète. Car la première impression, qui n'est pas toujours la bonne, peut parfois être fatale à l'image de la région Ile-de-France, qui est en fait l'image de la France.
Alors, je sais que la région Ile-de-France et le STIF ont pris la mesure de cette situation, et que sous l'impulsion de Jean-Paul HUCHON, il y a eu un travail très important qui a été mené avec le groupe SNCF et la RATP, dont je salue les dirigeants, ainsi qu'avec la société du Grand Paris, pour déjà réfléchir à l'amélioration immédiate de la qualité de services et aux travaux.
Dans cette perspective, je souhaite que la totalité des 6 milliards d'euros qui sont prévus pour la modernisation et le développement du réseau existant soit engagée d'ici 2017. Je ne prends pas cette date parce qu'il y aurait une échéance, je prends cette date parce que c'est une urgence. En mobilisant 2 milliards d'euros provenant de la société du Grand Paris, l'Etat a pris sa part dans les travaux.
L'urgence, c'est pour le secteur des travaux publics, dont on connait les difficultés. L'urgence, c'est pour les usagers des RER, dont on connait à un moment aussi les désagréments, quand le temps de transport est allongé. Urgence pour l'attractivité de la région, je viens d'en parler. Nous n'avons pas le droit d'être en retard et nous ne le serons pas. Le Grand Paris c'est aussi un projet de développement, qui ne s'arrête pas au transport collectif. J'aborde là un sujet particulièrement délicat.
C'est aussi un plan de mobilisation pour le logement, parce que s'il y a des transports et qu'il n'y a pas les logements, là où on a implanté les gares, je vous le dis tout net, nous aurons raté l'objectif. Les générations suivantes viendront nous en faire le reproche, et je pense que le pacte que vous avez noué entre vous, au-delà des sensibilités et territoires, c'était bien qu'il y ait plus de transports pour qu'il y ait plus de logements et qu'il puisse y avoir une meilleure répartition de la population sur l'ensemble du territoire.
Le Grand Paris, c'est aussi une stratégie de développement économique, avec l'émergence de la métropole. Nous sommes dans une compétition entre les territoires, nous ne devons pas d'ailleurs nous y lancer comme ferait une entreprise, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de la vie des millions de Franciliens, mais en même temps nous devons être conscients que des acteurs économiques s'interrogent pour savoir s'ils vont implanter leur activité ici ou ailleurs. Et tous les jours il y a des arbitrages qui se font, et en fonction de critères qui parfois sont rationnels, parfois ne le sont pas. Je ne m'attacherai qu'aux critères rationnels, qui sont ceux de la qualité du service, qui sont ceux aussi de la capacité de transport, des lieux d'implantation. Et c'est la métropole qui permet de fonder une stratégie.
Cette grande ambition doit s'incarner dans un cadre politique, et, moi je vous donne mon avis, le plus vite possible, le plus tôt sera le mieux. La naissance de la métropole sera accompagnée d'intercommunalités renforcées en grande couronne et ça fera un ensemble cohérent.
Je reviens à l'exposition. Je n'ai pas pu la voir dans sa totalité, mais les maquettes qui sont exposées ici, sont déjà des uvres d'art, des formes d'expression, je salue ceux qui en ont eu la responsabilité. Ces maquettes révèlent ce que vont être les bâtiments. Ces bâtiments doivent répondre à plusieurs enjeux. Le premier enjeu, c'est qu'ils doivent être beaux. La beauté, longtemps, a été écartée d'un certain nombre de quartiers, comme si le beau ne devait être que dans les lieux où il y avait la possibilité d'apprécier l'esthétique. Quelle erreur. Le beau est une valeur démocratique, chaque citoyen a droit aussi à regarder ce qui fait la beauté d'un environnement, la beauté d'un paysage, la beauté d'un bâtiment. Et c'est lorsqu'on a refusé qu'il y ait cette dimension de la qualité esthétique, que l'on a renforcé les inégalités.
Donc le premier devoir, c'est de mettre du beau partout. Le second devoir, c'est d'anticiper sur la transition énergétique. Je ne vous fais pas le couplet, pourtant je le fais partout, sur le rendez-vous Climat, en décembre, mais nous devons anticiper, si un accord se fait et même s'il ne se faisait pas, ce qui serait terrible pour la planète.
Nous, nous avons l'obligation de faire que tout ce que nous construisons aujourd'hui soit un modèle de transition énergétique, d'efficacité, grâce notamment aux énergies renouvelables, mais aussi un modèle de transition numérique. Je reviens d'Angers où je participais à l'inauguration d'une Cité des objets connectés. Les objets connectés doivent être dès à présent dans les équipements que vous allez créer, comme dans les habitats que vous allez proposer.
Le numérique doit avoir partout sa place, et lorsqu'on se déplacera, j'ai compris que dans les gares il n'y aurait plus de couloirs, on serait quasiment a l'air libre, qu'est-ce que demanderont les usagers ? Ils demanderont à pouvoir garder avec eux les objets qui les relient à leurs proches et même au reste du monde.
Le dernier enjeu, c'est celui aussi de la citoyenneté, parce que cette exposition le montre, nous devons supprimer les barrières, faire tomber les murs, casser les frontières physiques ou imaginaires. J'ai été particulièrement impressionné par la gare près de l'hôpital Gustave Roussy. C'est aussi une façon d'ouvrir, d'ouvrir les espaces, d'ouvrir les lieux comme celui de l'hôpital, et de pouvoir s'y mêler, mêler l'ensemble des populations, y compris celles qui se dirigeront vers les aéroports.
Alors je veux saluer l'appel qui a été fait aux architectes et la qualité des projets qui ont été proposés. Il y a dans l'exposition tout ce qui a été imaginé, qui n'a pas forcément été retenu, mais c'est ce foisonnement qui fait aussi notre fierté.
La ministre de la Culture est très attachée à ce que nous puissions avoir une stratégie pour l'architecture française, parce que c'est, si je puis dire, l'excellence française. Il m'arrive de me déplacer beaucoup à l'étranger. Je porte des projets, mais je porte aussi des gestes architecturaux, parce qu'il n'y a pas plus grande reconnaissance de la France que d'avoir des équipements qui sont créés par des pays avec lesquels nous commerçons, où nous échangeons, et qui font le choix de la France à travers l'architecture, qui font qu'il y a une présence de la France. Une « touche française », qui n'est pas que technologique, qui est aussi architecturale.
Voilà pourquoi il était si important d'avoir cette exposition. J'ai compris que le tracé du Grand Paris Express, c'était des rythmes, des monuments, et aussi des lignes. Je découvre que je suis sur la ligne rouge. Alors, quand on est face à une ligne rouge, il y a plusieurs attitudes. Il y a ceux qui disent qu'il ne faut jamais dépasser la ligne rouge, que c'est une ligne rouge infranchissable, ce n'est pas ici la conception que nous avons.
Il y a la ligne rouge que l'on suit, et que l'on suit lucidement, et cette ligne ne nous conduit jamais nulle part, parce que c'est cela la grande réponse. Il faut avoir des lignes, pour s'y tenir, il faut avoir des lignes à emprunter, y compris à travers l'apport des autres, et il faut aussi savoir maitriser son destin, savoir où nous voulons aller et le faire ensemble. C'est ce que vous avez réalisé à travers cette exposition, mais surtout à travers les grands équipements, les grandes lignes de transport que vous allez ouvrir pour les Franciliens, et je voulais ici vous en féliciter et également vous dire toute la fierté de pouvoir, demain, avoir un Grand Paris, qui soit à l'honneur de la France. Merci.