28 novembre 2014 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Alpha Condé, Président de la République de Guinée, sur les relations franco-guinéennes et sur la lutte contre l'épidémie d'Ebola, à Conakry le 28 novembre 2014.

QUESTION La France, M. le Président, s'est beaucoup impliquée dans la signature des accords politiques du 3 juillet 2013 portant l'organisation des élections législatives en Guinée et balisant le terrain pour les scrutins à venir. Avec le désaccord noté entre le pouvoir en place et l'opposition, que pensez-vous faire, M. le Président, pour renforcer cette dynamique qui a ramené la Guinée dans le calme ? Merci.
LE PRESIDENT D'abord, je voudrais remercier le Président Alpha CONDE, et l'ensemble des autorités guinéennes pour leur accueil aujourd'hui. Il était dirigé vers le Président de la République française, puisque cela faisait 15 ans qu'il n'y avait pas eu un évènement comparable. Mais il était tourné aussi, cet accueil vers l'ensemble des personnes qui sont venues ici pour apporter leur solidarité au peuple guinéen.
Les organisations humanitaires, les soignants, les militaires français et les médecins et autres personnalités scientifiques, encore aujourd'hui avec l'Institut Pasteur qui sont aux côtés de la Guinée dans l'épreuve qu'elle traverse.
Il y a eu aussi une volonté de la part du peuple guinéen de dire au peuple français sa reconnaissance et son amitié. Et donc, je veux ici vous dire que j'y étais particulièrement sensible, particulièrement touché. Et les Français peuvent être à la fois conscients de ce qui vit la Guinée, une épreuve, fière aussi de ce que l'amitié entre nos deux pays est capable de construire, mais également vigilants. Vigilants pour que la Guinée soit toujours ouverte au monde, qu'elle ne puisse pas être isolée, y compris dans cette phase. Et qu'elle puisse continuer à assurer son développement. Développement économique, développement industriel à travers ces mines, développement portuaire, développement aussi de sa démocratie. Et c'est la question qui m'est posée.
Vous savez que la France est attachée depuis longtemps, en tous cas au moins depuis que je suis Président de la République, à faire respecter les échéances, à faire respecter les ordres constitutionnels des pays qu'elle soutient.
Et aussi à faire en sorte qu'il puisse à chaque fois y avoir des élections pluralistes et transparentes.
Lorsque Jacques CHIRAC est venu, ici, en Guinée, il y a 15 ans, Alpha CONDE était opposant, il était en prison. Aujourd'hui, je suis auprès du Président Alpha CONDE, mais je veux que l'ensemble des parties prenantes guinéennes puissent être associées aux élections qui vont se produire et je l'ai toujours dit à Alpha CONDE.
Je l'ai reçu très tôt, lorsque j'ai été élu Président de la République et nous avons mis à chaque fois la France en situation de soutenir le processus qui est ici engagé en Guinée.
Je rappelle que le Président Alpha CONDE est le premier Président élu au suffrage universel dans des conditions démocratiques, transparentes et pluralistes. Mais il faut aller jusqu'au bout de ce processus et ce qui vaut pour la Guinée, vaut pour l'ensemble des pays amis en Afrique.
QUESTION Monsieur le Président Alpha CONDE, Monsieur le Président. Vous êtes le premier dirigeant occidental à venir en zone Ebola. Alors, au-delà du symbole que cela représente, quel est le message M. Le Président, que vous entendez personnellement porter en venant ici ? Et pour vous M. CONDE, quelle signification a la présence de M. HOLLANDE aujourd'hui dans votre pays ? Et est-ce que vous avez peur finalement d'être frappé d'ostracisme ?
M. Alpha CONDE Comme je l'ai dit, la venue du Président HOLLANDE est un très grand symbole. Lorsque votre voisin dit que votre chien est enragé, les autres ont peur. Donc, la panique internationale a été créée par nos voisins qui ont fermé les frontières. On ne critique personne. Le fait que le Président HOLLANDE, le Président de la France, un très grand pays, soit venu, mais avant même que le Président HOLLANDE ne vienne, Air France a maintenu les vols hebdomadaires. Nous avons sept vols par semaine et l'école française a ouvert. Et l'Ambassadeur de France et l'Ambassadeur de l'Union européenne nous ont tout le temps accompagnés. Donc, la venue du Président HOLLANDE ne vient que confirmer cette solidarité que la France a toujours eue à notre égard. Je connais le Président HOLLANDE depuis longtemps, puisque nous avons été opposants membres de l'internationale. Nous ne pourrons que nous donner la main et je pense que le peuple guinéen est très fier, surtout de la venue du Président HOLLANDE qui montre que l'on peut venir en Guinée et que l'on n'attrape pas Ebola. J'espère qu'après sa venue, les hommes d'affaires français vont revenir, ainsi que les autres hommes d'affaires. Donc, c'est un grand symbole et je pense que le peuple guinéen a montré sa reconnaissance.
Bien que l'on soit aujourd'hui vendredi, nous sommes un pays musulman à 90%, donc c'est l'heure de la prière, puisque j'ai dit à l'Ambassadeur que l'on aurait pu choisir une autre heure, mais malgré cela, vous avez vu l'accueil que le peuple a montré l'importance du voyage du Président HOLLANDE. Il m'a d'ailleurs demandé : Mais où avez-vous pris tous ces drapeaux français ?
LE PRESIDENT Parce qu'en 1958, il n'y avait plus beaucoup de drapeaux.
Moi je ne fais pas encore de conférence de presse avec le chef de l'opposition, mais cela va peut-être venir. Mais je vais répondre à la question qui m'est posée.
Bien sûr qu'il y a un symbole à venir, ici, en Guinée alors même que cette partie-là de l'Afrique, avec la Sierra Leone et le Liberia, est frappée par Ebola. Mais j'ai voulu par ma présence envoyer trois messages. Un message de solidarité à l'égard de la Guinée, à l'égard aussi de la population guinéenne. Celle qui peut être frappée par la maladie, celle qui peut craindre la maladie et celle qui se bat contre la maladie.
Solidarité aussi à l'égard des soignants, admirables soignants Guinéens, Français, mais de beaucoup d'autres nationalités qui prennent des risques pour assurer à la population guinéenne les soins de hautes qualités qu'elle attend.
Je suis venu aussi pour adresser un message de confiance. C'est-à-dire que je ne veux pas que les pays qui sont frappés par une épidémie, par un fléau sanitaire, puissent être enfermés, coupés du monde et ainsi entravés dans leur développement, dans leur vie. Et c'était le risque qui pouvait se produire. Faire qu'à une crise sanitaire ne vienne pas ensuite s'ajouter une crise économique qui elle-même puisse déboucher sur une crise politique, voir une crise sécuritaire. C'est-à-dire de la violence.
Donc, il était très important que je puisse dire au monde entier que la Guinée continue à vivre, à se battre et à se développer.
Le dernier message, c'est un message de vigilance. Oui, il convient d'être vigilant. La bataille n'est pas gagnée contre Ebola. Nous devons, vous devez prendre un certain nombre de disposition pour éviter une contamination, pour donner de l'information. Ma visite permet aussi de m'adresser à toute la population guinéenne mais aussi à la population française et de dire : « attention, nous devons continuer à être vigilants, à prendre des précautions y compris dans nos modes de transports, y compris lorsque un certain nombre de nos proches peuvent circuler à travers le monde ». Cette visite est non seulement amicale, non seulement celle de la solidarité, mais elle peut être aussi utile à la Guinée, à la France et au monde tout entier.
QUESTION - On sait que la France a joué un rôle fondamental dans la sensibilisation et la mobilisation pour la lutte contre Ebola. Monsieur le Président, François HOLLANDE, quelle place la France entend-elle occuper au sein de la structure destinée à coordonner l'aide en faveur de la riposte internationale contre Ebola ? Et quel est le mécanisme prévu par la France pour apporter une aide budgétaire à la Guinée qui est en train de payer un lourd tribu suite à la propagation de la pathologie ? Je vous remercie
LE PRESIDENT - Il y a une aide financière qui est prévue celle de la France, celle de l'Europe, celle de la communauté internationale et pour illustrer la France va consacrer d'une manière générale la lutte contre Ebola à peu près 100 millions d'euros. C'est une part de notre contribution mais c'est une part aussi de notre protection, il y a bien sûr une volonté d'être généreux, d'être solidaires mais c'est aussi une volonté de précaution. De ce point de vue c'est aussi un investissement que nous faisons dans les équipements sanitaires guinéens par exemple et nous continuerons à soutenir la Guinée après Ebola. Nous avons signé un accord entre l'Institut Pasteur et les autorités guinéennes pour qu'il y ait une antenne de l'Institut Pasteur ici en Guinée, durablement. Nous agissons aussi immédiatement, c'est-à-dire que nous créons en ce moment des centres de soins, notamment en Guinée forestière. Au départ j'avais annoncé un hôpital militaire en Guinée forestière. En définitive, nous allons créer quatre structures, grâce aux organisations humanitaires, Médecins Sans Frontières, la Croix Rouge, et nous allons continuer à agir sur Conakry.
Nous allons aussi créer un centre de soins pour les soignants, pour que les personnels, quelle que soit leur nationalité, qui pourraient être touchés par Ebola, puissent être soignés sur place. Ce centre va se mettre en place dans quelques semaines. Nous allons également créer un centre de formation pour les soignants, ici en Guinée et il y en a déjà un qui s'est ouvert pour nos propres personnels en France.
Nous avons un coordonnateur général qui est M. DELFRAISSY, qui est ici présent, qui travaille en étroite liaison avec le coordonnateur Guinée Monsieur KEITA de manière à ce que nous puissions être les plus efficaces possibles.
Voilà l'ensemble des actions que nous pouvons engager, mais en même temps, nous allons nous rendre au sommet de la francophonie, je vais lancer un appel aussi à la mobilisation des pays francophones, je parle notamment du Canada, de la Belgique et de la Suisse qui m'ont dit qu'ils étaient prêts à accompagner la Guinée.
Pourquoi la francophonie est tout à fait essentielle -même si cela ne dispense pas par exemple les russes de venir ici aussi apporter un certain nombre de traitements- mais la francophonie est essentielle parce que pour un malade c'est quand même plus simple d'exprimer ce qu'il dit en français que dans une autre langue, et pour un personnel soignant c'est également plus rapide de comprendre exactement ce qui lui est dit par un malade plutôt que de se le faire traduire. La francophonie est tout à fait majeure pour le traitement d'Ebola.
M. Alpha CONDE - Il faut comprendre ce que l'Institut Pasteur à signé. L'Institut Pasteur non seulement sera construit à côté de Donka, mais surtout ils vont nous former des chercheurs Guinéens, ici et en France, pour qu'à l'avenir quelle que soit l'épidémie nous soyons capables de trouver l'épidémie par nous-mêmes sans attendre l'aide extérieure et de pouvoir soigner.
QUESTION Messieurs, dans un entretien accordé au journal le Monde hier, le Président CONDE a exprimé le souhait que la France fasse un geste en termes de désendettement et d'une aide budgétaire d'urgence pour passer cette mauvaise période, est-ce qu'il y a des annonces qui peuvent être faites et si oui est-ce que le Président CONDE est satisfait de ce geste ?
LE PRESIDENT - Le Président CONDE a accordé un entretien au journal Le Monde qui sort en ce moment même ce qui prouve ou l'habileté du Monde, ou la pertinence en termes de communication du Président CONDE. Les deux se sont, sans doute, rencontrées. Nous avons discuté de cet aspect-là sur un dossier particulier qui concerne une part de la dette et j'ai confirmé qu'il y aurait un effort pour résoudre cette question et une aide budgétaire qui serait renforcée. Donc la question que vous avez posée à laquelle le Président CONDE vous a répondu, a été traitée cet après-midi.
Ce serait quand même efficace, si, chaque fois qu'il y avait une interview dans Le Monde, on avait ce résultat. Je serais même prêt à en faire davantage moi-même.
M. Alpha CONDE - Nous avons aussi demandé dans le renforcement qu'on ait une clinique de référence. Il faut que désormais nous n'amenions plus nos gens au Maroc et en France pour les soins, mais qu'on puisse les soigner localement. Il faut qu'en plus du renforcement de notre système sanitaire, nous ayons une clinique de référence qui pourra soigner n'importe quelle maladie. Cela nous coûte très cher d'envoyer des gens au Maroc et en France. Bon retour grand frère.