23 mai 2013 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et l'Allemagne, la social-démocratie allemande et sur la construction européenne, à Leipzig le 23 mai 2013.

Je mesure lhonneur qui mest fait de mexprimer ici, aux côtés de lensemble des autorités de la République Fédérale dAllemagne pour célébrer le 150ème anniversaire du SPD.
Cette cérémonie transcende les clivages politiques, les calculs électoraux et les frontières géographiques. Elle renvoie une belle image de votre démocratie, dont vous pouvez être légitimement fiers.
Ma présence est une nouvelle preuve de la force de lamitié franco-allemande qui nous permet dévoquer, ensemble, les moments forts de nos histoires nationales.
Je suis ici aujourdhui comme Président de la République française, comme un socialiste qui sait ce quil doit à la social-démocratie et surtout comme un européen.
Car lhistoire du SPD, depuis sa création par Ferdinand Lassalle jusquà aujourdhui est indissociable des grand débats qui ont traversé notre continent. Trois mots, trois valeurs, trois combats traduisent lapport de la social-démocratie allemande au modèle européen.
Le premier, c'est la démocratie.
Au moment où le mouvement ouvrier hésitait sur le chemin à suivre, sur la forme à donner à son organisation, sur la conduite à tenir face au régime parlementaire, le SPD a pris une décision majeure : il arrima lidéal socialiste à lidée démocratique, il lia l'aspiration à l'égalité à l'exigence de liberté. Il associa le progrès au suffrage universel.
Cette orientation eut une influence considérable. Elle inspira largement le socialisme en France. Jean JAURES regardait avec admiration un parti qui était devenu en 1912 le groupe parlementaire le plus puissant dAllemagne. Il imaginait quensemble il serait possible dempêcher léclatement de la guerre. Hélas, il fut assassiné avant que le déchainement des passions nationalistes emporte tout.
Plus tard, dans les moments tragiques de lhistoire allemande, les sociaux-démocrates défendirent jusquau bout la démocratie. Ses dirigeants allant jusquà préférer lhonneur à leur propre vie. C'est Otto WELS, alors président du SPD, qui, le 23 mars 1933, sopposa au vote des pleins pouvoirs à HITLER au nom « des principes de lEtat de droit, de la justice sociale et de lHumanité ».
Décapité, pourchassé, exilé, le SPD exprima la résistance au nazisme, allant jusquà affirmer courageusement son soutien aux alliés dès le début de la seconde guerre mondiale sans jamais cesser de servir lAllemagne.
Reconstitué à lOuest après la seconde guerre mondiale le SPD, au nom de la démocratie, refusa la fusion avec le parti communiste et, sous l'autorité de Kurt SCHUMACHER, participa à la reconstruction de l'Allemagne sans jamais abandonner lidée de parvenir, un jour, à la réunification.
Et le SPD avec Erich OLLENHAUER neut aucun état dâme à soutenir ladhésion de lAllemagne au Marché Commun. Il y voyait un moyen de renforcer la démocratie et de faire avancer le progrès.
Car lidentité de la social-démocratie, c'est le progrès.
Au moment où fut fondé le SPD, le progrès c'était « la fixation de salaires minima, lenseignement gratuit, lassurance maladie, la liberté dassociation, la réduction de la durée du travail, la création de coopératives de production ».
Tout cela fut acquis au cours des décennies qui suivirent et largement étendu à l'ensemble du continent européen.
Grâce à l'action et à l'influence du SPD, le progrès prit ensuite la forme de la démocratie sociale avec la reconnaissance des droits des salariés à être informés et consultés sur les choix stratégiques des entreprises, avec la culture du compromis pour faire évoluer le droit du travail et avec la négociation entre partenaires sociaux pour faire évoluer lEtat providence.
Le progrès, cest aussi de faire des réformes courageuses pour préserver lemploi et anticiper les mutations sociales et culturelles comme la montré Gerhard Schröder. On ne construit rien de solide en ignorant le réel.
Le réalisme cest le troisième apport de la social-démocratie.
Le réalisme nest pas le renoncement à lidéal, mais lun des moyens les plus sûrs de latteindre. Le réformisme ce nest pas lacceptation dune fatalité mais laffirmation dune volonté. Le compromis nest pas un arrangement mais un dépassement.
Cest en 1959, à Bad-Godesberg que le grand pas fut franchi, à travers une déclaration, entrée dans l'histoire, et dont lesprit tient en une idée simple : le marché autant qu'il est nécessaire £ la solidarité autant qu'elle est possible. Et une ambition : être le parti du peuple tout entier.
Que de fois, de bons esprits ont demandé aux socialistes français de faire à leur tour leur Bad-Godesberg comme preuve de leur réformisme ! Ce quils ont dailleurs pourtant démontré chaque fois quils ont exercé le pouvoir.
Cest bien le signe de votre indéniable succès.
Je leur réponds que tout n'est pas transposable. Nos pays sont différents £ nos histoires ne sont pas interchangeables. Nos cultures politiques syndicales sont singulières. Mais je garde de la social-démocratie le sens du dialogue, la recherche du compromis et la synthèse permanente entre la performance économique et la justice sociale.
Cest cette démarche qui minspire pour la construction de lEurope. Car nous avons une responsabilité particulière, nous, Français et Allemands.
Cest notre amitié qui a permis lEurope.
Cest notre amitié qui, après des siècles daffrontements dévastateurs, a rendu possible la paix : je noublie pas que cette année est aussi celle du bicentenaire de la « bataille des Nations » qui, ici à Leipzig en 1813, faucha plus de cent mille jeunes européens.
Cest notre amitié qui a ouvert la voie à la réunification de lAllemagne et à lélargissement.
Cest notre amitié qui a autorisé la monnaie unique : leuro
Dans cette belle uvre commune, le SPD a pris toute sa part, avec de grandes personnalités qui font désormais parties du patrimoine politique et intellectuel de lEurope.
Dès 1969, Willy BRANDT eut limmense mérite dengager louverture à lEst.
Et en 1976, cest Helmut SCHMIDT qui eut le courage dimaginer, avec le Président Giscard dEstaing, le système monétaire européen.
La social-démocratie a fait avancer lEurope. Mais elle ne la pas fait seule. Car lEurope est une construction qui dépasse les clivages politiques, qui unit les peuples, qui oblige les gouvernements et notamment les nôtres à travailler ensemble.
Nous sommes tous ici les héritiers de cette histoire.
A nous dêtre dignes des plus grands moments, comme celui du général de GAULLE et du chancelier ADENAUER signant le traité de lElysée le 22 janvier 1963 £ ou limage du chancelier KOHL et de François MITTERRAND, se donnant la main, sur le champ de bataille de Verdun, le 22 septembre 1984. Et l'instant magique où le mur de BERLIN s'effondra.
LEurope a besoin de nous.
Elle est la première puissance du monde. Mais elle subit une crise qui la fait douter delle-même. Et connaît un chômage qui léloigne des peuples.
LEurope doit entrainer le monde et non pas le subir.
Dans cette perspective, les valeurs que nous célébrons aujourdhui, la démocratie, le progrès, le réalisme peuvent nous inspirer.
Nous devons nous convaincre que la mise en commun de nos forces et de nos ressources apportera à nouveau le progrès.
Cest le sens de lintégration solidaire que j'ai proposée.
La France souhaite ouvrir cette discussion avec tous les Européens, et en premier lieu avec lAllemagne. Cest cette ambition qui donnera son contenu à lunion politique.
LEurope a été capable, ces derniers mois, den finir avec linstabilité financière. Elle a su apporter la preuve que les pays de lUnion nabandonneraient jamais lun des leurs à ses difficultés. Elle a introduit des règles et des disciplines en matière budgétaire et bancaire.
LEurope doit désormais faire preuve de la même détermination pour donner priorité à la croissance et offrir à la jeunesse une nouvelle espérance.
Cest le rôle des Etats mais aussi des partis politiques que dy travailler sans relâche. Et je salue tous ces militants qui se dévouent de génération en génération à cette cause quest lEurope. Et à cette belle idée du progrès. Je leur dis de ne jamais se désespérer et dunir leurs forces face à légoïsme, au populisme et au nationalisme.
Si je navais quun seul message à vous transmettre aujourdhui, un seul mot à vous dire, ce serait celui par lequel jai ouvert mon propos et par lequel je veux le clore : unité.
Unie, lAllemagne est devenue plus forte.
Unies, la France et lAllemagne feront avancer lEurope.
Unie, lEurope sera capable de prolonger son histoire pour porter une grande ambition fondée sur la démocratie, le progrès et la solidarité.
Vive lAllemagne !
Vive la France !
Vive lamitié franco-allemande !
Es lebe Deutschland !
Es lebe Frankreich !
Es lebe die deutsch-französische Freundschaft !