8 juin 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Hollande, Président de la République, et Mahmoud Abbas, Président de l'Autorité palestinienne, sur les relations franco-palestiniennes et sur le processus de paix israélo-palestinien, à Paris le 8 juin 2012.


LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, j'ai reçu aujourd'hui le président Mahmoud Abbas. Nous nous connaissons bien, j'avais eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises ces derniers mois £ lorsque j'étais moi-même Premier secrétaire du Parti Socialiste. Et puis ensuite, comme candidat.
Mais aujourd'hui je le recevais en tant que Président de la République, avec beaucoup de plaisir et en même temps beaucoup de préoccupation. Le plaisir c'est de voir que la relation entre la France et l'Autorité palestinienne, s'est, ces dernières années, renforcée au point que nous contribuons activement au développement économique, notamment de la Cisjordanie, qui fait que des résultats sont atteints et l'aide de la France a été encore amplifiée hier par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius.
J'ai également insisté sur nos coopérations pour que la langue française, la culture française soient encore davantage présentes dans les territoires palestiniens.
Nous avons évoqué également la situation et le blocage, pour l'instant, du dialogue nécessaire, indispensable, de la négociation, qui doit conduire à la paix et à la reconnaissance de l'Etat palestinien dans les frontières de 1967. Mais nous devons lever ces blocages. Aujourd'hui les conditions qui sont posées, nous les connaissons. Elles ne sont pas telles qu'elles pourraient empêcher la reprise du dialogue, en tout cas nous ferons tout -- la France -- pour qu'il puisse reprendre. Je l'ai dit aux Israéliens, je l'affirme devant le président de l'Autorité palestinienne, le dialogue doit reprendre, et le plus vite sera le mieux.
Ensuite il y aura nécessairement à engager un processus qui devra trouver les conditions d'une paix. Mais cette paix est elle-même fragilisée aujourd'hui dans la région. Nous en avons parlé. Un certain nombre de situations peuvent altérer les conditions du dialogue entre Palestiniens et Israéliens. Tout ce qui déstabilise la région est mauvais pour le retour vers la paix.
Nous avons également évoqué l'actualité internationale et nous souhaitons l'un et l'autre, que, aussi bien pour la Syrie, que pour d'autres situations, je pense notamment à la négociation en cours avec l'Iran, tout soit fait pour que nous trouvions des solutions politiques.
Voilà le sens de notre discussion d'aujourd'hui. Je rappelle que Mahmoud Abbas a rencontré non seulement le ministre des affaires étrangères, le Premier ministre, et aujourd'hui le président de la République : c'est dire le niveau et la qualité de nos relations.
M. ABBAS -- Merci M. le Président.
Je voudrais dire tout d'abord que j'ai félicité le président pour son succès lors des dernières élections présidentielles. J'ai également informé le président de la République de l'état de nos contacts avec le gouvernement israélien, où nous en sommes aujourd'hui et tout le monde sait que notre premier choix, ce sont les négociations. C'est pour cela que nous nous concentrons sur les négociations, nous insistons sur les négociations. Entre nous-même et les Israéliens dernièrement, nous n'avons pas pu convaincre les Israéliens d'accepter d'arrêter la colonisation et l'Etat palestinien dans les frontières de 1967, nous travaillons toujours pour obtenir cet accord des Israéliens.
Mais dernièrement nous avons dit aux Israéliens, si Israël acceptait de libérer les prisonniers et nous permettait d'importer les armes pour la police palestinienne, nous pourrions nous rasseoir autour de la table avec M. Netanyahou. Et là, j'insiste sur le problème des prisonniers : c'est un problème extrêmement sensible. Il y a un peu plus d'un mois, il y avait des centaines et même des milliers de prisonniers en grève de la faim et leur vie à tous était en danger.
Aujourd'hui nous avons un certain nombre de prisonniers qui sont en grève comme Mahmoud Sarsak, qui est un footballeur, et qui est en grève de la faim depuis 86 jours. De même, Akram Rikhawy qui est en grève de la faim depuis 58 jours. La vie de ces jeunes est en danger, parce qu'ils sont en grève de la faim et qu'ils sont en prison sans avoir été condamnés. Et Israël refuse de les remettre en liberté.
Le problème des prisonniers est très très sensible pour nous. Nous attendons que le gouvernement israélien fasse son devoir envers ces prisonniers.
Nous avons également abordé avec le Président Hollande notre stratégie à l'égard des Nations Unies. Nous avons dit que si nous ne parvenons pas à aller de l'avant dans les négociations, nous irons aux Nations Unies afin d'obtenir le statut d'Etat non membre. Et nous sommes convenus avec le président Hollande de nous concerter dès maintenant et jusqu'à cette étape possible à l'avenir.
Nous savons que la France avait reconnu l'Etat de Palestine à l'Unesco et a vraiment fait quelque chose de remarquable et d'extraordinaire lorsqu'elle a reconnu la Palestine, dépassant ainsi un certain nombre d'obstacles. Nous espérons que le moment viendra, bientôt, où la France reconnaîtra l'Etat palestinien.
Je voudrais dire franchement que tout ce que nous voulons faire sur la scène internationale ne vise absolument pas à isoler Israël ni à délégitimer Israël. Nous voulons vivre à côté d'Israël, coexister. Nous refusons la politique expansionniste de la colonisation israélienne. Nous ne voulons pas isoler Israël. Nous sommes décidés, nous sommes déterminés et c'est là notre décision à vivre avec Israël, côte à côte, dans la paix, la sécurité et la stabilité et nous voulons amener à notre suite tous les Etats arabes et tous les Etats musulmans pour qu'ils reconnaissent Israël comme cela a été énoncé dans l'initiative arabe de paix.
Nous avons bien évidemment remercié le président Hollande pour les positions politiques de la France et pour le soutien économique efficace.
Hier nous avons signé une convention pour une aide budgétaire de 10 millions d'euros, qui constitue une partie des engagements du gouvernement français. Et c'est une chose que nous apprécions beaucoup et que nous respectons et nous aimerions remercier le gouvernement français pour cette initiative. Nous remercions aussi le gouvernement français parce qu'il a toujours répété que la colonisation était illégale et devait s'arrêter pour parvenir à une solution de paix entre les Israéliens et le Palestiniens.
Je ne veux pas parler longuement. Nous allons répondre à vos questions mais j'ai également eu l'honneur d'inviter le président Hollande à venir visiter la Palestine, au moment qui lui conviendra, et nous serons très heureux de l'accueillir en Palestine quel que soit ce moment.
Merci.
QUESTION -- M. le Président Hollande, la France, tout au long de l'histoire, avait de grands hommes qui ont pris des décisions historiques et qui ont écrit l'Histoire de la France et du monde, absolument remarquable. Le président Hollande va-t-il prendre cette décision courageuse et historique qu'il avait promise lors de sa campagne de reconnaître l'Etat palestinien dans les frontières de 67 avec Jérusalem-Est pour capitale ? C'est là le soutien politique que le peuple palestinien attend de votre part et c'est ce que le président Mahmoud Abbas a également demandé.
Question au président Mahmoud Abbas : nous savons que vous avez toujours eu le soutien de la France, son gouvernement et son peuple. Pensez-vous que la France ou attendez-vous de la France une reconnaissance avant septembre prochain ?
LE PRESIDENT -- Je vous remercie d'avoir rappelé qu'il y avait eu des grands hommes à la tête de notre République. Et chacun doit s'en inspirer. D'avoir également évoqué des grandes décisions qui ont pu être prises à des moments où la France pouvait être à l'avant- garde des Nations.
Et sur la question de la paix au Proche-Orient, nous avons toujours eu une position et j'ai surtout en mémoire les paroles fortes qui avaient pu être prononcées par François Mitterrand, à la Knesset. Et aujourd'hui nous devons tout faire pour faciliter la reconnaissance de l'Etat palestinien, à travers un processus de négociation. Ce qu'attendent les Palestiniens, ce ne sont pas des proclamations, c'est qu'il puisse y avoir au terme d'un processus de négociations avec les israéliens et un accord de paix, la reconnaissance pleine et entière de l'Etat palestinien. Et nous, nous n'avons pas d'autre démarche que de faciliter cette négociation qui est le processus qui doit conduire à la reconnaissance. Nous en avons discuté avec le président Mahmoud ABBAS, il appartiendra au président palestinien de décider s'il veut engager une discussion à l'Assemblée Générale des Nations Unies et présenter un texte. C'est sa liberté et c'est son choix. Mais nous nous pensons que c'est d'abord et surtout à travers la négociation que nous pouvons aboutir au résultat qui est celui qui est attendu depuis de longues années et dont j'ai rappelé qu'il avait été énoncé en son temps par François MITERRAND et confirmé ensuite.
QUESTION -- M. le Président est-ce que la France est prête à prendre des initiatives pour relancer le processus de paix au Proche orient et est-ce que vous allez répondre rapidement à l'invitation de Mahmoud ABBAS à vous rendre au Proche Orient ?
LE PRESIDENT -- D'abord nous avons de bonnes relations avec les israéliens et avec l'autorité palestinienne ce qui nous permet de faire passer un certain nombre de messages et de faciliter la reprise du dialogue. C'est le sens de notre rencontre. J'ai eu il y a quelques jours également une relation avec un conseiller proche du premier ministre israélien. Je suis moi-même en contact avec Monsieur NETANYHAOU et donc nous devons faire passer ces messages. J'ai entendu les difficultés qui ont été évoquées : la question des prisonniers, des forces de police palestinienne. La France est pleinement mobilisée pour favoriser la reprise du dialogue. Nous avons à chercher à chaque fois à être utile, c'est cela la position de la France. Être utile. Et donc faire en sorte que nous puissions donner des sécurités et aux uns et aux autres. Sécurité pour les Israéliens de vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues et puis sécurité pour que les Palestiniens sachent bien que c'est au bout de la négociation que se trouvera la reconnaissance. Quand à mon déplacement, je trouverai une date pour me rendre au Proche Orient et donc j'irai en Israël et en Palestine.
QUESTION -- M. ABBAS, est-ce qu'il faut comprendre que le gel des implantations n'est plus la condition de reprise des négociations si Israël répond positivement à la question de libération de prisonniers, des armes pour la milice palestinienne ?
Et M. le Président HOLLANDE, est-ce que du point de vue de la France, ce gel de la colonisation, ou l'arrêt de la colonisation, des implantations est une pré-condition de reprise de négociations d'un point de vue de la France ?
M. ABBAS -- Pour ce qui est de la colonisation et du gel, vous savez très bien que cela ne constitue pas une condition préalable. C'est un engagement qui a été mentionné dans plus d'un document international, plus d'un accord. Plusieurs textes ont mentionné l'arrêt des actes unilatéraux et je peux vous citer l'ensemble des accords qui ont été signés entre nous et les gouvernements palestiniens et israéliens successifs. Il y a eu de nombreux accords stipulant l'arrêt de la colonisation. Nous parlons du gel de la colonisation pour que cela nous laisse la chance de retourner aux négociations, de reprendre les négociations et malgré cela j'ai dit que si M. NETANYAHOU était d'accord pour libérer les prisonniers et pour permettre l'entrée des armes pour les forces de police, nous dialoguerons, cela ne signifie pas négocier. C'est d'ailleurs ce que M. NETANYAHOU avait proposé lui-même lors de ces rencontres, nous discutons, nous dialoguons d'un certain nombre de choses mais les négociations ont besoin de la mise en uvre de ces deux points et nous insistons : ce ne sont pas là des conditions préalables, ce sont des engagements qui ont été pris par le gouvernement israélien auparavant.
LE PRESIDENT -- S'agissant de la colonisation, la position de la France est constante et parfaitement connue. Elle ne date pas du 6 mai. Je constate que les Palestiniens aujourd'hui n'en font plus une condition absolue en disant qu'ils sont prêts à reprendre la discussion par rapport à des conditions qui sont en fait des confirmations d'accords qui sont déjà intervenues. J'en prends acte.
Et nous avons à convaincre les Israéliens et c'est normal qu'ils prennent aussi des garanties pour que ce soit bien sur ces bases là que la discussion puisse s'engager. Quand il s'agit d'armes cela peut inquiéter. Donc il est normal qu'il y ait des demandes qui puissent être examinées. Je crois que c'est l'esprit qui a été aujourd'hui indiqué.
QUESTION -- Bonjour, j'ai une question sur l'Europe, je voulais vous demander M. le Président ce que vous pensiez de l'idée de Mme MERKEL de renforcer l'Europe politique et par ailleurs si vous aviez eu vent d'une demande de l'Espagne d'aide financière pour renforcer ses banques dès ce week-end ? Merci.
LE PRESIDENT -- Donc je voulais vous laisser poser la question, double question pour ne pas vous donner une double réponse aujourd'hui. Pourquoi ? parce que je pense que cette conférence de presse doit être entièrement consacrée à la relation entre Mahmoud ABBAS et moi-même, c'est dans cet esprit-là que je ne répondrai pas à votre question.
QUESTION -- Est-ce que vous ne pensez pas que la crise Syrienne qui accapare toute l'attention du monde finalement ne relègue pas au deuxième plan la question palestinienne ?
LE PRESIDENT -- Tout ce qui crée de l'instabilité au Proche et Moyen-Orient ne favorise pas le règlement de la question qui est celle dont, depuis trop d'années, nous parlons. Donc la question syrienne doit être réglée, doit trouver sa solution. Et également dans l'esprit de pouvoir également traiter la question du Proche Orient et donc de la paix au Proche orient. Cela a des répercussions à l'évidence.
QUESTION -- J'ai une double question, pour vous d'abord M. le Président. La partie palestinienne d'après ce que j'ai compris réclame un partenariat total et complet avec la France. Est-ce que vous êtes prêt pour un tel partenariat ? Deux questions adressées au président Mahmoud ABBAS. Première question : allez-vous prendre à nouveau le chemin du Conseil de Sécurité des Nations Unies ou est-ce que cette fois- ci vous allez passer par l'Assemblée Générale des Nations Unies comme la France vous l'avait conseillé l'année dernière ? Est-ce que vous vous attendez à une reprise des négociations ou en tous cas de discussions sérieuses avant les élections américaines ?
LE PRESIDENT -- Sur votre question, pour donner un nouvel élan à la coopération bilatérale, nous souhaitons organiser un séminaire intergouvernemental pour améliorer encore les relations entre l'autorité palestinienne et la France et pour amplifier encore les échanges que nous avons. Donc vous voyez le cadre va prendre une nouvelle forme permettant de donner une nouvelle dimension à nos relations.
M. ABBAS -- Nous irons à l'Assemblée Générale des Nations Unies, nous avons essayé le Conseil de Sécurité et malheureusement nous n'avons pas obtenu le nombre de voix suffisantes. Donc si toutes les autres tentatives de reprises de négociations ne réussissent pas eh bien nous irons à l'Assemblée Générale pour obtenir le statut d'Etat non membre. C'est un statut qui est reconnu. La Suisse est passée par là, le Vatican est passé par là, donc bien évidemment nous irons à l'Assemblée Générale bien que nous soyons tout à fait conscients des obstacles nombreux auxquels nous allons nous heurter. Les négociations, nous attendons ou nous n'attendons pas, la balle est dans le camp de M. NETANYAHOU dès qu'il accepte le gel des négociations et les frontières, les monde entier a reconnu ces frontières de 1967. C'est la frontière qui a été mentionnée dans toutes les résolutions internationales et bien nous irons directement aux négociations pour discuter de la délimitation de la frontière des réfugiés, de l'eau, de Jérusalem.