Le Président de la République a co-présidé avec le Premier ministre Starmer et le Chancelier Merz une réunion de la Coalition des volontaires en visioconférence le dimanche 17 août 2025.
Cette réunion s'est tenue à la suite de la rencontre entre le Président Trump et le Président Poutine le 15 août 2025 en Alaska.
Revoir la déclaration du Président :
17 août 2025 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration du Président Emmanuel Macron à l'issue de la réunion de la Coalition des volontaires.
Emmanuel MACRON
Bonsoir à tous.
Je voulais dire quelques mots à l'issue donc des échanges que nous avons eus ces derniers jours.
J'avais eu l'occasion de rendre compte ici des échanges que nous avions tenus au sein de la coalition des volontaires et puis, en coordination entre Européens et Américains avant la rencontre d'Alaska. Hier matin, nous avons eu le compte rendu de cette rencontre en Alaska par le président Trump, nous avons eu ensuite une coordination européenne. Et aujourd'hui donc nous avons souhaité réunir la coalition des volontaires, comme vous le savez, qui est le fruit du travail de mobilisation que nous avions lancé en février dernier à Paris et qui a été poursuivi avec nos collègues et que nous coprésidons avec le Premier ministre britannique. Cette coalition des volontaires rassemble tous les Européens qui soutiennent l'Ukraine, les non-membres aussi de l'Union européenne, je pense en particulier à la Norvège, l'Albanie et plusieurs autres, la Norvège étant un contributeur extrêmement actif du soutien à l'Ukraine, mais je pense aussi à d'autres alliés comme le Canada, mais également au Japon et à l'Australie, qui étaient présents cet après-midi à nos côtés. Et donc, nous avons tenu cet échange qui a duré près de deux heures avec le président Zelensky pour préparer, en effet, la réunion de demain à Washington, dans un contexte extrêmement grave, à la fois pour l'Ukraine, mais pour la sécurité de toute l'Europe.
C'est d'ailleurs cela et ce contexte qui a décidé, avec plusieurs collègues européens, à l'invitation du président Trump et du président Zelensky d'aller avec ce dernier demain à Washington. Pourquoi ? Parce que se joue en ce moment même un temps important du conflit et un temps important pour la sécurité de l'Ukraine et la sécurité de toute l'Europe. Et donc, l'objectif qui est le nôtre demain est simple.
Le premier, c'est de rappeler ce qui unit l'Ukraine, les Européens et les États-Unis d'Amérique. Nous voulons la paix, une paix robuste, durable, c'est-à-dire respectueuse du droit international, qui est précédée par la restitution des prisonniers, des enfants et qui permet de s'installer dans la durée, c'est-à-dire qui respecte la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les pays. C'est la responsabilité des membres permanents du Conseil de sécurité, dont sont les États-Unis d'Amérique, le Royaume-Uni et la France, et c'est ce que nous irons réitérer. Il n'y a qu'un agresseur, la Russie, et il n'y a aujourd'hui qu'au fond, un État qui propose une paix qui serait une capitulation, qui est la Russie. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième, sur la base des échanges que nous avons eus et des initiatives qui ont été prises par les États-Unis, c'est de pouvoir ici rappeler qu'il ne peut pas y avoir de discussion territoriale concernant l'Ukraine sans les responsables légitimes, démocratiquement élus de l'Ukraine. Pas de discussion sur l'Ukraine sans les Ukrainiens. Mais de la même manière, pas de discussion sur la sécurité des Européens sans eux.
La troisième chose, c'est de faire le lien entre toute question territoriale et les garanties de sécurité et c'est tout le travail que nous avons fait ces derniers mois. Et pour moi, un des points importants de la réunion de demain, c'est de pouvoir expliquer au président américain tout le travail qui a été fait par la coalition des volontaires que nous avons bâtie, qui consiste à dire quel est le format d'armée ukrainienne pour que la paix, justement, soit juste et durable. Et ça, c'est une condition à poser sur la table. Et il ne peut pas y avoir de division entre les Ukrainiens, les Européens et les Américains sur ce point, c’est ce que nous irons consolider demain. Tout accord qui reposerait sur l'absence d'une armée ukrainienne, sur la réduction d'une armée ukrainienne serait un accord insincère voué à ne pas être respecté. Parce que ces accords ont déjà existé par le passé. Et qu'y compris quand la Russie a signé, elle-même, des accords de non-agression à l'égard de l'Ukraine, ce qu'elle a fait en 1994 avec l'accord de Budapest, elle ne les a pas respectés.
Et donc le format de l'armée ukrainienne est premier pilier de ses garanties de sécurité. Le deuxième, ce sont ces forces de réassurance. Vous m'avez entendu souvent en parler ces derniers mois, nous l'avons consolidé, nos chefs d'État-major l'ont travaillé au sein de la coalition des volontaires, plusieurs États sont prêts à le faire, de la formation à la logistique jusqu'à la présence dans des zones non chaudes, c'est-à-dire pas sur la ligne de front, pas dans des territoires contestés, mais d'avoir une présence de forces alliées aux côtés de l'Ukraine. Nous irons présenter cela en demandant aussi aux États-Unis d'Amérique jusqu'où et jusqu'à quel point ils sont prêts à se joindre à ces dernières, puisqu’ils ont mis sur la table des garanties de sécurité et ils les ont réaffirmés.
Et puis le dernier point, c'est comment formaliser cela à l'égard de l'Ukraine. Au fond, notre volonté demain, c'est de présenter un front uni entre Européens et Ukrainiens dans ce moment de règlement du conflit, en réaffirmant qui est du côté de la paix, qui est du côté du droit international, mais surtout comment nous assurer collectivement que l'ordre international est respecté et que notre sécurité à tous est protégée parce qu'il en va de la sécurité des Européens et de la France. Et je le dis ici avec beaucoup de gravité, je l'ai rappelé le 13 juin dernier à l'hôtel de Brienne, quand nous parlons de ce qui se passe en Ukraine, nous parlons d'un pouvoir impérialiste et révisionniste qu'est la Russie d'aujourd'hui, qui, depuis 2008, n'a cessé de vouloir conquérir de nouveaux territoires, n'a cessé de revoir les frontières internationales, n'a jamais respecté ses promesses de paix et de non-agression. Et donc, si nous sommes faibles aujourd'hui avec la Russie, nous préparerons les conflits de demain et ils toucheront les Ukrainiens. Et ne nous trompons pas, ils peuvent aussi nous toucher au moment même où notre pays continue d'être, de manière régulière, attaqué sur le plan cyber, sur le plan de l'information ou dans des espaces contestés, du maritime au spatial, donc pas de faiblesse.
Au fond, ce que nous allons dire, nous voulons la paix. Tous ceux qui sont là demain à Washington sont du côté de la paix depuis le premier jour. Mais nous voulons une paix robuste, une paix qui, en aucun cas, ne saurait être une capitulation, une paix qui, en aucun cas, ne peut se faire aux dépens de la sécurité des Européens.
Journaliste
Monsieur le Président, vous parliez de la question des territoires. Donald Trump semble d'accord pour l'idée d'un gel de front en échange de la cession de certains territoires par l'Ukraine. Alors, on a bien entendu ce que vous disiez sur le fait que les Ukrainiens devaient décider eux-mêmes. Mais est-ce que vous ne craignez pas quand même que les Ukrainiens soient contraints d'accepter ces conditions-là ? Et est-ce que ça reviendrait, selon vous, à ce que vous appelez une capitulation ?
Emmanuel MACRON
D'abord, je pense qu’il appartient au président Trump de dire ce qu'il défend. Moi, je salue sa volonté d'avoir la paix et je pense que c'est très important. D'avoir un président des États-Unis d'Amérique qui se met du côté de la paix, c'est un geste très important.
La deuxième chose, c'est que les États-Unis d'Amérique, par leur histoire, par leur place, par le fait qu'ils sont membres permanents du Conseil de sécurité, ne peuvent vouloir que la paix conforme aux droits internationaux. Et comme nous, le président Trump est lucide sur les conséquences que ça a. Comment les États-Unis d'Amérique seraient entendus quand on parle de Taïwan, quand on parle d'autres endroits du monde, si on considérait qu'en Europe, on aurait le droit de fouler au pied l'ordre international ? Donc, je pense que quiconque est du côté de la paix et du côté de la Charte des Nations Unies, les États-Unis en sont, en quelque sorte, les premiers garants. Donc je sais que c'est la volonté du président Trump.
Et si on est du côté de la paix, du droit international, on ne peut pas être du côté de la reconnaissance, au fond, de la loi du plus fort. Parce qu'à ce moment-là, on ouvre un nouvel ordre international qui n'est plus celui de l'ordre international que nous connaissons, c'est-à-dire basé sur le droit. On ouvre une nouvelle ère qui est celle de la loi du plus fort et, qui, du Proche- Orient à l'Afrique, à l'Asie et partout ailleurs, ne sèmera qu'une chose, c'est la guerre à coup sûr. Parce que si le plus fort considère qu'il n'y a plus personne pour garantir le droit international et qu'on lui laisse faire et qu'on finit par reconnaître les territoires sur lesquels il a mis la main, je vous laisse voir les précédents que cela crée. Je salue la volonté du président Trump de vouloir la paix. Je salue son engagement personnel. Et nous allons demain justement clarifier tout cela, mais il est évident que tout ça doit se faire conformément aux droits internationaux. C'est notre rôle à tous. Et surtout, le président Trump l'a rappelé lui-même, les seuls qui peuvent parler des territoires ukrainiens sont les autorités ukrainiennes, et en l'espèce le président Zelensky.
Journaliste
Monsieur le Président, est-ce que demain, nous allons voir des avancées sur cet accord de paix sur lequel a travaillé déjà Donald Trump avec Vladimir Poutine ? Vous, à titre personnel, qu'est- ce qui vous a convaincu d'aller à Washington ?
Emmanuel MACRON
Le fait que maintenant, après ce sommet qui s'est tenu en Alaska, après les discussions que j'ai pu avoir avec le président Zelensky, le président Trump et plusieurs collègues européens, j'ai la conviction que nous devons rentrer dans une nouvelle phase diplomatique, celle dans laquelle nous assumons d'avoir et de défendre les intérêts des Européens. Nous y allons demain, pas simplement pour accompagner le président Zelensky. Nous y allons pour défendre les intérêts des Européens. L'Europe n'a pas envie d'être à la table des grandes discussions, comme un sujet de discussion. L'Europe doit être à la table pour discuter d'elle-même et de son avenir. C'est ça, ce que je vois. Et quand, en 2019, je disais que notre Organisation du traité de l'Atlantique nord était morte d'un point de vue cérébral, je parlais d'une situation où les États-Unis d'Amérique avaient unilatéralement décidé de sortir d'un traité qui nous couvrait contre les missiles intermédiaires en disant que les Russes ne les respectaient plus.
Le fait est que notre Europe, aujourd'hui, n'a plus de cadre qui la protège, parce que le cadre qui a été construit pendant la guerre froide n'existe plus. À travers le conflit ukrainien, nous sommes en train de redéfinir les règles de notre sécurité collective. Nous devons en être. Et donc nous y allons demain pour défendre évidemment l'Ukraine, mais pour défendre nos intérêts à nous, Européens, que nous assumons. Et moi, je vous le dis très clairement, je veux aussi défendre l'idée que les prochains sommets, il ne faut pas simplement qu'il y ait l'Ukraine autour de la table, il faut qu'il y ait les Européens autour de la table, avec la Russie, avec les États-Unis, parce qu'on parle de la sécurité des Européens.
Journaliste
Vous serez prêt à discuter avec Vladimir Poutine ?
Emmanuel MACRON
Je l'ai déjà fait, je l'ai eu au téléphone il y a quelques semaines. Vous savez que je l'ai toujours fait et que je n'ai jamais considéré qu'on pouvait arriver à la fin d'un conflit en cessant de discuter, y compris avec les gens avec lesquels on n'est pas d'accord. Encore faut-il qu'il puisse y avoir des avancées. Donc moi, j'ai toujours montré ma disponibilité, mais avec des principes clairs et en essayant de faire ce que je disais.
Journaliste
Monsieur le Président, le prix Nobel de la paix, Dmitry Muratov, journaliste russe anti-guerre, il a demandé à Monsieur Trump d'inclure la question des prisonniers politiques à l'ordre du jour des discussions avec Vladimir Poutine, d'échange des prisonniers politiques entre l'Ukraine et la Russie. Et comme l'ont déjà fait Ioulia Navalnaïa, la veuve d'Alexeï Navalny, et d’autres militants. Qu'est-ce que vous en pensez ? Et soutiendrez-vous cette initiative peut-être demain à Washington ?
Emmanuel MACRON
Alors, je pense que demain, ce ne sera pas la question principale qui sera discutée pour être transparent avec vous, parce qu'elle va se concentrer sans doute sur les sujets de garantie, de sécurité et de territoire. Mais je pense que ce qui est soulevé par nos prix Nobel et ce qui est soulevé par beaucoup de dissidents, d'opposants, de femmes et d'hommes d'un courage extraordinaire qui ont parfois perdu leurs plus proches, qui ont perdu pour certains autres leur liberté et qui se battent pour la sécurité, la dignité, la liberté dans leur pays, nous devons le défendre. Et si nous devons cheminer vers la fin des hostilités, puis un traité de paix, la question du réengagement passera en effet par le traitement de ces prisonniers. Donc ce sera sur ce chemin.
Mais je veux ici redire, en tout cas, notre attachement, notre soutien, notre grande estime pour toutes les combattantes et les combattants de la liberté en Russie. Leur cause est immense et ils le font avec un courage insigne. Et aujourd'hui, les violences qu'ils subissent, les privations de liberté, le durcissement du système est encore plus fort que ce qu'on avait connu durant le système soviétique. Et donc, je veux saluer leur courage à titre personnel et dire que je soutiens leur cause à titre politique.
Journaliste
Est-ce que vous êtes convaincu par la proposition d'un traité de réassurance (inaudible) d'article 5 de l'OTAN, mais sans que l'Ukraine rentre dans l'OTAN. Est-ce que cette proposition pourrait être, selon vous, la bonne ?
Emmanuel MACRON
C’est sur la table. La question, c'est celle de la substance. Et pour être très clair avec vous, ça a déjà existé, ce qu'on se dit là. C'est-à-dire qu'on avait déjà, plusieurs pays avaient collectivement dit, il y a de cela 30 ans, aux Ukrainiens, quand l'Ukraine s'était départie du nucléaire, ça existait, il y a eu ce débat, ce fameux accord de Budapest en 1994.
D'abord, la Russie avait signé qu'elle n'agresserait jamais l'Ukraine. Tout ça pour vous dire ce que vaut une signature de la Russie. On a déjà la preuve, ils l'avaient déjà signée. Mais plusieurs pays, ensuite, se sont engagés à protéger l'Ukraine si elle était attaquée. Nous ne l'avons pas fait. Aujourd'hui même, dans le contexte qu'on évoque, est-ce que nous avons engagé des troupes ? Non. Donc je crois qu'un article théorique n'est pas suffisant.
La question, c'est la substance, c'est tout le travail que nous avons fait depuis février dernier. C'est pour ça qu'en février dernier, j'ai voulu réunir quelques collègues européens et non- européens avec le président Zelensky à Paris, puis que nous avons poursuivi avec les Britanniques et qu'on a bâti cette coalition des volontaires. C'est pour mettre de la substance.
Qu'est-ce que c'est que la garantie de sécurité ? Et donc nous, ce qu'on doit faire, ce n'est pas des grands mots ou des théories, parce qu'on sait à quoi on sera confronté le jour d'après si on reste dans la même situation. C'est d'abord de dire la première des garanties de sécurité pour l'Ukraine, c'est une armée ukrainienne forte. Regardez, là aussi, par rapport à toute l'intoxication du débat ambiant ; il y a trois ans et demi que cette guerre a commencé. Il y a trois ans et demi, le président Poutine nous expliquait qu'il allait terrasser les Ukrainiens en trois semaines de ce qu'il appelait lui-même une opération spéciale. Trois ans et demi après, il n'a toujours pas réussi à prendre tout le Donbass. Ils ne sont pas si forts que beaucoup le croient ou veulent le croire. Ce n'est pas vrai. Les Ukrainiens sont vaillants, braves. Ils ont été très intelligents sur le plan tactique, sur le terrain. Nous les avons beaucoup aidés, mais c'est eux qui se sont battus. Et donc, si on veut que cette paix soit durable, il faut qu'il y ait une armée ukrainienne solide, robuste, c'est-à-dire aux côtés d'une Russie qui a plus d'un million de combattants aujourd'hui. Et d'ailleurs, dans les discussions, il faudra savoir à combien on demandera à la Russie de réduire son armée, nous et les Américains, parce que c'est une source de désordre, dans le monde, colossal. On a besoin d'avoir un format crédible d'armée ukrainienne. Premier point. Et de dire, nous, Européens et Américains, comment on les forme, comment on les équipe, comment on finance cet effort dans la durée. C'est légitime. C'est la meilleure défense. Et c'est l'avant-poste de notre défense collective si la Russie voulait réavancer.
La deuxième chose, c'est nous de dire — et c'est pour ça que ce n'est pas la masse qui compte, c'est la signature stratégique — comment on met ce qu'on appelle des « forces de réassurance», c'est-à-dire quelques milliers d'hommes sur le terrain en Ukraine, dans la zone de paix, pour garantir qu'il y ait une présence de quelques alliés qui disent notre destin est lié, ce qu'on a pu connaître par le passé. Ces forces-là n'ont pas vocation ni à tenir une ligne de front, ni à être engagés sur un conflit chaud, mais à signer une solidarité d'un point de vue stratégique. Ça, c'est le deuxième pilier. Donc c'est ça dont il faut qu'on discute avec les Américains. Qui est prêt à faire quoi ? La planification, nous l'avons finalisée en juillet dernier. Ça a été coordonné par les chefs d'État-major britanniques et français. Ça a été présenté ; j'étais à ce moment-là à la fin de cette visite d'État et du Sommet avec les Britanniques, nous l'avons à Northwood, présenté à tous les collègues.
C'est un travail qui est très sérieux, qui est construit. Donc on va aller le montrer à nos collègues américains. On va leur dire, voilà, et nous, on est prêts à faire ceci, cela. Qu'êtes-vous prêts à faire ? C'est ça, la garantie de sécurité, la seule qui existe. Je crois que les Ukrainiens, sinon, ne peuvent pas accepter simplement des engagements théoriques. C'est ça, la clé.
Journaliste
Est-ce que vous avez parlé avec Donald Trump, justement, aujourd'hui, avant la réunion de demain ?
Emmanuel MACRON
Non, je n'exclus pas dans les prochaines heures de le faire. Je vais voir, mais après, il faut qu'il y ait aussi une solennité de ces échanges. Je vais demain à Washington, c'est pour pouvoir échanger, exprimer, rentrer dans le détail. Et donc, c'est demain que j'aurai cette discussion.
Journaliste
Tout à l'heure, vous parliez de clarification. Est-ce qu'aujourd'hui, vous avez tous les tenants et les aboutissants des discussions qui ont été menées avec la Russie ? Encore tout à l'heure, Donald Trump disait sur Truth Social que, globalement, il y avait de grands progrès avec la Russie. Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a un double jeu ou pas qui s'installe ?
Emmanuel MACRON
Non. D'abord, je ne veux pas ici avoir des qualifications ou des mots tels que cela. Je ne prétends pas être au courant de tout, parce que je ne suis pas dans ces discussions. Donc, par définition, il est très probable que je ne sois pas au courant de tout. Je suis au courant de la même chose que l'ensemble de mes partenaires européens et du président ukrainien. Et nous voyons la difficulté de la tâche. Et je crois qu'il faut aujourd'hui être lucide. Est-ce que je pense que le président Poutine veut la paix ? La réponse est non. Si vous voulez mon intime conviction, non. Est-ce que je pense que le président Trump veut la paix ? Oui. Je ne pense pas que le président Poutine veuille la paix. Je pense qu'il veut la capitulation de l'Ukraine. C'est ça qu'il a proposé. Donc, maintenant, on va voir. Demain, on aura une discussion, elle sera robuste, et elle permettra au président Trump de réengager, sur la base de ce qu'il a lui-même dit et souhaité, un rendez-vous élargi où les Ukrainiens et les Européens pourront être là pour porter leur vue. C'est une bonne chose. Et donc, on verra à ce moment-là. Mais c'est aussi pour ça que je pense que si on veut vraiment la paix, il faut que les armes cessent, et qu'on appelle ça « cessez-le-feu armistice ». A un moment qu'on arrive à ce que tout cela permette de sauver des vies. Et c'est la volonté réaffirmée par le Président Trump.
Journaliste
Et très concrètement, quelles seraient pour vous des concessions, notamment territoriales, de la part de l'Ukraine, qui seraient conformes au droit international ? Parce que vous dites d'un côté qu'il faut respecter le droit international sur les territoires, et de l'autre, si on veut la paix, de fait la Russie espère que l'Ukraine fasse des concessions. Qu'est-ce que ça peut être très concrètement ?
Emmanuel MACRON
D'abord, vous avez raison, mais ce que je dis est possible. Si on veut respecter le droit international, on ne stipule pas pour un pays des pertes territoriales pour lui. Ensuite, un pays peut tout à fait, dans le cadre d'un armistice, d'un cessez-le-feu, d'un traité de paix, reconnaître des territoires qu'il aurait perdus, qui sont gelés. Il ne reconnaît pas qu'ils sont sous notre volonté, mais il reconnaît qu'il les a militairement perdus. Ça, ce n'est pas non conforme au droit international, mais c'est une très grosse concession. Et comme je vous l'ai dit, il ne m'appartient pas de l'affaire. Par contre, aucun pays, après trois ans et demi d'un tel conflit, tant de vies humaines sacrifiées, ne peut accepter des pertes territoriales, même de fait, s'il n'a pas la garantie qui sera protégée sur le reste de son territoire. Et vous voyez, et je conclurai là- dessus, nous, Français, beaucoup, je sais, dans le débat public, parfois, disent : pourquoi on en fait tant sur l'Ukraine. On en fait autant sur l'Ukraine parce qu'il s'agit de l'Europe. Et on en fait tant sur l'Ukraine parce qu'il s'agit de notre voisinage.
Donc, si nous, nous sommes faibles, qu'on accepte qu'une puissance révisionniste c'est-à-dire qui revoie les traités internationaux et les frontières internationalement reconnues, avance, conquiert des territoires, on ne peut pas être en paix. Et ça a déjà existé. Et on l'a déjà vu par le passé. Et vous savez quoi ? J’irais tout à l'heure à Bormes-les-Mimosas, célébrer les 81 ans de la libération de Bormes. Mais il faut avoir oublié cette histoire. Les mêmes nous expliquaient, à l'époque, que c'était très loin la Pologne ou la Tchéquie, et que ça n'avancerait pas plus loin. et qu'il n'y aurait pas de problème pour la France, parce que tout ça était très loin. L'Europe, c'est un tout. Quand vous avez des grandes puissances qui, plus est, qui sont dans une course en avant militaire, qui sont dotées de l'arme nucléaire, qui commencent à vouloir mordre, rien ne les arrêtera. Et donc si nous voulons être libres, si nous voulons être indépendants, nous devons être craints, si nous voulons être craints, nous devons être forts. Et c'est la cohérence entre ce que je vous dis aujourd'hui et ce que nous sommes en train de conduire pour le pays ; c'est-à-dire que ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui, c'est un réveil collectif.
L'Europe n'est plus une terre de paix, pas par notre faute, pas par une guerre civile des Européens, parce que nous avons à côté de nous aujourd'hui une puissance militaire qui ne veut pas la paix en Europe et qui cherche d'ailleurs son affaiblissement politique. Et donc nous, Européens, nous devons accepter ce sursaut. Il est difficile pour tout le monde. Mais c'est de restaurer des capacités de puissance. La France les a, pour partie, pour ce qui la concerne, parce que nous avons un format d'armée complet, parce que nous avons l'arme de dissuasion. Mais on doit réinvestir sur cette sécurité et donc faire des nouveaux choix, accepter que l'ordre du monde nous impose de revoir nos priorités pour nous-mêmes. Et on doit porter ces choix au niveau européen pour défendre l'Europe et la France, nos intérêts, notre sécurité, notre liberté. Parce que si nous sommes faibles aujourd'hui, alors nous paierons très cher demain, croyez- moi, très cher demain, l'effacement géopolitique de l'Europe et l'insécurité qui y règnera.
Moi, je veux une Europe puissance, militaire, technologique, économique, diplomatique, et je veux une Europe forte, puissante, qui est respectée parce qu'elle est forte et qui peut donc continuer à être libre. C'est ça que nous allons faire demain à Washington. C'est ça que nous allons porter et dire aussi que ce pilier européen de l'OTAN, que nous défendons, nous, Français, depuis tant d'années, est désormais une réalité et que nous sommes prêts à prendre nos responsabilités quand on parle de ces garanties de sécurité collective. Voilà. Nous ne sommes pas passifs, nous sommes actifs. Et nous voulons prendre ces responsabilités et nous voulons décider pour nous-mêmes. C'est ça, l'autonomie stratégique. C'est décider pour nous- mêmes ce qui va nous toucher. Ne prêtons pas à décider ce qui va toucher les autres, mais pour nous, on veut décider. C'est tout.
Journaliste
Nous allons envoyer des soldats français en Ukraine ?
Emmanuel MACRON
Mais ce n'est pas ça la discussion aujourd'hui. La discussion, c'est déjà de savoir comment on a la paix et ensuite qui est prêt à financer, comment une armée ukrainienne qui sera au bon niveau. Premier élément. Et la deuxième, ensuite, c'est d'avoir quelques milliers de soldats entre plusieurs pays. Donc ce n'est pas massivement un déploiement. Il ne faut pas commencer à faire peur aux Français. Mais surtout, ça n'a pas de sens si le premier pilier... Aujourd'hui, quelle est l'armée européenne la plus importante ? C'est l'armée ukrainienne. C'est la plus grande armée d'Europe. Ils sont quasiment à un million de combattants. Nous en sommes tous très loin.
Nous, on a une armée qui est beaucoup mieux équipée, qui a la capacité nucléaire très bien, mais notre vocation n'est pas de nous substituer à une armée ukrainienne, c'est de la bâtir. C'est ça, la première garantie de sécurité. Ce sera donc ça, le premier sujet. Et après, c'est les forces de réassurance. Mais les forces de réassurance, je vous l'ai dit, c'est une signature stratégique. Et donc, c'est pas du tout le nombre qui compte, mais c'est de dire, on est là, à Odessa, à Kiev, pour dire là, pas touche, en quelque sorte, et avoir des garanties stables, parce que c'est aussi nos frontières.
Voilà. Merci à vous, en tout cas, d'être là et d'avoir conscience que ce moment est un moment grave pour l'Europe, la France, aux côtés des Ukrainiens. Mais ça nous touche aussi très directement.
Le chef de l'État se rendra à Washington le lundi 18 août 2025 pour rencontrer le Président Trump, le Président Zelensky et des dirigeants européens.
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