Dans une carrière politique hors des clivages, il avait un point d’ancrage, Auxerre, dont il fut, vingt-sept ans durant, le maire et le visage. Jean-Pierre Soisson, plusieurs fois ministre, servit deux Présidents de la République, et à leurs côtés, l’Etat, sa région comme sa ville. Avec sa disparition, la République perd l’une de ses figures les plus inclassables, et la Bourgogne, l’un de ses défenseurs les plus inlassables.

Celui qui se définissait comme un « homme de la rencontre » rencontra son destin d’abord au fil d’une carrière administrative brillante. Né le 9 novembre 1934, il vit le jour dans une famille reconnue dans le paysage local : son père présidait la Chambre de commerce d’Auxerre. Bientôt passé par Sciences-Po, l’ENA, promotion Lazare Carnot de 1961, et la Cour des comptes, Jean-Pierre Soisson gravit les échelons au rythme de son brio, de son ambition, et toujours amarré par ces racines familiales. En 1965, d’abord séduit par Edgar Faure, dont il fut l’un des conseillers ministériels, il se rapprocha de Valéry Giscard d’Estaing. Première rencontre décisive, puisque, dès lors, Jean-Pierre Soisson mit ses qualités humaines, sa bonhommie et son sens du dialogue, et sa capacité de travail au service de l’élection du ministre des Finances à la Présidence de la République. Elu député de l’Yonne en juin 1968, Jean-Pierre Soisson prit ainsi des responsabilités importantes dans la Fédération nationale des républicains indépendants, force politique de M. Giscard d’Estaing.

La deuxième rencontre, ce furent plutôt des retrouvailles : avec Auxerre, sa ville, dont il devint maire en 1973 et dont il fut, dès lors, l’un des visages dans la conscience populaire, avec Guy Roux, son camarade de lycée. Battant la campagne pour le candidat Giscard d’Estaing, et notamment dans nos outremers pour lesquels il garda un attachement particulier, cet engagement le mena, après la victoire de 1974, sur les bancs du gouvernement comme secrétaire d’Etat aux universités du gouvernement de Jacques Chirac. Après le départ de ce dernier en 1976, Jean-Pierre Soisson prit en charge la formation professionnelle, puis, à partir de 1978, fut nommé ministre de la jeunesse, des sports et des loisirs. Dans ces fonctions, il engagea son dynamisme pour développer le sport de haut niveau en France.

Giscardien, créateur et dirigeant du Parti Républicain, Jean-Pierre Soisson, dans l’opposition après 1981, se rapprocha de Raymond Barre au début du premier septennat de François Mitterrand. Ce dernier fut l’autre rencontre qui renversa le cours du destin politique du député-maire d’Auxerre. En 1988, en effet, Jean-Pierre Soisson, premier ministre d’ouverture de la Cinquième République, avec le libéral et giscardien Olivier STIRN, entra dans le gouvernement de Michel Rocard. « Après tout, ma circonscription est voisine de celle de M. Mitterrand », indiquait-il. Plus profondément, Jean-Pierre Soisson croyait à une troisième voie, dépassement nécessaire de la gauche et de la droite, afin de bâtir des majorités de dialogue et de progrès. Il voulait aussi servir notre pays. Il le fit, dans ses différentes responsabilités ministérielles, en charge du Travail de 1988 à 1991, de la Fonction publique et, de l’Agriculture, de 1992 à 1993.

Jean-Pierre Soisson se consacra alors plus pleinement à sa région : élu Président du conseil régional, en 1992, avec une majorité de gauche, en 1998, avec une majorité de droite et l’appui des voix du Front National. Retiré peu à peu de la vie politique locale comme nationale, Jean-Pierre Soisson, auteur de « Mémoire d’ouverture », fut un précurseur, un rénovateur, un bâtisseur dans sa ville. Cet homme, spécialiste de la peinture du XVIIIe siècle, aussi amoureux de la vie que l’était son modèle, Edgar Faure, publia des livres d’Histoire bourguignonne, dont il était un conteur, après en avoir été un acteur.

Le Président de la République et son épouse saluent la figure d’un serviteur de l’Etat, d’un parcours d’engagement et de fidélité. Ils adressent à sa famille, à ses proches, à nos concitoyens d’Auxerre et de Bourgogne, et au-delà, à ceux qui l’estimaient, leurs condoléances sincères.

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