Le Président Emmanuel Macron s'est rendu aux obsèques de Gérard Collomb, ce mercredi en la cathédrale Saint-Jean à Lyon. 

Le Président de la République s'est exprimé pour rendre homage au maire et à l'homme d'État qu'il était

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29 novembre 2023 - Seul le prononcé fait foi

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Obsèques de Gérard Collomb - Discours du président de la République.

Cher Gérard, 

Depuis votre disparition, des milliers de Lyonnais de tous âges, de tous quartiers et de toutes conditions sont venus vous saluer, émus, dans la cour d'honneur de l'hôtel de ville. La classe politique unie s'est inclinée sans distinction devant l'immense maire et l'homme d'État. Une telle unanimité est rare et elle est le privilège des responsables qui ont profondément marqué leur époque, des hommes qui ont profondément changé le destin de milliers d'autres. 

À vos proches, vous confiez précisément avoir été marqué par une habitante de la Duchère qui, cinq ans après votre élection comme député, vous avait alpagué sur un marché vous demandant : qu'avez-vous changé dans ma vie ? Vous vous étiez alors juré de ne jamais oublier ces mots et que chacune de vos décisions, chacune de vos actions serait désormais guidée par l'interpellation de cette femme. Vous avez, cher Gérard, tenu parole. Car oui, comme l'a dit un de mes prédécesseurs, vous avez changé la vie, des milliers de vies. 

Vous avez changé, bien sûr, la vie des Lyonnais. 
Chacun sait ici la ténacité dont vous avez fait preuve pour remporter votre ville. Cela valait la peine car maire bâtisseur, vous avez fait passer Lyon du statut de belle endormie à sublime éveillée, bâtisseur de projets économiques et de rayonnement international, bâtisseur de quartiers – Confluence, Gerland, Vaise – tant d'autres construits sur les cendres de friches comme celle de la Rhodiaceta. Bâtisseur d'espoir pour les jeunes des quartiers, en rénovant le Carré de soie, Les Minguettes, Mermoz, ou votre chère Duchère. Bâtisseurs d'expériences avec les festivals de cinéma et les biennales d'art de danse, des Berges du Rhône, des rives de Saône, bâtisseur d'avenir. Vous qui, avec Vélo'v, les plans climat, la ville végétalisée, avez été le premier écologiste de la cité des Gaules. Bâtisseur de collectifs en entraînant derrière vous entrepreneurs, universitaires, intellectuels, associatifs, vous avez fini par vous identifier à la ville de Lyon. Vous vouliez, disiez-vous souvent, réunir le cœur des villes et le cœur des hommes. Vous avez à jamais gagné le cœur des Lyonnais.
 
Vous êtes devenu Lyon, fait Homme. Vous avez aussi changé la vie des Français. 

Engagés de toujours aux partis socialistes, vous n'avez eu de cesse de chercher à exporter votre modèle lyonnais au niveau national. Et là encore, vous avez fait preuve d'une admirable abnégation. L'entrepreneuriat était un angle mort à gauche. Vous n'avez pas hésité à en parler haut et fort. La sécurité, un impensé, vous l'affrontiez sans peur ni pudeur. La maîtrise de l'immigration, un tabou, vous abordiez le sujet avec le courage de ceux qui ont raison trop tôt. 

Pourquoi une telle force de conviction, souvent contre vents et marais ? 
Parce que bien loin des querelles idéologiques, vous tiriez vos convictions du réel. Le réel, pour reprendre les mots de Jaurès, dont vous avez créé avec d'autres la fondation, était votre idéal. Là d'où vous veniez, là d'où vous parliez, là où vous alliez. 

Et lettré parmi les lettrés, agrégé de lettres classiques, humaniste, votre seul grand livre était le terrain. Votre seule vérité, celle de la poignée de main. C'est cet ancrage qui a fait de vous un grand maire, un grand parlementaire, auquel tant de compagnons de route, de collègues, de maires amis venant de la France entière sont venus ici rendre hommage. C'est cet ancrage qui a fait de vous un grand ministre de l'Intérieur. 

Loin des postures théoriques, des tentations médiatiques, vous n'avez jamais perdu de vue dans ces fonctions la boussole du réel. Protéger les Français du terrorisme, de l'insécurité, de l'immigration illégale, quoi qu’il en coûte. 

Savoir, vous le fils d’une femme de ménage et d’un père métallurgiste, que la loi protège d’abord les plus modestes, et que le recul de la République frappe toujours les plus fragiles.

Dire ce que l’on voit aussi. Vous qui avez fait preuve d’une grande lucidité sur les fractures qui traversent notre nation. 

Vous avez enfin, cher Gérard, changé ma vie, comme vous avez changé celle de tous ceux qui, François, Richard, Christophe, Bariza, Stéphane, Alexis, Julien et tant d'autres, ont accompagné le projet de dépassement politique qu'ensemble nous avons porté. 

Traversant les rues de Lyon, il y a quelques instants, remontaient à la surface les souvenirs de nos premiers compagnonnages, ce discours devant les forces vives lyonnaises dans votre Hôtel de Ville, les visites d'usines dans la vallée de la chimie, les journées de l'économie, les instants militants partagés alors que personne n'y croyait, le sommet européen du musée des Confluences, l'épopée fantastique de 2016 et 2017. 

Je sais, Gérard, tout ce que je vous dois. Pas un seul instant je n'oublie que sans votre force d'âme, votre goût du dialogue, votre sens de l'amitié, sans vous avoir croisé sur mon chemin, je ne serai pas là où je suis. Et les Français, soyez-en sûrs, vous sont reconnaissants d'avoir cru, avant beaucoup d'autres, en l'émergence d'un bloc central qui aujourd'hui est à coup sûr le meilleur bouclier contre ces extrêmes que vous n'avez jamais cessé de combattre. Cher Gérard, pour tout cela, pour ces milliers de vies changées, pour vos tendres éclats de voix autant que votre bienveillance, votre départ laisse un immense vide pour Caroline, votre épouse, pour Thomas, Anne-Laure, Alexandre, Clémence et Camille, vos enfants, pour les Lyonnais, orphelins du digne successeur d’Edouard Herriot, pour les Français qui perdent avec vous un homme d’Etat visionnaire, vos analyses, votre franchise, votre culture, vous qui ne cessiez de vibrer devant un texte classique ou un poème, notre complicité, vont me manquer, comme vous allez manquer à Brigitte qui vous aime tant. 

Et si lors de ma cérémonie d’investiture, vous versiez d’inoubliables larmes, c’est à nous, à moi d’être aujourd’hui étreint par le chagrin inconsolable. Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Vous qui aimiez tant la voile, avant que vos responsabilités ne vous arrachent à cette passion, vous avez, cher Gérard, rejoint d’autres rivages. Et pourtant, vous continuerez d’être parmi nous, de remplir nos vies de votre présence sans pareil. Pourtant, nous entendrons encore votre voix, ses éclats, et vos rires. Pourtant, il suffira d’une promenade en bord de Rhône ou sur les rives de Saône, d’une victoire de l’Olympique Lyonnais dans ce stade qui vous doit tant, d’un lumignon allumé lors de cette Fête des Lumières que vous aviez fait revivre pour que soudain, saisis par le souvenir de votre présence, nous levions les yeux vers Fourvière, heureux de nous dire “Le lion rugit encore.” 

Adieu Gérard, et merci.

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