Il était l’une des figures les plus attachantes de la recherche française, et l’héritier d’une longue tradition nationale de science et d’aventure mêlées. Le glaciologue Claude Lorius, pionnier international de la compréhension du réchauffement climatique, s’est éteint mardi dernier à l’âge de 91 ans.

Si la glace fut la grande affaire de sa vie, Claude Lorius vit le jour dans les neiges du Jura, en 1932. Fraîchement émoulu de l’université de Besançon, il s’embarqua en 1957 pour un phoquier en direction de la base Charcot, en plein Antarctique, après avoir répondu à une petite annonce parue dans le journal. Cette expédition d’un an fut la première d’une longue série de vingt-deux séjours, soit, mis bout à bout, plus de six fécondes années passées sur ce continent blanc qui devint son royaume et son laboratoire. 

Sa baignoire d’Archimède fut un verre de whisky : un soir de 1965, au pôle Sud, alors qu’il se reposait d’une longue journée de carottages infructueux en prenant un verre, il considéra le gaz qui s’échappait du morceau de glace millénaire qu’il venait d’y plonger. Face au pétillement des bulles vint celui des idées :  les bulles d’air prisonnières des glaces avaient-elles le pouvoir de nous renseigner sur la composition de l’atmosphère du passé ? 

Freiné dans ses recherches par le bras de fer de la Guerre froide, il ne fut en mesure de parachever son raisonnement que deux décennies plus tard, avec la complicité de Jean Jouzel, son collègue et ami de toujours. En 1987, trois ans avant le premier rapport du GIEC, l’article retentissant qu’ils publièrent dans Nature reconstituait une monumentale histoire du climat sur près 160 000 années, démontrant le rôle du dioxyde de carbone dans le réchauffement de l’atmosphère, et mettant en évidence le passage à une nouvelle ère géologique, l’Anthropocène, où l’homme est la principale force de changement.

Ses travaux eurent une influence déterminante sur l’adoption à Rio de Janeiro en 1992 de la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique, qui inspira trois décennies plus tard l’Accord de Paris. 
Tout à la fois éveilleur des consciences collectives et chercheur émérite adoubé des cénacles, Claude Lorius était membre du CNRS, dont il avait reçu la médaille d’or avec Jean Jouzel, et de l’Académie des Sciences. En 2008, il avait reçu, à Tokyo, le Blue Planet Prize, l’une des plus hautes distinctions mondiales en matière d’environnement. 

Le Président de la République salue le parcours d’un précurseur du combat environnemental, qui fut, par son rôle d’archiviste de l’atmosphère, le fondateur de la climatologie moderne. Il adresse à ses proches et à toute la communauté scientifique ses condoléances attristées.

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