Au regard des millions de personnes qui posèrent un jour leurs valises chez lui, il était l’homme le plus accueillant de France. Gérard Pélisson, cofondateur du groupe Accor, est décédé à 91 ans, laissant le souvenir d’une figure haute en couleurs de l’hôtellerie et de l’entreprenariat tricolore.

Il était né à Lyon, en 1932, vivier de l’hôtellerie et de la restauration. Mais c’est d’abord à Paris qu’il fit ses études d’ingénieur, à l’école Centrale, puis aux États-Unis, au MIT, où les petits métiers qu’exerçait sa femme lui permirent de financer ses études.

Après quelques années chez IBM, il rencontra celui qui devait devenir le partenaire inséparable de ses aventures professionnelles. Paul Dubrule était aussi grand que Gérard Pélisson était petit, aussi créatif que son comparse était rigoureux, aussi à l’aise avec la vision stratégique que son double l’était avec les chiffres. Une complémentarité totale, et surtout, un projet commun : importer en France le modèle américain des Holiday Inn, aux chambres standardisées implantées en périphérie urbaine.

D’un ancien champ de betteraves en banlieue de Lille, voisin de l’autoroute, ils firent sortir de terre leur premier Novotel, en 1967, qui sonnait le coup d’envoi de leurs aventures. En 1974, pressentant la montée en puissance d’une demande d’hébergement plus économique, le tandem s’attaqua au marché du 2 étoiles, en inaugurant à Bordeaux un Ibis, puis à celui des prix bas, avec le concept Formule 1, chaînes qui essaimèrent rapidement dans toute l’Europe.

Ils élargirent ainsi le spectre hôtelier contemporain, des luxueuses suites de palaces aux « chambre à 99 francs », renforçant aussi bien les savoir-faire les plus raffinés de l’hospitalité française que la démocratisation du voyage à petit budget, comptant ainsi parmi les pères de l’hôtel pour tous.

Si à leurs yeux les chambres se devaient d’être abordables, il en était de même des dirigeants vis-à-vis des employés, grâce à un management humain, chaleureux, direct. Avec cette vision très novatrice de leur métier, alliée un franc-parler rare, un sens du risque affûté, les deux irréductibles furent bientôt à la tête d’un empire. Leur Société d’investissement et d’exploitation hôteliers, renommée Accor, partit à la conquête de continents nouveaux, Amérique, Afrique, Asie, racheta la concurrence, Mercure et Sofitel, se lança dans la restauration en reprenant Courtepaille.

Ils dotèrent ainsi l’économie française de l’un de ses fleurons et incontournable vivier d’emplois, sixième groupe hôtelier mondial dont les 5 400 établissements représentent l’économie française dans 110 pays.

Lorsqu’il laissa les rênes du groupe en 1997, Gérard Pélisson consacra alors son insatiable énergie à l'École des Arts Culinaires et d'Hôtellerie d'Écully, qu’il cofonda avec son ami Paul Bocuse : main dans la main avec le célèbre chef, il fit de l’Institut éponyme un centre de recherche et un conservatoire d’excellence hôtelière, qui partage aux générations futures la culture du dépassement qui a fait leur succès.

Le Président de la République salue l’itinéraire d’un homme de lien, par caractère et par carrière, d’un visionnaire qui sut démocratiser l’hôtellerie française, la confronter aux défis du XXIe siècle et lui impulser une envergure internationale, tout en veillant à cultiver et à transmettre ce cachet de qualité qui en est la signature. Il adresse à ses proches ses condoléances émues.

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