Il était l’un des derniers ministres du Président De Gaulle encore en vie. Après avoir traversé un siècle de part en part, après une vie d’engagements, Albin Chalandon s’en est allé. Résistant, plusieurs fois député et plusieurs fois ministre, il était de ceux qui avaient « maintenu la France » avant de la servir aux plus hauts niveaux de l’Etat, depuis le dernier Gouvernement provisoire jusqu’à la Ve République.
Petit-fils d’un ingénieur qui fut aussi journaliste, fils d’un industriel qui fut aussi maire, Albin Chalandon semblait tenir de ses aïeux des intérêts et des talents multiples. De son grand père, il avait tout à la fois la curiosité intellectuelle et l’ingéniosité, lui qui fit des études de lettres et de philosophie avant de créer une banque ex nihilo. De son père, il avait la passion de l’engagement et de l’industrie, au plus haut point puisqu’il fut un résistant avant de devenir un capitaine d’industrie.
Mais c’est aussi la guerre qui, déchirant sa jeunesse, forgea Albin Chalandon. En 1943, à 23 ans, celui qui était né sur les cendres encore brûlantes de la Première Guerre mondiale entrait en Résistance, rejoignant la clandestinité du maquis de Lorris dans la forêt d’Orléans, où il prit le commandement d’une compagnie. Gravement blessé, il se rétablit à temps pour participer à la Libération de Paris. Il s’illustra tout particulièrement dans les combats qui firent tomber parmi les dernières citadelles où se retranchaient les SS, deux grandes institutions françaises : le Palais Bourbon et le Quai d’Orsay. Le jeune homme était loin alors de se douter qu’il siègerait longuement sur les bancs de la première et qu’il refuserait un jour de prendre la tête de la seconde, lui qui fut plus tard élu député par trois fois et qui déclina la direction de la diplomatie française pour ne pas passer son temps en avion et parce qu’il refusait d’être pris en tenaille entre le Président et le Premier ministre en ces temps de cohabitation où cela lui fut proposé.
Reçu à l’Inspection générale des finances quelques semaines avant la Victoire, il rejoignit bientôt le cabinet de Léon Blum, alors président de l’ultime gouvernement provisoire qui précéda l’instauration de la IVe République. Il fit ensuite des incursions dans le secteur privé, fonda une banque avec Marcel Dassault, la Banque commerciale de Paris, officiait parallèlement à l’UNR, siégea au CESE, avant de décrocher en 1967 son premier mandat de parlementaire sous les couleurs gaullistes. Il passa rapidement des bancs de l’Assemblée aux rangs du gouvernement, les rejoignant d’abord brièvement en tant que ministre de l’Industrie puis plus longuement comme ministre de l’Equipement et du logement. Durant près de quatre ans, il s’attela à refaçonner la France : il contracta ses distances en accélérant la construction des autoroutes françaises et améliora le confort de ses habitants en favorisant la multiplication des pavillons individuels.
Après quelques années au gouvernail d’un fleuron de l’industrie française, Elf-Aquitaine, il reprit du service politique au sein du gouvernement de Jacques Chirac, sous la présidence de François Mitterrand, pour officier Place Vendôme comme Garde des Sceaux et ministre de la Justice. Rappelant que l’impératif de la prévention ne saurait abolir la nécessité de la répression, il y fit preuve de fermeté dans un attachement irréductible à la loi et à l’ordre.
Le Président de la République et son épouse saluent une haute figure qui incarnait un siècle d’histoire française, depuis la geste glorieuse des maquis jusqu’aux heures de maturité de la Ve République. Ils adressent à son épouse Catherine Nay, à ses proches comme à sa famille politique, ses condoléances respectueuses.