Depuis Varsovie, retrouvez la déclaration conjointe du Président Emmanuel Macron et de M. Andrzej DUDA, Président de la République de Pologne :
6 octobre 2024 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration conjointe du Président Emmanuel Macron et de M. Andrzej DUDA, Président de la République de Pologne
Dziękuję, Panie Prezydencie.
Merci cher Président, cher Andrezj, pour ces mots et cet engagement et je suis très heureux d'être en visite ici parmi vous. Et vous venez de le dire, monsieur le Président, avec plusieurs ministres dans ma délégation et non des moindres. Quatre ministres en effet m'accompagnent pour montrer l'engagement du gouvernement français dans ce travail de coopération. Et c'est la première visite comme Président de la République française que j'effectue en Pologne, une visite qui est la première visite européenne de cette année, la première de cette nouvelle période qu’ouvre la nouvelle Commission européenne et la première aussi de l'après-Brexit comme vous l'avez évoqué. Et tout cela pour moi a force de symbole, celle aussi d'une alliance que nous devons sceller pour que l'Europe se tienne unie mais aussi plus efficace, plus forte, plus souveraine dans un monde dont nous connaissons les incertitudes et apportant des réponses aux défis qui sont les nôtres.
À cet égard, vous l'avez rappelé Monsieur le Président, les déclarations qui ont été signées par les ministres devant nous sont un élément important. D'abord parce que nous nous redonnons en effet plus de 12 ans après le texte précédent un cap à la relation stratégique et que sur certains sujets clés comme le cyber — mais nous déclinerons aussi en matière de climat, de défense et de sécurité, d'énergie, d'économie — nous nous donnons un cap commun pour avancer.
La relation bilatérale le justifie. Vous en avez rappelé quelques éléments mais nos pays sont plus proches qu'on ne le dit bien souvent ou qu'on ne le croit. Je verrai ce soir la communauté française mais qui sait que la France est le 4ème investisseur en Pologne, que plus de 1000 entreprises françaises y sont présentes, qu’elles sont le 3ème employeur de Pologne avec près de 200 000 salariés ? Et je suis convaincu, comme vous, que nous pouvons faire bien davantage et que nous devons faire bien davantage en matière d'énergie et de climat, de cybersécurité, de coopération industrielle, de sécurité et de défense.
Je verrai tout à l'heure le Premier ministre et nous avons aussi à cet égard beaucoup de convergences sur l'agenda européen et là aussi sur beaucoup de sujets des choses à conduire ensemble. Et je souhaite en particulier que sur les plans économique, industriel et énergétique la France fasse véritablement partie des solutions que la Pologne se donnera à elle-même.
Je souhaite aussi que ce voyage soit l'occasion de revenir, et vous l'avez touché du doigt dans votre déclaration, sur ce qui a pu être des malentendus, en tout cas une mauvaise compréhension de ce qu'est la position française en matière de sécurité et de défense d'une part et quant à la Russie d'autre part.
Deux sujets très importants, stratégiques pour votre pays sur lesquels je veux ici être très clair. Nous avions parlé ensemble à Londres lors du sommet de l'OTAN en décembre. Je l'ai dit, l'Alliance atlantique est et restera un socle indispensable de notre sécurité commune.
Mais j'assume avoir avant le sommet de la fin d'année dernière dit combien cette alliance me semblait malade d'un point de vue stratégique. Et je reste persuadé de cela. Je me félicite au demeurant que nous ayons eu en tout cas le premier sommet à discussion stratégique qu'il m'ait été donné de vivre depuis que je suis Président et nous n'avons pas eu un sommet pour la première fois à discuter du "burden sharing" ou quelques notions qui consistaient à savoir quels moyens nous mettions sur la table sans redéfinir les fins. Nous avons encore à travailler sur cela. Nous avons des questions au sein de l'Alliance d'alignement de tous les partenaires sur les grands théâtres d'opérations, de positionnement stratégique quand le premier d'entre eux, le garant en dernier ressort de l'Alliance, demande aux Européens de se saisir de leur destin et de s'occuper eux-mêmes de leur voisinage. Et c'est légitime. Et je considère que c'est l'intérêt et la sécurité aussi de la Pologne que d'assumer ces questions et de les regarder en face.
Mais je regarde aussi ce que nous faisons au quotidien en termes réels. La France est un partenaire totalement engagé au sein de l'Alliance et totalement engagé dans la sécurité de son flanc Est. Nous participons à la "présence avancée renforcée" de l'OTAN avec nos soldats sur le terrain cette année en Lituanie, en Estonie et nous participons activement à la police du ciel dans la région baltique. Nous menons des missions de surveillance maritime en mer Baltique ou en mer Noire et, au total, ce sont plus de 4 000 militaires français qui participent annuellement à différents volets des mesures de protection du flanc Est de l'OTAN.
La France est une grande puissance militaire de l'OTAN sur son flanc Est et nous continuerons de l'être.
Cet engagement réel, concret est parfaitement compatible avec deux convictions que je porte.
La première, je le disais, c'est que pour être crédible l'OTAN doit retrouver des priorités stratégiques claires. C'est le travail que nous allons mettre en œuvre d'aggiornamento stratégique qui est indispensable avec le groupe de travail autour du Secrétaire général. Et j'ai encore parlé samedi à Jens STOLTENBERG de ce sujet et nous avons évoqué longuement la mise en œuvre du groupe de travail et du mandat qui seront finalisés pour la ministérielle d'avril.
L'autre conviction c'est également que pour être efficace l'OTAN doit s'appuyer sur un réengagement substantiel des Européens en matière de défense. C'est ce que les Américains nous demandent, c'est ce que nous nous devons à nous-mêmes. Quelle crédibilité a l'Europe si elle ne protège pas au premier chef ses concitoyens ? Quelle soutenabilité aurait l’OTAN lorsque chaque jour notre partenaire américain, à juste titre, nous dit “Vous devez payer pour votre protection, vous devez payer pour la protection de votre voisinage”. Et donc je crois profondément que nous devons améliorer nos capacités de défense, nous devons réinvestir dans notre défense. La France le fait pour elle-même mais il faut le faire davantage au niveau européen avec aussi un renforcement de notre coordination stratégique et opérationnelle. C'est cela l'Europe de la défense, une capacité d'agir ensemble et d'être des partenaires crédibles.
Et je serai heureux le jour où les Polonaises et les Polonais se diront : "le jour où je suis attaqué, je sais que l'Europe me protège", parce que là, le sentiment européen sera indestructible, indestructible.
C'est notre responsabilité à nous, Européens, de le faire. L'Europe de la défense, ce n'est pas une alternative à l'OTAN, c'est son complément indispensable, son renforcement nécessaire. La défense européenne et l'OTAN sont, à mes yeux, deux piliers d'un même édifice, la sécurité collective de l'Europe.
Ce cadre étant posé et clarifié, je suis convaincu que nous pouvons faire davantage ensemble. Nous avons, avec Monsieur le Président, commencé à évoquer ces sujets d'un point de vue opérationnel, les coopérations industrielles, en particulier sur le char de combat du futur, les initiatives à prendre en matière cyber ou autre, et, je le sais aussi, les engagements militaires concrets que votre pays est prêt à mener, en particulier au Sahel. Nous allons poursuivre cet échange, et je crois que c'est un élément important de cette coopération commune et de cette crédibilité que nous devons nous donner.
C'est ce même esprit de franchise et de clarté que nous avons à l'égard de la Russie. La France n'est pas devenue pro-Russe, comme je l'entends parfois. La France n'est ni pro-Russe, ni anti-Russe. Elle est pro-européenne.
Il se trouve que quand je regarde une carte, et je crois que vous avez le même sentiment quand vous la regardez, Monsieur le Président, on voit très clairement que la Russie est en Europe même si elle n'est pas dans l'Union européenne et qu'elle est dans notre voisinage, et que nous n'avons aucun intérêt à avoir une situation qui consiste à ne pas regarder en face notre relation avec la Russie et à laisser des conflits gelés s'accumuler ou des malentendus, là aussi, se poursuivre. Les intérêts de sécurité et de stabilité de l'Europe, de ses partenaires européens, sont pour la France une priorité absolue et ma seule ligne de conduite.
Je n'ai absolument aucune naïveté, mais je sais que dans l'intérêt de la sécurité de l'Europe, de la France comme de la Pologne, nous devons avoir un dialogue politique exigeant avec la Russie. Ce dialogue, même s'il est difficile, est la condition indispensable pour réaliser des progrès en Ukraine. Je crois voir d'ailleurs, dans le sommet que nous avons eu en décembre dernier à Paris, les premiers éléments de ce réengagement. Nous avons des résultats et nous avons tenu un sommet. C'est aussi dans ce cadre que nous pourrons régler plus durablement tous les conflits gelés de la région, mais aussi définir un cadre de maîtrise des armements, gérer les crises en Afrique du Nord, au Proche-Orient, et celles qui touchent directement à la sécurité de l'Europe.
Nous avons en effet discuté du cadre de maîtrise des armements. Nous devons regarder là aussi en face la situation. Ces dernières années, les Russes n'ont plus respecté le traité dit FNI et les Américains ont décidé, sans aucune consultation avec nous, d'y mettre fin. Qui sommes-nous pour accepter que les armes qui puissent nous toucher soient gérées par deux puissances qui, sans nous consulter, ou ne le respectent pas ou y mettent fin ? Qui plus est, la Pologne n'était plus protégée par ce traité, compte tenu des missiles Iskander et de la situation réelle. La France, je l'ai dit, et nous avons pris cette initiative que j'assume ici, souhaite réengager, et y prendre toutes ses responsabilités, un dialogue concret en matière de contrôle des armements, en particulier pour ce qui touche l'Europe et ce qui touche tous ses partenaires alliés européens, comme la Pologne au premier chef. Nous ne devons pas rester dans la situation actuelle, qui nous met dans une situation d'anomie internationale. Nous devons reconstruire un véritable droit, des procédures, et le faire en étant parties prenantes autour de la table et en protégeant chacun des Etats membres. Cette clarté sur nos intérêts communs et sur nos valeurs européennes est essentielle dans le moment que nous vivons.
Monsieur le Président, sous votre égide ont été organisés, il y a une semaine exactement, les commémorations du 75ème anniversaire de la libération d'Auschwitz, en présence du Premier ministre français. Cette mémoire, je le dis ici comme je l'ai dit à Yad Vashem, ne doit pas nous quitter, car ce souvenir douloureux nous éclaire et nous guide. Il est le fondement du projet européen de paix, d'unité et de liberté.
Dans ce contexte, vous le savez, j'ai défendu avec force la Pologne et le peuple polonais face aux attaques inacceptables dont cette mémoire a fait l'objet. Nous devons tous regarder l'histoire en face, et chacun toute notre histoire, sans chercher à la détourner, à la masquer non plus ou à l'instrumentaliser. C'est précisément ces valeurs communes, qui ont bâti notre Europe au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, que nous devons continuer de défendre pour rendre le projet européen plus fort car en effet, il y a aujourd'hui, nous le voyons bien et vous l'évoquiez après le Brexit, une fragilité ou des doutes qui se sont installés.
Nous devons chaque jour, à la fois dans le respect de la souveraineté de chacun et dans le respect de nos valeurs partagées, faire vivre et défendre l'Europe.
J'ai évoqué à ce titre avec le Président DUDA, en toute franchise, comme nous nous le devons entre partenaires européens, les préoccupations que suscitent les réformes de la justice qui sont en cours. Je souhaite à ce titre que le dialogue avec la Commission européenne s'intensifie dans les prochaines semaines car je sais qu'en Pologne, dans son histoire, sont ancrées ces valeurs de liberté et de justice. La Pologne est profondément européenne et le soutien des Polonais à l'Union européenne est à l'un des niveaux les plus élevés du continent. Je pense que c'est une force et une force que nous devons ensemble continuer de faire fructifier.
Vous l'avez dit, Monsieur le Président, nous avons devant nous beaucoup de projets car nous avons beaucoup de défis, et je souhaite que cette visite, nos échanges marquent un véritable tournant dans le rôle qu'ensemble, nous pouvons jouer pour l'Europe demain pour relever le défi climatique et accompagner la Pologne, qui a devant elle un défi que je ne sous-estime pas. J'ai beaucoup de respect et d'admiration pour ce que votre pays a à faire, et l'Europe doit apporter toute la solidarité nécessaire à cet égard. Défi aussi de souveraineté, défi stratégique et force de nos valeurs qu'il nous faut défendre. Nous poursuivrons nos échanges dans cet esprit de dialogue, de clarté et de franchise.
C'est pour approfondir d'ailleurs cette coopération que je souhaite que nous puissions, dans les prochains mois, tenir un sommet de Weimar, qui nous permettra de nous réunir avec la chancelière allemande, car nous avons ensemble une responsabilité centrale, mais aussi de poursuivre et de donner corps à cet agenda stratégique que nous avons commencé de bâtir aujourd'hui.
Monsieur le Président, merci encore pour votre accueil. Merci de nous permettre de lever les ambiguïtés et de dire, au fond, notre ambition commune de porter nos valeurs, mais aussi le goût de l'avenir que notre Europe doit retrouver dans ce moment où elle a profondément à réinventer le projet européen pour le rendre encore plus désirable.
Merci, Monsieur le Président.
À consulter également
Voir tous les articles et dossiers-
5 octobre 2024 XIXe Sommet de la Francophonie : deuxième journée au Grand Palais.
-
4 octobre 2024 Appel de Villers-Cotterêts - Pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone.
-
4 octobre 2024 XIXe Sommet de la Francophonie : première journée à Villers-Cotterêts.
-
3 octobre 2024 Déjeuner de travail avec Nikol Pachinian, Premier ministre de la République d'Arménie.