Retrouvez la conférence de presse du Président Emmanuel Macron avec Abdallah Hamdok, Premier ministre de transition du Soudan, le 30 septembre 2019 :

30 septembre 2019 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse du Président Emmanuel Macron avec Abdallah Hamdok, Premier ministre de transition du Soudan.

Monsieur le Premier ministre, 

Mesdames messieurs les ministres, 

Merci, Monsieur le Premier ministre d’être parmi nous à Paris aujourd'hui. Je peux vous dire combien je suis heureux d’accueillir aujourd’hui à Paris le Premier ministre du gouvernement de transition soudanais Monsieur Abdallah HAMDOK. C’est votre premier déplacement officiel sur le sol européen, à Paris, dans un jour un peu particulier pour la vie de notre nation. Vous nous avez fait l’amitié d’être présent à l’office solennel qui a été rendu ce matin en l’honneur du Président CHIRAC, d’être à nos côtés et je voulais vous en remercier très sincèrement. Et votre présence aujourd’hui est aussi le signe d’une histoire qui se poursuit et de ce lien également très particulier que le Président CHIRAC avait avec l’Afrique. Soyez remercié en tout cas de votre présence à cet office et je suis pour ma part très heureux de vous avoir aujourd’hui. 

En effet, deux semaines après la visite à Khartoum de Jean-Yves LE DRIAN, notre rencontre marque véritablement une nouvelle étape dans le rapprochement entre nos 2 pays et j’y vois une marque d’amitié mais aussi un symbole. Vous l’avez dit vous-même, Monsieur le Premier ministre à la tribune des Nations Unies, le révolution soudanaise et sœur de la révolution française. Et c’est au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité que le peuple soudanais s’est soulevé à partir de décembre dernier. Et j’ai eu l’occasion moi-même de le dire à la tribune des Nations Unies. Et vous l’avez noté que ce courage de la paix, de la transition, votre jeunesse, votre nation l’a eu - je veux ici le souligner. Le courage de sa jeunesse, qui a manifesté pacifiquement, des semaines durant parfois au prix du sacrifice suprême. Le courage de ces femmes, puissantes, conscientes de leur dignité, qui ont revendiqué leur droit à choisir leur destin et celui de leur pays. Le courage de ces artistes, qui ont su magnifiquement écrire, peindre, chanter, l'espoir d'un Soudan nouveau, comme les personnages de roman de Tayeb SALIH, comme la musique de Mohamed WARDI. 

Votre révolution, Monsieur le Premier ministre, est africaine et arabe, et au fond profondément soudanaise. Elle est aussi et surtout poétique, moderne, universelle. La révolution de décembre, Monsieur le Premier ministre, n'a pas fini d'inspirer l'Afrique et le monde.

C'est pourquoi la France vous a accompagné dans ce tournant historique. Avec nos partenaires nous nous sommes mobilisés pour qu'une issue pacifique et démocratique soit trouvée à la crise. Nous avons soutenu la médiation africaine incarnée par le président de la Commission de l'Union africaine MOUSSA FAKI et son envoyé spécial Mohamed EL HACEN LEBATTet le Premier ministre éthiopien Abiy AHMED. Je veux ici lui rendre un hommage particulier. J'ai été tout au long de ce processus en contact constant avec le Premier ministre éthiopien et le Président FAKI. Je veux aujourd'hui rendre hommage à leurs efforts, comme à la sagesse des dirigeants soudanais qui ont permis la signature de l'accord constitutionnel du 17 août dernier et la mise en place d'une transition politique. 

Monsieur le Premier ministre, vous avez la lourde tâche de conduire cette transition. Je pense que peu de gens réalisent sans doute ce qui est vraiment votre tâche. Combien elle est immense. Et à quel point elle est essentielle pour l'avenir de votre pays, mais je dois le dire aussi, de toute la région et du continent. Parce que c'est l'avenir de cette révolution soudanaise qui se joue. Parce que c'est la paix et la stabilité dans votre pays, dans toute la région. Parce que c'est aussi la possibilité d'une lutte contre toutes les formes de terrorisme qui ont si longtemps prospéré sur l'ennemi ou le cynisme. J'ai assuré Monsieur le Premier ministre du soutien de la France pour atteindre les trois objectifs prioritaires qu'il s'est fixés. Faire la paix avec les principaux mouvements rebelles, en particulier ceux du Darfour, assainir la situation économique et financière en répondant aux besoins sociaux de la population, jeter les fondements d'un nouveau régime civil et démocratique en vue d'élections libres fin 2022. L'année qui vient est donc absolument décisive. 

Le premier de ces défis, le plus urgent aussi, c'est la paix. Les négociations engagées avec les groupes rebelles du Darfour, du Sud Kordofan et du Nil Bleu, ont débouché sur une feuille de route commune signée le 11 septembre à Djouba. Et la symbolique de votre déplacement, de ce premier déplacement effectué en dehors de Khartoum, était à cet égard essentielle. Ce processus doit maintenant aboutir à un accord global, une « paix des braves », incluant tous les anciens belligérants. C'est dans cet esprit que nous avons facilité l'entretien que le Premier ministre HAMDOK a eu hier avec AbdelwahidNOUR qui se trouve dans notre pays. La décision d'accepter cet entretien que vous aviez souhaité, c’est une bonne décision, et je pense que l'étape franchie hier est une étape essentielle. Les Soudanais méritent de vivre enfin en paix et en sécurité. Et seul le dialogue peut les y conduire. 

L'urgence est aussi économique. Pour vous aider à y faire face la France apportera son appui à un niveau inédit. L'Agence française de développement mobilisera une enveloppe de 60 millions d'euros, imminente, pour accompagner la transition ; 15 millions d'euros pourront être engagés dans les prochaines semaines. Nous avons échangé avec le Premier ministre sur les modalités de cette aide qui devra bénéficier en particulier aux populations les plus vulnérables. Nous continuerons bien évidemment à plaider auprès des Etats-Unis pour que le Soudan soit retiré de la liste des Etats soutenant le terrorisme, ce qui lui permettra de normaliser ses relations avec les institutions financières internationales. C'est un combat essentiel. Et nous vous appuierons entièrement. Premier créancier du Soudan au sein du Club de Paris, la France se mobilisera pour accélérer l'annulation de sa dette extérieure dans le cadre de l'Initiative pour les pays pauvres très endettés. Le travail a commencé avec nos équipes d'assistance technique, dont la mise au point des réformes nécessaires à la reconstruction de l'économie soudanaise a été mise en place et nous serons là aussi à vos côtés. Et dès que les décisions américaines seront prises, nous pourrons restructurer ainsi la dette ensemble. 

Plus largement, il est nécessaire que l'expérience soudanaise soit un succès pour votre population, et que les dirigeants courageux de la région - je pense en particulier au Premier ministre d'Ethiopie et vous-même - soient accompagné comme il se doit. C'est pourquoi j'ai décidé que la France accueillera une conférence internationale de mobilisation des bailleurs publics et privés internationaux pour accompagner votre pays et la région. C'est ensemble que nous en construirons l'agenda et les ambitions. 

Je souhaite enfin que le nouveau cours pris par le Soudan soit l'occasion de resserrer encore les liens humains entre nos deux pays. Ces liens sont étroits et anciens et dès septembre 2020 l'exposition internationale que consacrera le Louvre au royaume de Napata en témoignera. Ces liens s'incarnent aussi dans les partenariats universitaires, les échanges entre nos sociétés civiles, déjà nombreux, que je souhaite voir se développer rapidement. A cette fin une aide d'urgence sera mise en place au profit de la société civile soudanaise, acteur central de la révolution, mais aussi du Soudan de demain. Voilà, mesdames et messieurs ce que je souhaitais ici résumer de notre discussion. Notre entretien a été très riche et Monsieur le Premier ministre je vous en remercie encore. Je vous remercie de votre présence ce jour particulier pour la France, mais je vous remercie surtout de l'exemple que votre pays, votre jeunesse, votre nation a su donner, et du courage qui est le vôtre et celui de toutes celles et ceux qui vous accompagnent. Je sais combien la tâche est grande. Mais n'oubliez jamais que la France ne vous regarde pas seulement. Quelle sera là pour vous aider et prendra à vos côtés toutes les décisions et tous les risques qui doivent être pris. 

Merci Monsieur le Premier ministre.

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