30 août 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence conjointe du Président de la République, Emmanuel Macron et du Président de Finlande Sauli Niinistö

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.
Finlande – Jeudi 30 août 2018

LE PRESIDENT : Merci Monsieur le Président, merci beaucoup pour vos mots et votre accueil hier soir et aujourd'hui. Je voudrais vraiment vous remercier chaleureusement et vous dire toute la joie qui est la nôtre d’effectuer ce voyage en Finlande. Cela faisait dix-neuf ans qu’un Président français n’avait pas fait de voyage à Helsinki, mais il était particulièrement important pour moi de le faire en cette année qui marque le centenaire de l’établissement de nos relations diplomatiques – je le rappelais hier soir – puisque la France a été le premier pays avec la Suède à reconnaître l’indépendance de la Finlande le 4 janvier 1918 et c’est aussi l’année d’une naissance importante : celle d’Aaro.

Monsieur le Président, indépendamment de tout le plaisir d’être là et la joie de vous avoir retrouvé après nos échanges il y a quelques mois à Bruxelles au sommet de l'OTAN, je voulais revenir sur le premier sujet, sans doute le plus important que nous avons évoqué, celui de la sécurité et de la défense. En effet, vous l’avez rappelé, nous partageons la même vision sur les risques politiques et géopolitiques auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés et la nécessité d’avoir une Europe qui protège et qui se protège.

Vous m’avez dit que ça fait maintenant dix ans que vous attendiez d’avoir une Europe qui prenne conscience de cela et je crois que la déclaration commune sur la défense européenne que nous adoptons à l’occasion de ce déplacement confirme nos convergences en la matière et nos Ministres de la Défense poursuivrons le travail pour le rendre le plus concret possible.

La France a proposé une initiative européenne d’intervention et je me réjouis que vous ayez manifesté une volonté de joindre celle-ci et un intérêt marqué pour cette initiative dont le but, au-delà de la politique qui a déjà été retenue, la PESCO, donc la coopération structurée permanente en matière de défense au-delà du fonds européen de défense, est une initiative qui vise à rassembler les pays européens pour créer une culture stratégique et de défense commune. Je pense qu’il est très important de partager cela entre nos deux pays.

Notre volonté est aussi d’aller plus loin et je souhaite que la France puisse travailler avec plusieurs Etats qui sont face aux mêmes risques, aux mêmes incertitudes - nous les avons évoquées pour ce qui est de la Suède, de la Norvège et de la Finlande – l’existence de risques géopolitiques communs et je pense que dans le cadre de cette coopération, le rôle de la France doit aussi être de renforcer la stratégie et les initiatives de défense commune en la matière.

Notre volonté est clairement que l’Europe assume cette autonomie stratégique qui renforce sa solidarité en matière de défense. C’est la vision que j’ai présentée il y a maintenant près d’un an à la Sorbonne, celle d’une Europe plus souveraine, plus unie, plus démocratique. La souveraineté, c’est la capacité à se défendre mais elle passe aussi par l’unité, c'est-à-dire une solidarité en son sein. En matière de défense, c’est exactement ce que nous sommes en train de faire. La France s’est dotée d’une stratégie militaire et d’une stratégie d’investissement en la matière. C’est la loi de programmation militaire promulguée le 14 juillet dernier.

Elle s’est dotée d’une stratégie européenne en accompagnant, en initiant certaines avancées et je souhaite que nous allions maintenant plus loin en nous dotant d’une solidarité européenne renforcée. C’est la proposition que j’ai faite lundi, celle de porter une réforme de l’article 42-7 du Traité de Lisbonne, et d’avoir au sein de l’Union européenne une espèce d’article 5 renforcé qui marque une solidarité très forte entre pays de l’Union européenne en matière de défense.

C’est, je crois, ce que nous nous devons les uns les autres et c’est ce que nous devons à l’Europe pour qu’elle soit une réalité pour l’ensemble des Etats membres et de nos concitoyens. Comment expliquer à des Etats membres que l’Europe est ce qui les protège quand, aujourd'hui, notre autre partie de l’Union, la réalité de leur quotidien, leur conception encore profonde, c’est qu’ils sont protégés par les Etats-Unis d’Amérique, avant tout par l’OTAN ou autre.

L’OTAN reste une alliance importante et stratégique et toutes nos avancées européennes ne sont pas des avancées contraires à celles de l’OTAN mais nous avons besoin d’avoir une stratégie européenne et une solidarité européenne renforcée en la matière. C’est cela que nous portons l’un et l’autre et c’est ce sur quoi je souhaite que nos deux pays avancent fortement dans les semaines et les mois qui viennent.

Nous avons également longuement échangé avec le Président NIINISTO sur de nombreux autres sujets, la paix et le multilatéralisme, et je me réjouis de votre présence au Forum pour la paix à Paris le 11 novembre prochain et nous aurons l’occasion de nous revoir à l’assemblée générale des Nations Unies fin septembre. Les relations transatlantiques, évidemment la relation avec la Russie et, là-dessus, nous avons cette volonté une fois que l’Europe aura cette autonomie stratégique et de défense, de refonder, repenser l’architecture de sécurité européenne au sens large avec, comme je l’ai dit il y a quelques mois à Saint-Pétersbourg, la nécessité de repenser notre relation avec la Russie.

L’Europe, pour moi, doit être large avec des cercles concentriques et l’Europe la plus large, c'est une Europe de valeur mais c’est une Europe aussi qui construit son architecture commune de sécurité avec les puissances qui sont à ses marges et qui sont de grands peuples avec lesquels nous avons une histoire commune. Evidemment, notre échange a aussi porté sur la coopération en matière d’environnement et en particulier tout le travail que vous avez initié sur l’Arctique et que nous soutenons et nous allons accompagner.

Enfin, notre coopération, notre rôle commun c’est aussi en matière de valeurs. Nous sommes deux peuples fortement attachés à la liberté, au respect des droits de l’homme et nous aurons l’un puis l’autre dans les prochains mois des responsabilités importantes à jouer au sein du Conseil de l’Europe. Vous aurez à assurer d’abord la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Cette présidence sera suivie par une présidence française et nous aurons dans ce contexte à œuvrer pour maintenir la cohésion de ce Conseil de l’Europe et sa force et je crois que nous partageons la volonté de maintenir ce socle de valeurs essentielles large pour notre Europe.

Voilà ce que je souhaitais ici rappeler, je crois, de manière très cohérente avec vous-même et dans la continuité de vos propos, Monsieur le Président. Merci à nouveau pour votre accueil. Pardon de vous avoir fait attendre vingt ans mais reconnaissez-moi une chose : je ne vous ai fait attendre que quinze mois et, pour ce qui me concerne, je considère que nous avons beaucoup à faire en particulier sur ces sujets géopolitiques et de défense ensemble et c’est, je crois, ce qui constitue l’un des socles d’une ambition européenne que nous allons continuer à porter pour nos deux pays. Je vous remercie.

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