7 juin 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence de presse conjointe du Président de la République Emmanuel Macron avec le Premier ministre du Canada Justin Trudeau

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Ottawa Parlement, le 7 juin 2018

 

LE PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, cher Justin, merci pour l’accueil qui nous a été fait hier, nos discussions extrêmement fructueuses et amicales, ici même et puis dans un cadre plus privé hier, et merci de continuer à cheminer ensemble jusqu’à ce G7 qui va nous tenir occupés pour cette fin de semaine.

Je suis accompagné de plusieurs ministres, de parlementaires, de responsables de l’administration et du monde économique, académique, culturel, ce qui montre l’intensité de la relation quelques semaines après la visite de Monsieur le Premier ministre à Paris où il a eu entre autres l’occasion de s’exprimer devant l’Assemblée nationale pour évoquer nos relations bilatérales, mais aussi une vue commune du monde. Et c’est le signe de tout ce que nous avons à nous dire et à bâtir ensemble entre la France et le Canada.

La première raison de ma venue au Canada, c’est le sommet du G7 et le souhait que nous avons, avec le Premier ministre canadien, de nous rencontrer et coordonner nos positions avant cette rencontre. La France prendra la présidence du G7 après le Canada l’année prochaine, dans une période marquée par de grands défis, et mon souhait est aussi que nous puissions inscrire nos présidences successives, dans un esprit d’ambition partagée et de continuité constructive. Dans ce cadre-là, il est évident qu’il nous faudra défendre un cadre collectif fort, un multilatéralisme fort que nous appelons de nos vœux l’un et l’autre, qu’il s’agisse de sécurité internationale, de commerce, de lutte contre les dérèglements climatiques, de lutte contre toutes les formes de harcèlement, pour l’égalité femme-homme, ce sont des combats que la présidence canadienne a décidé de relever et aux côtés desquels la France se trouve pour mener une action résolue.

Ce G7 est important parce que notre monde traverse sur chacun de ces sujets des défis qui pouvaient paraître impensables il y a encore quelques années. Avec le Premier ministre TRUDEAU, nous avons passé en revue les grandes crises internationales pour constater nos convergences dans l’action à conduire au sein des grandes enceintes internationales où nous travaillons : le G7, le G20 dans quelques mois et l’OTAN ou l’ONU. Nous devons poursuivre dans cette voie en favorisant les échanges de vues à tous les niveaux, qu’il s’agisse de politique étrangère, de lutte contre le terrorisme, de coopération en matière de défense ou de coopération économique.

Notre dialogue politique est en plein essor, comme le rappelait à l’instant le Premier ministre et comme viennent de l’illustrer trois événements récents. Il y a quelques mois, le Canada a pris la décision de s’engager au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, dite Minusma, avec l’envoi d’hélicoptères et de personnels militaires associés. C’est un engagement fort et très positif dans notre coopération au Sahel qui va amener un renforcement dans nos échanges et nos expériences puisque la France est particulièrement engagée dans cette région, tout spécialement au travers de l’opération Barkhane. Et je veux vous remercier, Monsieur le Premier ministre, pour cet engagement qui supposait beaucoup de courage politique et dont nous apprécions toute la dimension. De ces partenariats en matière de défense, naîtront une proximité, une solidarité plus grande encore entre nos armées, nos capacités stratégiques, nos industries, à laquelle nous tenons.

Deuxième sujet important, lors de la visite du Premier ministre canadien à Paris, nous avons signé un partenariat bilatéral sur l’environnement et le climat. Ce texte ambitieux prévoit des actions communes dans les instances internationales pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans des transports, l’organisation d’un séminaire euro-canadien sur la tarification du carbone, l’articulation de nos politiques de développement en matière d’environnement et le soutien à la finance verte et la promotion des enjeux de développement durable dans les politiques commerciales à l’OMC et l’OCDE.

Enfin, nous avons signé – et vous venez de le rappeler, Monsieur le Premier ministre – durant ces deux jours un plan d’action sur la coordination de nos efforts en matière d’aide au développement, qui va nous permettre plus de cohérence dans nos interventions et plus de partenariats actifs, et de travailler tout particulièrement plus efficacement, notamment en faveur de l’éducation des jeunes filles, qui est un des thèmes que je pousse depuis plusieurs mois, en particulier dans l’engagement de la France au sein du Partenariat mondial pour l’éducation et que vous avez voulu aussi mettre au cœur du G7 que vous présidez.

Dans le secteur de l’innovation, nous avons une longue tradition de coopération, de la recherche médicale aux jeux vidéo en passant par les nouvelles technologies de l’information, et je me réjouis tout particulièrement que, comme nous l’avions annoncé, nous ayons pu mettre d’accord aussi rapidement l’ensemble des acteurs sur une grande initiative que la France et le Canada entendent lancer sur l’intelligence artificielle.

Nous avons, je crois pouvoir le dire, deux écosystèmes très forts en matière d’intelligence artificielle : écosystème de chercheurs, d’entrepreneurs, de financeurs. Et nous avons une communauté de vue et d’intérêt, la volonté d’accélérer l’innovation et la création de transformation liée à l’intelligence artificielle, mais le même souci du bien commun, de l’éthique, de la protection de la vie privée et donc d’une intelligence artificielle qui se développe en protégeant les intérêts de tous et les valeurs fondamentales qui sont les nôtres. C’est dans ce cadre que nous avons souhaité par cette déclaration lancer le travail pour mettre en place ce groupe de très haut niveau indépendant, comparable en effet au GIEC qui est devenu la référence mondiale en matière de lutte contre le réchauffement, qui permettra d’organiser le débat, de donner un cadre aux évolutions technologiques et scientifiques de manière crédible et efficace, mais surtout en étant sensible à la confiance démocratique que ces avancées requièrent.

Cela m’amène à nos relations économiques, qui sont en plein essor. La France échange chaque année 10 milliards d’euros de biens et de services avec le Canada et toutes nos grandes entreprises y sont établies. De leur côté, les entreprises canadiennes ont misé sur la France avec 250 filiales implantées dans notre pays qui emploient plus de 28 000 personnes. A ce titre, l’accord commercial est un élément de la progression que nous devons ensemble penser, accompagner et va nous permettre de développer encore ces échanges qui ont déjà progressé de 6 % depuis septembre dernier. Un gros travail a été fait par les parlementaires et le gouvernement depuis un an pour rassurer, lever les doutes qui avaient pu un moment exister en France sur ce qu’on appelle en effet en bon français le CETA. Sur ce sujet, je dois dire que le travail partenarial a été exemplaire entre nos équipes, que votre engagement et votre expression à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, cher Justin, ont été extrêmement clairs et ont permis là aussi beaucoup d’avancées et que nous avons mis en place un système de suivi, y compris très scientifique, objectif dont, à la fin de l’été, des rapports importants seront donnés qui, je crois, est de nature à lever tous les doutes existants.

Et la mise en œuvre provisoire qui est aujourd’hui une réalité est en train également de montrer que beaucoup des doutes n’adviennent pas, ne deviennent pas réalité et que le partenariat gagnant-gagnant plusieurs fois défendu est en train d’advenir sur de nombreuses filières. Il nous faut être ensemble vigilants, améliorer ce qui doit l’être, suivre cela grâce au travail exemplaire de nos parlementaires, mais je considère que sur ce sujet, il nous fait saisir toutes les opportunités et mon souhait est précisément que, par ce travail conjoint que nous avons mis en place, la France puisse être le point d’entrée pour les entreprises canadiennes qui viennent en Europe et que nous puissions montrer à nos classes moyennes, à nos concitoyens, que l’ouverture, lorsqu’elle est cohérente avec nos valeurs, respectueuse de l’environnement et des normes sociales, est bonne, qu’elle est possible et qu’il n’y a pas de fatalité sur ce point.

La France et le Canada vont également s’engager davantage en faveur de l’entreprenariat d’innovation et la recherche en développant une coopération structurée au sein du Fonds France-Canada pour la recherche et cette coopération portera sur les enjeux cruciaux de notre avenir : intelligence artificielle et numérique, bioscience et santé, océans et agrotechnologie. Et elle ira de pair avec le développement de la mobilité étudiante et de la coopération scientifique entre nos deux pays.

Je ne veux bien sûr pas oublier le domaine de la culture dans lequel nos pays ont tissé tant de liens à travers les générations, et je souhaite que les échanges se poursuivent encore plus activement dans le cinéma, la chanson, le patrimoine, les arts de la scène, la mode et le design pour continuer à créer ensemble et à inspirer le monde entre, là aussi, deux écosystèmes qui échangent beaucoup, qui vivent justement dans une communauté de langue et qui permettent aussi de voyager dans des imaginaires de part et d’autre de l’océan qui, je crois, sont extrêmement féconds.

Tous ces sujets montrent la vitalité, la profondeur de nos liens bilatéraux et la détermination, l’engagement conjoint dans les combats mondiaux qui sont aujourd’hui les nôtres.

Nos relations ont changé de nature, elles se sont approfondies à des niveaux remarquables et c’est pourquoi nous avons décidé de lancer, comme le Premier ministre vient de le rappeler, un Conseil des ministres franco-canadien qui pourra, tous les deux ans, impulser et valider un travail très approfondi de coopération entre nos deux pays.

Monsieur le Premier ministre, cher Justin, je vous remercie une nouvelle fois pour votre accueil. Je me réjouis de pouvoir continuer ces échanges avec vous ces prochains jours à La Malbaie tout au long du G7. Je vous souhaite une bonne présidence, et la France sera là pour que cette présidence soit forte et tienne nos valeurs et nos intérêts conjoints dans ce contexte contemporain que nous connaissons tous. Merci beaucoup cher Justin.

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