Fait partie du dossier : Visite d'État aux États-Unis

25 avril 2018 - Seul le prononcé fait foi

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Transcription de la conférence de presse finale du Président de la République Emmanuel Macron aux États-Unis

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI.

Washington – Jeudi 25 avril 2018

 

Mesdames et Messieurs, bonsoir,

Je vais donc peut-être en quelques mots récapituler cette visite d'Etat et je répondrai ensuite à vos questions.

Nous achevons en effet dans les minutes qui viennent cette visite d'Etat qui est la première visite d'Etat organisée par le président TRUMP et qui, je dois le dire, a beaucoup honoré la France et je veux commencer cette conférence en remerciant le président TRUMP et son épouse Melania, pour l'accueil qui nous a été réservé à mon épouse et moi-même, à toute la délégation qui m'accompagnait et la parfaite organisation de cette visite d'Etat.

Celle-ci a commencé par une première séquence qui nous a permis de nous rendre à Mount Vernon où, dans la maison de George WASHINGTON, nous avons pu avoir de premiers échanges, et aussi rappeler l'importance de liens historiques entre nos deux pays et les origines profondes qui datent de nos révolutions et qui, je crois pouvoir le dire, nous lient profondément à travers, à la fois notre destin et les valeurs que nous défendons. A ce titre, les correspondances entre George WASHINGTON et LA FAYETTE ont été à plusieurs reprises convoquées durant tout ce déplacement et je crois mettent à la bonne hauteur la relation transatlantique qui nous unit.

C’est ce même lien historique que j'ai souhaité moi-même célébrer, en offrant au président TRUMP un jeune chêne du bois Belleau, que nous avons planté ensemble dans le jardin de la Maison Blanche, marquant ce faisant aussi ce lien puisque ce chêne vient de ce petit bois, au nord de notre pays, près de la fontaine bouledogue où sont morts plusieurs milliers de Marines en 1918 et qui est resté un lieu mythique pour les Marines américains, puisqu’on continue à dire aujourd'hui que : « aller boire l'eau de la fontaine bouledogue permet de gagner une année de vie ». C'est ce même bouledogue qu'on retrouve en emblème des Marines, là aussi traduisant ce lien entre nos deux pays.

Nous l'avons constamment, comme je le disais, convoqué dans nos échanges bilatéraux, dans les discours officiels que nous avons pu faire l'un et l'autre.

J'ai eu l'occasion aussi durant cette visite d'Etat de pouvoir à la fois échanger à plusieurs reprises avec le président TRUMP, pouvoir également me rendre au Congrès ce matin pour une adresse, un honneur auquel j'étais très sensible et je reviendrai dans quelques instants sur ces termes, mais également me rendre sur plusieurs lieux emblématiques de l'histoire américaine et qui ont permis aussi, si je puis dire, d'embrasser l'histoire américaine dans toutes ses composantes. C'est le sens de l'hommage à Martin LUTHER-KING, que nous avons rendu en début d'après-midi avec le représentant John LEWIS, rendant hommage à un combat essentiel de l'Amérique du XXème siècle. C’est également le sens de l'hommage que j'ai voulu rendre hier à Arlington, à la fois à la tombe du soldat inconnu et également à la famille KENNEDY.

J'ai enfin pu avoir plusieurs échanges cet après-midi, en particulier dans cette université que je remercie pour son accueil, avec les étudiants de l'université George Washington, ce qui a permis d'évoquer plusieurs sujets internationaux, bilatéraux ou d'ordre divers et variés. Vous avez, je pense, pu suivre cet échange.

Durant cette visite d'Etat, nous avons pu revenir sur beaucoup de sujets bilatéraux, plusieurs accords importants ont été signés entre entreprises, qui ont d'ailleurs marqué les liens très forts qui nous unissent sur le plan industriel, sur le plan technologique, sur le plan évidemment culturel et scientifique aussi. Je pourrais revenir en fonction de vos souhaits et à mes yeux cette visite d'Etat a permis d'une part, aux deux dirigeants de mieux se connaître, mais nous a permis également d'avancer dans cet agenda bilatéral qui est déjà aujourd'hui extrêmement vivace puisque, je le rappelais hier, l'Amérique est le premier investisseur étranger en France et également un pays dont les investissements se sont reconfirmés et réaccélérés ces derniers mois. Durant cette visite, plusieurs entreprises ont d'ailleurs confirmé de nouveaux engagements en France, dont quelques semaines après Walt Disney, Salesforce pour plusieurs milliards d'euros.

Nous avons également durant cette visite d'Etat pu évoquer plusieurs sujets internationaux d'importance pour nos deux pays et compte tenu du rôle que nous jouons.

Sur le climat, nous avons décidé de nous concentrer sur un agenda positif franco-américain, avec en particulier le sujet de la protection des océans que je souhaite pouvoir en effet évoquer lors du G7. J'ai eu un long échange avec le Premier ministre TRUDEAU à Paris, c'est son souhait aussi pour la présidence canadienne et je souhaite que la présidence française puisse poursuivre le travail sur ce sujet important. Et c'est un sujet sur lequel, je crois, on peut travailler et le président TRUMP me l'a confirmé avec les Etats-Unis d'Amérique. Nous connaissons la décision américaine sur l'Accord de Paris et j'ai redit ce matin combien je souhaite que les Etats-Unis puissent un jour décider de revenir dans ce cadre, mais nous devons pour autant continuer à avancer de manière concrète, c'est le sens des partenariats d'affaires ou de recherche, avancer sur des nouvelles initiatives. C'est le sens de ce que je veux que nous puissions faire au G7 et continuer également à avancer en termes de financement des initiatives environnementales. Et c'est ce sur quoi nos acteurs financiers continuent également à travailler en ligne directe, si je puis dire, après le One Planet Summit du 12 décembre dernier à Paris.

Sur les sujets commerciaux, j'ai clairement appelé à éviter une escalade entre alliés et donc à accorder une exemption américaine définitive à l'Union européenne. C'est le sens de ce que j'ai, ce matin, rappelé au Congrès. Nous sommes tombés d'accord sur l'intérêt commun à améliorer les règles de l'échange mondial et en particulier à travailler étroitement ensemble sur les règles de propriété intellectuelle, de subventions, de transfert de technologies et de contrôle d'investissement stratégique. Sur ces sujets, il y a eu un accord clair pour travailler ensemble et améliorer nos règles conjointes et les règles que nous développons avec nos partenaires.

Pour autant, je suis pour ma part très attaché aux règles de l'Organisation mondiale du commerce, comme je l’ai en effet rappelé, je considère qu’il ne peut pas y avoir de guerre commerciale entre alliés et je souhaite donc non seulement que nous puissions trouver les voies et moyens de cette exemption, mais qu'il puisse y avoir une pacification de la situation commerciale mondiale.

Nous avons, nous le savons, un sujet d'importance sur le plan commercial, qui sont les surcapacités en particulier en matière d'acier liée à la situation chinoise, situation qui a été reconnue, sur laquelle la Chine s'est elle-même engagée dans le cadre du G20. C'est ce travail qu'il nous faut poursuivre utilement dans les prochains mois.

Enfin, nous avons passé un long moment à parler de nos engagements communs contre la prolifération des armes massives, la lutte contre le terrorisme et la sécurité collective. Au Sahel, nous avons une action conjointe extrêmement efficace qui a permis encore ces dernières semaines des résultats très probants. J'ai eu l'occasion de le faire ce matin au Congrès, mais je veux ici saluer l'engagement de nos militaires et le courage dont ils font preuve au Sahel depuis plusieurs années, et l'efficacité de ces derniers dans les opérations encore récemment menées où la coopération entre les Etats-Unis et la France est absolument exemplaire.

J'ai appuyé les avancées des négociations entre la Corée du Nord et les Etats-Unis d'Amérique, qui me semblent aller dans la bonne direction. Et j'ai indiqué que tout ce qui pouvait être fait, et utile par la France, le serait afin de conclure le plus rapidement possible un accord permettant la dénucléarisation coréenne qui est la seule voie efficace.

Nous avons ensuite longuement parlé du Levant et de la situation de l'Iran. Sur ce sujet, j'ai réaffirmé ce qui est la position de la France, en coordination avec nos partenaires européens et qui ne change pas. Nous avons signé, tout comme les Etats-Unis d'Amérique, un accord nucléaire permettant d'encadrer le nucléaire militaire iranien, le 14 juillet 2015. Cet accord, nous le défendons et nous considérons qu'il doit être respecté car il est une base utile et c'est notre parole. Néanmoins, j'ai noté comme vous les déclarations réitérées du président TRUMP et sa volonté claire de ne pas soutenir cet accord. Je ne sais pas ce que le président TRUMP décidera de faire le 12 mai prochain et au demeurant il y a tout un processus qui s'en suivra, mais j'ai souhaité que nous puissions acter d'un agenda positif.

Ce qui veut dire que d'une part, le JCPOA, donc l'accord sur le nucléaire iranien sera respecté et défendu par la France et les Européens.

D'autre part, nous devons acter, ce que j'avais fait dès l'Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier à New York, que cet accord ne permet plus de traiter la totalité du problème iranien et des sujets que nous avons à couvrir dans la région.

Il y a en effet trois autres sujets qu'il nous faut couvrir dans un dialogue exigeant mais indispensable avec l'Iran et les puissances de la région, qui je le rappelle, pour une écrasante majorité d'entre elles, n'étaient pas partie de l'accord nucléaire de 2015. C'est la question du nucléaire de défense iranien post 2025, la question de l'utilisation et de l'activité balistique de l'Iran dans la région et enfin le sujet de la stratégie régionale de l'Iran, en particulier en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban.

Ces trois sujets viennent compléter l'agenda du JCPOA et j'ai ainsi proposé au président américain - et la conférence de presse d'hier a permis de montrer une voie sur ce sujet, c'est que quelle que soit la décision américaine le 12 mai prochain, nous œuvrions collectivement dans la région pour créer un accord plus large et un cadre stratégique commun de discussions avec l'Iran, qui comprendra les quatre sujets, celui contenu par le JCPOA et les trois autres que je viens d'évoquer.

Le président TRUMP s'est montré ouvert à cette perspective et à l'idée d'avoir justement un nouvel accord-cadre plus large et plus structurant, qui permette de tenir compte de l'ensemble des craintes qui figurent, qui existent aujourd'hui quant à l'activité de l'Iran.

Ceci ne se fera pas en un jour, mais je considère que c'est une avancée importante, compte tenu du fait que jusqu'à présent, le président américain ne s'était exprimé que pour manifester son refus du JCPOA, mais à aucun moment une volonté de construire, y compris un schéma alternatif.

Aller dans cette direction, me paraît être absolument essentiel pour la stabilité de toute la région qui demeure notre objectif profond. Je l’ai rappelé ce matin au Congrès, pour ma part je considère que la responsabilité de la France est de tout faire pour éradiquer les groupes terroristes de la région. C'est le sens de notre action au sein de la coalition internationale, mais également pour assurer la stabilité de la région et donc tout faire pour éviter qu'il n'y ait quelque hégémonie que ce soit qui s'impose ou quelques stratégies régionales ou escalades qui puissent déstabiliser toute la région.

C’est dans ce cadre que nous avons pu évoquer le dossier syrien. Sur celui-ci, nous sommes engagés ensemble pour lutter contre le terrorisme djihadiste et nous poursuivrons cette guerre jusqu'au bout. Nous sommes également ensemble pour faire respecter le cadre de nos engagements internationaux, et en particulier l'interdiction de l'utilisation d'armes chimiques. C'est le sens de l'intervention que nous avons menée conjointement avec les Etats-Unis d'Amérique et la Grande-Bretagne dans la nuit du 13 au 14 avril. Nous sommes ensemble pour œuvrer au Conseil de sécurité des Nations Unies et construire le cadre diplomatique qui permettra d'améliorer l'accès humanitaire. Nous sommes ensemble pour travailler dans le cadre du Small group - dont nous avons pris l'initiative - à une solution de stabilité qui permettra de construire la Syrie de demain.

Et là-dessus, je considère qu'il y a eu de vraies avancées dans nos échanges également, c’est pour moi un deuxième point très important sur la région, c'est qu’au-delà de notre action militaire qui a vocation à s'achever avec la victoire contre Daesh, nous ayons un engagement politique qui est de construire une Syrie en paix, inclusive et qui ne soit pas sous la domination d'une puissance étrangère régionale ou déstabilisée par les conflits récents.

Ce travail nous le mènerons donc ensemble et c'était pour moi un élément extrêmement important.

Voilà rapidement résumé, et je reviendrai sur quelques points que vous souhaitez évoquer, à la fois sur ce que j'ai mentionné dans cette introduction ou que je n'aurais pas ici développé, mais je suis très heureux de cette visite d'Etat de presque trois jours, très heureux des échanges que nous avons eus. Je considère que la relation bilatérale sur le plan personnel et sur le plan national est à un niveau excellent.

Je pense qu’aujourd'hui nous avons en plus de cette relation bilatérale, un travail sur le plan multilatéral à construire. Les avancées que nous avons construites ces dernières semaines, car tout ne s'est pas passé aujourd'hui, vont dans la bonne direction, elles doivent être poursuivies par un travail intense que nous allons mener ensemble, mais qui pour moi est le cœur de ce que j'ai présenté ce matin au Congrès américain. Ce multilatéralisme fort.

Et je crois qu'aujourd'hui dans le contexte international qui est le nôtre, les Etats-Unis se trouvent face à un choix profond, qui est un choix presque de civilisation, celui de remettre en cause un ordre multilatéral qu'ils ont construit ou contribuer à construire, sur à peu près tous les domaines ou celui de le transformer pour le rendre plus respecté, plus fort, mais pour le préserver.

C'est la deuxième voie, pour ma part que j'ai choisie, parce que c'est la seule qui permet de porter les valeurs de la France, les valeurs historiques de lien transatlantique et les valeurs de l'Europe. Du climat en passant par le commerce jusqu'à la sécurité mondiale, je crois en ce multilatéralisme fort et j'espère que nous cheminerons ensemble avec les Etats-Unis sur cette voie, je pense que c'est possible, je pense que des signaux importants ont été donnés en ce sens et vous pouvez compter sur ma détermination et mon travail pour le faire.

Dans les prochains jours, plusieurs autres dirigeants européens auront, ou des déplacements ou des échanges. Nous nous coordonnerons étroitement pour que la voie européenne continue sur ces grands sujets d'intérêts conjoints à être portée en cohérence et articulée parfaitement entre nous.

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