24 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing par Anita Hausser pour le journal de 18 heures sur RTL, vendredi 24 avril 1981.

QUESTION.- Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le dernier jour de votre campagne `campagne électorale` que vous avez commencée le 30 mars. Est-ce que vous pouvez nous en dresser un premier bilan, nous faire part de vos impressions à la veille de ce premier tour ?
- LE PRESIDENT.- Bien volontiers, je termine cette campagne en Auvergne comme je le fais toujours puisque c'est ici que sont toutes mes racines. Mes quatre grands-parents sont enterrés dans le canton dans lequel nous vivons et donc toute notre tradition de famille et une tradition auvergnate. Cette campagne m'a beaucoup intéressé, beaucoup encouragé parce que j'ai vu des auditoires réfléchir, notamment je pense, hier soir à Lyon, à cette magnifique réunion la plus importante qui ait eu lieu sur-le-plan politique de toujours. Elle m'a montré que les Françaises et les Français cherchaient à comprendre quel était l'enjeu du scrutin et voulaient se prononcer en pleine connaissance de cause. Ils ont été désarçonnés par l'aspect entièrement négatif de la campagne de mes concurrents qui était une campagne faite pour détruire, pour diviser. Ils ne se sont pas laissés prendre à cette campagne et ils ont cherché de bonne foi quel est l'intérêt national de la France. C'est ainsi qu'ils vont se prononcer.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez dit pendant tout cette campagne que vous êtes le candidat de l'"espoir". Comment est-ce que concrètement vous allez pouvoir le montrer ?
- LE PRESIDENT.- Je suis le candidat de l'"espoir" pour une raison tout à fait simple. Il y avait 10 candidats. On aurait pu imaginer que l'un des 9 autres, libéré des charges du pouvoir que j'ai assumées pendant les dernières années, propose des solutions d'avenir audacieuses, constructives et réalistes pour la France. Nous n'avons entendu que des critiques. Et pour ma part, j'ai expliqué le chose suivante : c'est celui qui a construit les fondations, c'est-à-dire moi-même, qui est le plus qualifié pour construire la maison. Les fondations, qu'est-ce que c'est ? Nous avons eu à faire face à une crise, vous le savez, et nous avons commencé à gagner l'indépendance énergétique de la France. C'est nous qui avons créé les conditions de cette indépendance énergétique. Nous avons fait un grand effort pour la formation professionnelle de la jeunesse, pour que les jeunes Français puissent accéder sur le marché du travail avec une formation les préparant à une vie active. Nous avons réorganisé des secteurs entiers de notre économie. Nous avons donné des chances à la puissante agriculture française. Ca, ce sont les fondations, et après les fondations, nous allons pouvoir construire les étages de la maison.
- Je dis, à cinq minutes de la fin, étant donné que nous avons été capables de devenir sur-le-plan militaire et sur-le-plan nucléaire une des toutes premières puissances du monde, nous sommes capables de le faire dans les autres domaines de la vie économique et sociale. Et j'apporte l'espoir c'est-à-dire ma volonté de placer la France dans le peloton de tête des grands pays du monde. Et je cite trois pays très différents : les Etats-Unis, le Japon et aussi la France.
- QUESTION.- Est-ce que sela signifie qu'au lendemain du deuxième tour `élection présidentielle`, si vous êtes réélu, vous direz aux Français : "Au travail " ?
- LE PRESIDENT.- Je dirais surtout aux Français : "Attaquons-nous au problème de l'emploi des jeunes".
- J'ai été choqué dans cette campagne `campagne électorale` de voir qu'au début on parlait de ce problème de l'emploi et sans doute parce que les autres concurrents n'avaient rien de sérieux à proposer, ils ont cessé d'en parler. Moi, je continue. Les premiers textes qui seront soumis au Parlement après l'élection présidentielle concerneront l'emploi des jeunes.\
QUESTION.- Pendant votre campagne, il a beaucoup été question de la majorité. Vous avez toujours dit que la majorité existait, qu'il n'y avait presque pas de problèmes, pourtant nous avons le sentiment qu'il y a au moins des -états d'âme. Vous avez aussi annoné que vous feriez des gestes pour ressouder cette majorité. Est-ce que vous pouvez en dire deux mots ?
- LE PRESIDENT.- La majorité, c'est la majorité des Françaises et des Français. Il ne faut pas confondre la compétition électorale qui est une compétition entre des candidats et la division de l'électorat qui est tout à fait autre chose. Il y a des candidats, et il était normal qu'il y ait des candidats. Nous sommes un pays de liberté, chacun a le droit de se présenter, mais cela ne veut pas dire que les électeurs vont se diviser et s'affronter entre eux. Les électeurs ont voté ensemble en 1978, ils ont rejeté le programme commun, ils voteront ensemble le 10 mai 1981, pour élire un nouveau Président de la République. Leurs représentants, c'est-à-dire les parlementaires, seront certainement fidèles à l'esprit de la majorité. Il n'y a donc pas à mes yeux de problèmes difficiles à cet égard, et cette majorité devra travailler sans exclusive et sans rancune.
- QUESTION.- Ne pensez-vous pas qu'il y aura des plaies à penser ?
- LE PRESIDENT.- Non, je crois que c'est une compétition. Pour ma part je me suis abstenu vous l'avez vu de tout geste, de toute critique, ou de toute attitude qui aurait pu ouvrir ou envenimer une plaie.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pouvez-vous nous dire ce qui vous a le plus impressionné dans cette campagne `campagne électorale`, votre meilleur souvenir, et peut-être aussi votre souvenir le plus désagréable et je pense notamment à l'attentat d'Ajaccio.
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas un souvenir désagréable pour moi, j'ai toujours su qu'il y avait un problème de sécurité pour le Président de la République, j'ai toujours accepté le risque de sécurité. Je suis de tous les Présidents celui qui a pris le moins de précautions, je suis toujours allé dans la foule des Français très simplement et sans protection parce que je fais confiance à mes compatriotes. Et donc ce qui a été pénible, c'est le sort des victimes, c'est-à-dire ce jeune homme de 19 ans qui venait visiter la Corse et qui est aujourd'hui décédé. Et d'autre-part ces jeunes femmes qui exerçaient des fonctions à l'aéroport d'Ajaccio et qui ont été blessées et dont vous savez que j'ai décidé qu'elles seront décorées. Je leur remettrai leur décoration. Et c'est à la police française de rechercher les auteurs de cet attentat. Ils les trouveront, j'en ai la conviction. Pour ce qui est du meilleur souvenir, c'est le soutien que la jeunesse m'a apporté dans cette campagne. C'est un souvenir merveilleux. Parce que la jeunesse, la vraie jeunesse, celle qui accède à la vie, qui a de 18 à 25 ans, celle qui autrefois ne votait pas, quel candidat a-t-elle soutenu ? Moi-même. Vous les avez vus dans toutes les réunions, les jeunes était là partout. Ils avaient un très joli symbole. C'est-à-dire qu'ils allumaient de petites lumières à la fin de mes réunions. Qu'étaient ces lumières ? Les lumières de la liberté et de l'espoir. Merci aux jeunes.\