7 juin 1980 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Message aux armées de M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion des cérémonies en l'honneur du soldat inconnu d'Indochine, Paris, Cour des Invalides, le samedi 7 juin 1980

Officiers,
- sous-officiers,
- officiers mariniers,
- soldats,
- marins et aviateurs,
- Devant les troupes rassemblées dans la cour d'honneur des Invalides, notre Patrie accueille, face au drapeau, le soldat inconnu d'Indochine. Il est mort pour la France ! Il reposera demain dans le cimetière de Notre-Dame-de-Lorette, près de son frère d'arme d'Afrique du Nord, soldat parmi les soldats de toutes nos guerres.
- Avec lui se ferme une page glorieuse de notre histoire. Durant plus d'un siècle, un Empire et deux Républiques ont fédéré les peuples de la Cochinchine, de l'Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos.
- Cette oeuvre est celle d'hommes dont le génie militaire et les talents d'administrateurs ont imprimé à ces contrées lointaines la marque de nos armes et de nos lois. GALLIENI, LYAUTEY, les maréchaux LECLERC et de LATTRE de TASSIGNY, et bien d'autres ont porté le même flambeau.
- Elle est aussi l'oeuvre de nos soldats et de nos marins, ceux de la conquête comme ceux du corps expéditionnaire : aux côtés de leurs frères indochinois, ils ont donné, dans la paix comme dans la guerre, le meilleur de leur courage et de leur foi.
- Lorsque les temps se seront apaisés, l'histoire pourra juger l'oeuvre de ceux qui ont accompli en Indochine une grande tâche, et mesurer la contribution que la France a apporté au progrès des peuples de cette autre moitié du monde.\
En ce jour de souvenir, je ne retiens que la souffrance et la gloire.
- La souffrance des unités engagées dans l'âpreté des combats : ceux de la rizière comme ceux des postes isolés, ceux de l'occupation japonaise comme ceux de Lang-Son, de Cao-Bang et de Dien Bien Phu.
- La souffrance des peuples, déchirés dans leur fidélité, ballotés par le destin des armes, qui ont encore tant de peine à trouver la paix.
- Mais la gloire aussi :
- Celle de chacune et de chacun de ceux qui ont vécu en Indochine une aventure noble, généreuse et volontaire£
- celle pour la France d'avoir marqué le destin de ce continent et d'avoir aimé ses peuples.
- Dans les grandes secousses qui ont ébranlé l'Asie dans ce monde lointain où se cherche douloureusement la paix, la voix de la France demeure respectée et entendue. Sa pensée, sa langue, son rayonnement survivent aux tourmentes. Son message se fonde désormais sur le dialogue entre les nations dans le respect de leur indépendance et de leur souveraineté.
- Mais les liens du passé subsistent dans le présent : terre de liberté, la France accueille aujourd'hui comme des frères ceux que d'autres combats éloignent de leur patrie `régugiés`.\
Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, soldats, marins et aviateurs, nul ne saura qui repose dans la tombe de l'inconnu `soldat` d'Indochine. Son nom et son origine se sont perdus.
- Qui es-tu ? Dans quel village, dans quelle ville as-tu appris l'histoire de notre pays ? Quel est le paysage de la lointaine Indochine que tu as regardé pour la dernière fois et qui était la dernière image que tes yeux pouvaient recevoir ? Dans cet instant d'extrême lucidité, quel souvenir est venu à ta rencontre, quel message as-tu voulu exprimer, quels mots aurais-tu voulu pouvoir dire à tes proches ? Connaissais-tu les Invalides ? Y étais-tu venu comme un enfant émerveillé avant qu'aujourd'hui la France t'y reçoive ?
- Seul subsistera pour vous, pour vos anciens `combattants`, et pour les générations futures, le symbole de ce qui fut et de ce qui demeure une grande aventure pour la France.\