16 mai 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing au dîner offert en l'honneur de M. José Lopez Portillo, Président du Mexique, à l'occasion de sa visite officielle en France, Paris, Palais de l'Élysée, le vendredi 16 mai 1980

`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- Monsieur le président,
- madame,
- Vous êtes depuis ce matin seulement sur la terre de France et nos conversations viennent de commencer. Mais j'ai le sentiment de poursuivre un dialogue qui, depuis quinze mois, depuis Mexico jusqu'à Paris, ne se serait par interrompu. Il est naturel que nous continuions à affirmer ensemble les convergences franco - mexicaines. Les tensions que connait le monde en rendent plus évidente la nécessité.
- La coopération entre la France et le Mexique répond à une approche semblable des relations entre les Etats et les hommes. J'en rappelle les principes. Elles se fondent sur le respect de la diversité et le refus des hégémonies. Nous entendons préserver la liberté de nos peuples et notre indépendance, et nous cherchons à établir, dans les rapports internationaux un ordre plus juste, répondant aux aspirations universelles, à la dignité, à la paix et au bien-être.
- Tel est l'objet que nous avons fixé à notre dialogue. La France se réjouit de trouver, dans le Mexique, un interlocuteur important qui tient, sur la scéne internationale, une place désormais reconnue.\
`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- L'attachement que votre pays porte aux principes d'indépendance, de respect d'autrui et de liberté, le rôle éminent qu'il joue au-sein de l'Organisation des Nations-unies `ONU` et, en ce moment même, au conseil_de_sécurité, la ténacité dont il témoigne dans les discussions sur le désarmement, le niveau de son développement industriel, la richesse de son sous-sol, la sagesse avec laquelle celle-ci est gérée, la variété et la permanence de ses traditions culturelles, l'amour ardent que les Mexicains portent à leur patrie, font que lorsque le Mexique parle et qu'il parle par votre voix, il est assuré de se faire entendre.
- Il l'est d'autant mieux que, par cette tendance à l'universalité, qu'exaltait Justo SIERRA, cet illustre éducateur surnommé à juste -titre le "Maître de l'Amérique", il se prononce avec imagination sur des problèmes qui préoccupent l'ensemble de la communauté internationale.
- Le Mexique agit avec la conviction selon laquelle pour écarter les menaces qui pèsent sur le monde actuel il faut instaurer un nouveau type de relations internationales, fondé sur l'égale dignité des nations, le respect de leurs droits et de leurs aspirations, la reconnaissance de leur diversité et l'échange de leurs expériences et de leurs cultures.
- Producteur important `pétrole` d'une des ressources actuellement les plus recherchées, vous vous êtes interrogé sur le problème fondamental de l'énergie avec le sentiment d'assumer une responsabilité à l'égard de la communauté internationale tout entière £ et vous avez tenté d'introduire, suivant en cela, monsieur le président, un philosophe `HEGEL` qui vous est cher, un peu de rationnel dans le réel.
- En même temps, vous avez affirmé votre volonté de porter une attention particulière aux problèmes des pays en développement.
- La France a été, vous le savez, l'une des premières à apporter son appui à vos initiatives £ je renouvelle cet appui aujourd'hui.\
`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- Ouvert aux préoccupations du monde, vous entendez maintenir une voie qui vous soit propre. Toute la tradition du Mexique est celle d'un rejet de l'inféodation. Ses liens sont ceux de la solidarité et de la complémentarité.
- Cette attitude constante tient à son expérience et à son caractère : le Mexique a façonné sa conscience nationale à-partir de contrastes et de rencontres. Vous avez exprimé dans vos écrits, monsieur le président, car vous êtes un de ces présidents qui écrivent, cette caractéristique de votre pays de telle sorte que votre oeuvre pourrait être illustrée par ces vers de l'un de vos plus grands poètes :
- "Qué magicas infusiones
- de los Indios herbolarios
- de mi patria, entre mis letras
- el hechizo derramaron ?"
- c'est-à-dire :
- "Par quelles potions magiques
- les Indiens de ma patrie
- ont-ils jeté leur sortilège
- dans les mots de mes écrits ?"\
`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- J'ai tenu à souligner ces aspects de l'identité mexicaine car je retrouve en eux des traits essentiels de la nôtre : une sensibilité au monde contemporain tel qu'il est, avec ses forces, avec ses faiblesses, avec ses doutes, associée à un attachement profond aux valeurs originales venues de notre histoire et de notre culture. Nous sommes donc bien placés pour nous comprendre, et pour développer nos relations, sur une base de confiance et de respect.
- Notre dialogue en est le premier témoignage. Nous recherchons ensemble les solutions aux grands problèmes de notre temps. Nous échangeons nos vues sur les situations pour lesquelles nos pays disposent d'une expérience particulière £ je pense à la situation en Amérique Centrale, ou dans la région des Caraibes où la France est présente par ses départements d'Amérique `Antilles`.
- Le deuxième -plan sur lequel nos relations doivent se développer est celui des rapports humains, c'est-à-dire la connaissance de nos peuples dans leurs réalisations actuelles. Quelles que soient les relations anciennes, ce sont les dimensions contemporaines de nos deux pays qui doivent être mieux connues. Je me réjouis du développement de nos échanges culturels marqués, par la présence dans nos universités, de près d'un millier d'étudiants mexicains.
- Quant à nos relations économiques, leur évolution récente particulièrement rapide à la suite des accords que nous avons conclus ensemble l'an dernier, confirme les vastes possibilités qui s'offrent à nous. L'augmentation des investissements réalisés en_commun, et des transferts de technologie souligne que nos deux pays peuvent être désormais davantage de véritables associés que de simples partenaires commerciaux.\
`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- Je voudrais enfin vous dire, monsieur le président, combien je me réjouis de vous retrouver. Sous votre impulsion, le Mexique s'affirme comme l'un des pôles de ce monde multipolaire, dont la réalisation apportera davantage d'équilibre et de stabilité dans les relations internationales. Dans la conduite de ce pays moderne, dynamique, à la population jeune et ardente, vous apportez une vision humaniste et généreuse qui est celle de l'auteur de "Quetzalcoatl" comme de l'homme_d_Etat, qui a pris la mesure des problèmes de son siècle. Vous prenez des initiatives. Vous proposez des solutions. Chaque fois, vous êtes assuré de trouver ici intérêt, compréhension, et soutien./ Je salue aussi en vous l'ami. Notre amitié est née alors que nous assumions la responsabilité économique et financière de nos deux Etats. Dans les réunions internationales où nous nous retrouvions, j'appréciais votre grande compétence et, plus encore, votre hauteur de vues. Vous appartenez, monsieur le président, à la catégorie trop rare de ceux qui cherchent à inscrire leur action dans une vision rationnelle et globale. Je me réjouis que nos fonctions actuelles nous permettent de cultiver cette amitié, et d'en faire en quelque sorte présent aux relations entre le Mexique et la France.\
`Politique étrangère ` relations franco - mexicaines`
- Je suis heureux, monsieur le président de la République, d'accueillir ce soir les hautes personnalités françaises qui sont venues partager avec nous ce repas et apporter ainsi leur soutien à la cause si importante au développement des relations entre le Mexique et la France dans le monde contemporain.
- Ce sont tous ceux qui sont venus ce soir que j'invite maintenant à lever leur verre en l'honneur de M. le président des Etats-Unis du Mexique, à son bonheur personnel, au succès de son action,
- en l'honneur de Madame Carmen Romano LOPEZ PORTILLO que nous avons grand plaisir à retrouver, et dont je souhaite qu'elle contribue à enrichir de son talent nos relations culturelles,
- aux membres éminents de votre délégation,
- et enfin, et surtout, à l'amitié entre nos deux peuples, qui donneront ainsi un exemple de ce que pourrait devenir le monde, si la compréhension, le respect et la -recherche du bien commun, y devenaient la règle universelle.\