18 avril 2012 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Macky Sall, Président de la République du Sénégal, sur les relations franco-sénégalaises notamment en matière de défense, à Paris le 18 avril 2012.


LE PRESIDENT- Mesdames et Messieurs, je voudrais dire combien nous sommes heureux de recevoir le président du Sénégal, le président Macky SALL, et l'importante délégation qu'il conduit. Nous avons eu un déjeuner de travail, j'étais accompagné et entouré, d'Alain Juppé, le ministre d'Etat, de François BAROIN, le ministre des finances et d'Henri de RAINCOURT, que je remercie.
J'ai dit au président Macky SALL combien nous avions été heureux pour le Sénégal en particulier, et pour l'Afrique en général, du déroulement parfaitement démocratique des dernières élections présidentielles. Je lui ai dit d'ailleurs combien nous avions été sensibles à l'attitude digne du président WADE et combien nous avions souligné l'esprit de rassemblement du président Macky SALL.
Il y avait, pourquoi le cacher, des inquiétudes sur cette transition démocratique au Sénégal. La France, et j'en remercie Alain JUPPE, ne s'est ingérée à aucun moment et d'aucune façon dans le déroulement de ces élections présidentielles.
C'est normal, c'est ainsi et c'est la politique que nous avons voulue même si je connais depuis de nombreuses années le président Macky SALL, que j'ai connu comme ministre de l'Intérieur, comme premier ministre, comme président de l'assemblée nationale -- qui fut une période pour lui à la fois épanouissante et dangereuse, en tout cas, où il a dû prendre ses responsabilités et c'est un homme pour qui j'ai beaucoup d'admiration et en qui j'ai grande confiance.
Nous lui avons indiqué que la France se tiendrait aux côtés du Sénégal, qu'un prêt d'aide budgétaire de 130 millions d'euros sur 2012 serait versé avec une première tranche dès le début du mois de juillet, la fin du mois de juin, de 50 millions d'euros.
Grâce au président Macky SALL, nous avons signé un nouvel accord de défense dans la transparence, cet accord sera publié comme nous l'avions décidé et notre volonté de travailler main dans la main avec nos amis sénégalais est totale.
Voilà une troisième transition en Afrique -- je veux dire dans l'Afrique francophone -- après la succession démocratique qui a vu l'élection du président Ali BONGO au Gabon, après l'accession du président élu Alassane OUATTARA en Côte d'Ivoire, où ça été plus compliqué cher Macky, mais il a fallu prendre ses responsabilités après dix ans sans élections £ une nouvelle transition démocratique au Sénégal, c'est une victoire pour l'Afrique et cela montre, et je terminerai par-là, qu'il faut espérer en l'Afrique, espérer en l'Afrique démocratique, avec un homme comme Macky SALL et espérer dans l'avenir économique de l'Afrique et dans sa capacité à avoir une croissance supérieure à ce qu'elle est dans nombre de nos pays, y compris européens. Cher Macky c'est donc en ami que tu as été reçu ici.
M. MACKY SALL - Merci Nicolas, merci Monsieur le président de la République,
Monsieur le président, c'est avec honneur et plaisir que j'ai conduit une importante délégation sénégalaise auprès de vous pour signer ces deux accords importants. Cet accord de défense qui permettra de définir les nouvelles relations en matière de coopération militaire entre la France et le Sénégal, dans un contexte de démocratisation, de transparence, où nous avons convenu ensemble de coopérer et je voudrais vous remercier pour surtout l'amitié que vous me faites, la façon dont vous m'avez reçu en ami et en ami du Sénégal, merci pour cela.
Je suis venu accompagné du ministre des Affaires étrangères, du ministre des Forces armées, du ministre de l'Économie et des Finances et du Général, Chef d'Etat-Major Général des Armées, de mon conseiller diplomatique.
Monsieur le Président, je voudrais surtout remercier la France parce que nous avions connu quelques turbulences mais heureusement cela s'est limité au stade de turbulences. Un peu comme le vol aérien parfois il y a des zones de turbulences mais cela ne perturbe pas fondamentalement la trajectoire. Et le Sénégal a une vieille tradition démocratique. Le Sénégal a aussi un peuple qui sait trouver les mécanismes internes pour gérer ses contraintes et ses contradictions.
Heureusement donc, ce peuple dans sa maturité a su donner une orientation nouvelle, claire et nette. Le Sénégal est un pays démocratique et il le restera.
Je veillerai personnellement à ce que ce modèle de démocratie soit irréprochable. C'est la raison pour laquelle dès l'entame de mon mandat j'ai décidé de renoncer à deux années de mandat pour passer du septennat vers un quinquennat. Et je ferai inscrire dans la nouvelle constitution qui sera en élaboration, et qui va consolider les aspects démocratiques pour que le mandat soit dorénavant de 5 ans renouvelable une seule fois.
La France a aidé avec l'Union Européenne dans la concertation pour avoir un dialogue politique, puisque nous ne parlions pas entre nous. Il a fallu cette intervention pour mettre en place un comité de veille qui a réfléchi avec nous, avec la classe politique sénégalaise sur le fichier électoral, sur la transparence du scrutin et sur la mission d'observation de longue durée. C'est tout cela aussi qui nous a permis d'avoir des élections irréprochables qui ont permis d'élire un président de la République dans des conditions de transparence absolues.
Monsieur le Président, je voudrais vous remercier surtout pour l'aide budgétaire importante : 130 millions d'euros, avec un décaissement immédiat disons d'une cinquantaine de millions. Parce que dans le contexte où j'ai hérité du Sénégal, c'est un gros ballon d'oxygène que vous me donnez et que vous donnez au peuple sénégalais.
Je voudrais vous en remercier au nom du Sénégal et aussi demander également aux partenaires techniques et financiers de notre pays d'aider, en fait, ce modèle démocratique qui doit prospérer sur tout le continent, à pouvoir asseoir une politique de transparence et une politique de développement.
Et nous saurons bien utiliser ces ressources dans la perspective que je vais assigner à mon gouvernement : travailler dans la transparence, mettre l'argent dans les choses utiles au développement économique et social du pays. Et c'est dans cette perspective que nous serons toujours vos partenaires pour des relations assainies entre l'Afrique et la France, mais particulièrement des relations de très, très grande qualité entre la France et le Sénégal.
Et merci aussi en tant qu'ami, Nicolas, pour votre action, et tous mes vux vous accompagnent.
LE PRESIDENT- Merci Macky. Peut-être y aurait-il une question de la presse sénégalaise et une question de la presse française ? Honneur à nos amis sénégalais.
QUESTION - Bonjour Messieurs les présidents. Vous venez de signer deux importantes conventions. Compte tenu des liens de coopérations qui unissent les deux pays, peut-on s'attendre, comme il s'agit d'un nouveau gouvernement qui est en place et d'un nouveau président qui est élu du côté du Sénégal, peut-on s'attendre à des innovations dans le cadre de la coopération entre le Sénégal et la France ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas ce que vous entendez par innovation. Ce que je peux vous dire, c'est que dès vendredi le Ministre des finances français va aider son collègue sénégalais pour négocier avec le FMI un déblocage des crédits dont le Sénégal a besoin, que le Ministre d'Etat et Henri DE RAINCOURT vont aider les autorités sénégalaises vis-à-vis de l'Union européenne pour obtenir le déblocage des fonds.
Le président Macky SALL a dit : une nouvelle relation. Cela veut dire quoi ? Totale transparence, publication des accords de défense, développement économique, développement dans la formation, coopération. Le temps de la colonisation est derrière nous, nous voulons simplement être à notre place, les amis du Sénégal. Nous ne demandons aucun traitement particulier. Nous comprenons qu'un grand pays comme le Sénégal ait d'autres amis. Nous partageons une langue, nous partageons une histoire, nous partageons une culture. Nous voulons vous aider à former vos élites, être à vos côtés. Mais c'est deux grands pays indépendants qui sont amis et qui se parlent.
Nous aiderons l'armée sénégalaise dans sa formation, nous aiderons les forces de sécurité intérieures sénégalaises dans une région du monde extrêmement instable et par ailleurs, nous prendrons des initiatives diplomatiques communes pour que l'Afrique voit sa place dans la gouvernance mondiale respectée et représentée. Tout sera sur la table et je redis mon admiration pour le président Macky SALL. Moi, je ne connais pas beaucoup de présidents dans le monde, et de présidents en Afrique, qui sont élus pour sept ans et qui disent à la population que la première conclusion qu'ils en tirent, c'est que ce ne sera pas sept ans, ce sera cinq. Franchement, c'est la grandeur du président Macky SALL, son courage, de faire cela. Je pense effectivement que le quinquennat correspond mieux aux démocraties et j'approuve son idée de limiter à deux le nombre de mandats, c'est moi-même ce que j'ai voulu en France. Ce qui montre bien l'évolution du Sénégal et l'évolution de la France. C'est une très bonne nouvelle pour le Sénégal et une excellente nouvelle pour l'Afrique. L'Afrique n'est pas désespérée de la démocratie, des institutions. L'Afrique a une classe politique de très grande qualité, extrêmement expérimentée. Ils sont passés par de grandes épreuves et c'est avec cette classe politique que nous voulons travailler sur un pied de stricte égalité.
QUESTION -- Deux questions sur la situation en Afrique de l'Ouest : sur le Mali, comment évaluez-vous la menace sécuritaire internationale suite aux évènements au Mali et craignez-vous un Etat un petit peu comme l'Afghanistan et la Somalie ? Deuxièmement, sur la Guinée Bissau, est-ce que vous avez confiance que la junte va retourner le pays dans une transition politique civile ?
M. MACKY SALL -- Sur l'Afrique de l'Ouest : oui nous avons en ce moment beaucoup de difficultés d'ailleurs autour du Sénégal puisque vous voyez bien à l'Est c'est la situation au Mali, un peu au Sud, la situation en Guinée Bissau, qui font un peu l'actualité.
La situation du Mali est assez complexe puisqu'elle lie à la fois une crise politique interne, un coup d'Etat qui vient s'ajouter à cette crise et une situation de rébellion au Nord avec le MNLA mais également avec l'incrustation d'éléments de l'AQMI ainsi que d'autres éléments touaregs qui sont dans cette zone de l'Azawad.
Aujourd'hui, le Mali est en partition, un pays divisé en deux. Il y a un coup d'Etat. Heureusement que les efforts diplomatiques de la CEDEAO, appuyés par nos amis de l'Union européenne, la France, ont permis de revenir un peu à une vie constitutionnelle normale. C'est-à-dire un président de transition a été désigné, il vient hier de nommer un premier ministre qui doit former le gouvernement. Malheureusement hier soir, il y a eu encore des développements avec l'arrestation de certains dignitaires, l'ancien premier ministre, Modibo SIDIBE, le président Soumaïla CISSE et d'autres qui ont été arrêtés et dont nous souhaitons la libération immédiate.
Il y a également que le président Amadou Toumani TOURE, se trouve en ce moment à la résidence de l'ambassade du Sénégal à Bamako. C'est une situation assez trouble mais nous essayons, avec le président de la CEDAO, le président OUATTARA, avec le médiateur la président Blaise COMPAORE et les autres collègues africains de trouver une issue rapide et pacifique.
D'abord sur le plan intérieur, pour que la normalité constitutionnelle revienne et après que l'on s'occupe de la partition du Mali puisque aujourd'hui on a un pays divisé en 2. Là aussi je pense qu'il faut qu'on trouve le mécanisme pour que le Mali soit un et indivisible. Comment y arriver ? C'est toute la question qui est posée. Faut-il une action militaire ou une discussion, une négociation avec les Touaregs ? Je pense qu'il faudrait plutôt privilégier cela. Mais ne pas négliger aujourd'hui l'arrivée d'Al-Qaïda jusque dans cette zone de l'Azawad en Mauritanie, aux portes du Sénégal.
Le péril terroriste est une réalité qui touche tous les pays de l'Afrique de l'ouest et aujourd'hui le Sénégal est devenu un pays de la ligne de front. D'où la nécessité, et je l'ai dit au président SARKOZY, de nous renforcer et de renforcer notre coopération en matière d'échange d'informations sur ces questions de sécurité qui menacent la stabilité même de l'Afrique de l'ouest.
Pour la Guinée Bissau, c'est un pays qui malheureusement a plongé encore dans la violence et les coups d'Etat, mais c'est un pays qui doit mériter le soutien de la communauté internationale. Les périls qui y sont, sont nombreux et, nous, ayant une frontière sud avec la Guinée Bissau, bien sûr nous sommes disposés à appuyer fortement toutes les initiatives de la CEDAO et à nous rendre disponibles pour toute recherche de solution afin de revenir à la normalité constitutionnelle également dans ce pays et donc de poursuivre le processus démocratique.
LE PRESIDENT -- L'analyse de la France est très proche de celle du Sénégal.
En Guinée Bissau, le président SANIA est décédé en France au mois de janvier. Il y avait un processus électoral, nous condamnons le coup d'État sans aucune espèce d'ambiguïté.
S'agissant du Mali, nous sommes inquiets des derniers événements. Je rappelle que le président ATT (Amadou Toumani Touré) a démissionné, comme on lui demandait. Franchement, sans m'immiscer dans les affaires maliennes, on se demande un peu ce qu'il se passe, alors même qu'il y avait une campagne électorale qui était engagée, que le président ATT n'était pas candidat lui-même £ qu'on se demande vraiment quelle urgence y avait-il à un coup d'État et que partant, les problèmes qui sont ceux de l'État malien remontent à bien longtemps. Le Mali est un pays ami de la France, nous voulons les aider.
Nous les aiderons, mais à partir du moment où l'ordre constitutionnel sera respecté et si les États de la région -- je pense à la Mauritanie, je pense au Niger, je pense bien sûr au Mali une fois la situation stabilisée, ou même au Sénégal -- ont besoin du soutien logistique de la France dans la lutte contre le terrorisme, la France est disponible pour les aider tout en respectant l'indépendance de ces États.
Par ailleurs nous sommes attachés à l'unité du Mali. Parce que si on commence à envoyer comme signal que le Mali peut être divisé, dans la région, j'appelle à la très grande prudence.
On pourrait parler longtemps des questions des frontières, des questions des ethnies et de l'héritage, malheureux d'ailleurs, de la colonisation -- sur ce point-là précis. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des discussions à avoir avec les Touaregs. En tout cas, c'est un sujet de préoccupation que l'activité terroriste dans cette région du monde.
Merci Mesdames et Messieurs,
Merci Monsieur le Président.