25 août 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur les relations franco-chinoises dans le cadre du G20, à Pékin le 25 août 2011.

Mesdames et Messieurs, Bonsoir,
Avec François BAROIN, le ministre des Finances, et Xavier MUSCA, dans son rôle de sherpa -- et pas simplement de Secrétaire général de l'Élysée --, nous avons eu une longue réunion de travail avec le Président HU, le vice-Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, le gouverneur de la Banque centrale. L'objet principal de cette réunion de travail était la préparation du G20 au mois de novembre à Cannes.
Nous avons pu constater une grande identité de vue avec la partie chinoise quant à l'appréciation que nous faisons de la situation économique internationale et la nécessité qu'il y aura à coordonner les politiques économiques des membres du G20, pour prendre des initiatives afin de renforcer la croissance dans le monde de façon qui soit appropriée à la situation de chacune des économies concernées. Il va de soi que dans le cadre de cette initiative, la Chine a un rôle de premier plan à jouer en tant que deuxième économie du monde, en tant que pays le plus peuplé du monde, en tant que puissance monétaire depuis l'émergence du yuan.
Nous avons voulu entendre la partie chinoise sur les demandes qui étaient les siennes à propos de la relance de l'économie mondiale et nous avons voulu l'interroger sur un certain nombre de sujets qui seront au cur de l'actualité de ces prochaines semaines, de ces prochains mois et peut-être même de ces prochaines années. Je veux évoquer les têtes de chapitre de la poursuite de l'effort chinois en faveur de l'augmentation de la demande intérieure. Chacun connaît les chiffres. Dans le PIB chinois la demande intérieure pèse pour 30%, dans le PIB des pays de la zone euro la demande intérieure pèse pour 60% et dans le PIB, si je me souviens bien, des Etats-Unis, la demande intérieure pèse pour 70%. Nos amis chinois, de façon continue, notamment depuis le début de la crise, ont veillé à soutenir leurs demandes et le Président nous a indiqué, à François BAROIN et à moi-même, que depuis le début de la crise on peut estimer entre 16 et 17% la progression de la demande intérieure de la Chine.
Deuxième sujet extrêmement important : c'est tout ce qui concerne la réforme du système monétaire international. Vous savez que c'est un sujet considérable auquel la présidence française attache beaucoup d'importance.
J'étais venu il y a quelques mois à NANKIN pour ouvrir, en présence d'ailleurs du vice-Premier ministre chinois, le séminaire. On a beaucoup progressé depuis. Je veux dire que les positions se sont rapprochées et naturellement l'un des objectifs que nous poursuivons, parce que nous croyons que c'est incontournable, c'est la question du caractère convertible du yuan. Nous avons une grande identité de vue avec nos amis chinois sur le sujet, puisque eux aussi sont favorables, à terme, à cette convertibilité qui permettrait de donner au yuan toute l'importance qu'il a sur la scène monétaire internationale et donc nous souhaitons progresser sur la définition d'un sentier qui permettrait à terme, selon un processus approprié, sans précipitation, de voir cette intégration du yuan dans les DTS qui permettrait de créer une véritable monnaie de réserve dans le monde et de donner une dimension internationale méritée au yuan.
Nous avons également évoqué les moyens d'élargir les possibilités du FMI en soutien aux pays qui auraient des problèmes de capitaux. Voilà, c'était un ordre du jour chargé qui ne donne pas lieu à une conférence de presse commune puisque c'est une réunion de travail. François BAROIN va rester une journée de plus pour continuer les discussions avec le vice-Premier ministre en charge de ces questions. Xavier MUSCA lui-même est arrivé avant moi pour discuter avec son homologue sherpa de ces questions et tout ceci devrait converger au mois de novembre pour que nous puissions annoncer un certain nombre de mesures, et j'ai insisté sur l'aspect concret de ces mesures.
La Chine est un partenaire incontournable, un interlocuteur en qui nous avons confiance. Il était donc naturel de lui réserver un traitement particulier en venant quelques semaines avant le G20 s'entretenir avec les plus hauts dirigeants chinois pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de malentendu et pour que l'on puisse avancer dans la bonne direction.
J'aurai le même type de discussion avec le Président OBAMA le 22 septembre de façon à parfaire encore la préparation du G20, de même que j'aurai un certain nombre d'entretiens avec la présidente brésilienne, le Premier ministre indien et les pays dont nous aurons besoin du soutien pour que le G20 soit conclusif.
Voilà brièvement résumé ce qui a occupé ces deux heures et demie de conversation.
S'il y avait une ou deux questions, j'essaierai d'y répondre avec la liberté relative que me permet mon statut de Président du G20.
QUESTION -- A propos de la Libye ?
LE PRESIDENT -- A propos de la Libye, nous avons eu l'occasion de nous en entretenir. Vous savez que la position chinoise avait été, on peut le dire, un peu réservée sur la question de l'intervention même s'ils s'étaient abstenus lors de la résolution du conseil sécurité, ce à quoi la France avait été extrêmement sensible -- parce que si les Chinois avaient voulu bloquer le processus, ils auraient pu le faire. Nous leur avons expliqué très exactement les contours de la situation et nous leur avons proposé d'être invités à la Conférence de Paris qui préparera la Libye libre, la Libye de demain, car nous pensons que, une fois la parenthèse de l'intervention militaire sous contrôle des Nations Unies et de sa résolution terminée, il faut absolument reconstituer une vision unanime de la communauté internationale et, naturellement, la Chine garde toute sa place et le Président HU m'a indiqué qu'il analyserait cette invitation avec bienveillance et Jean-David LEVITTE a, avec les collaborateurs du Président HU, détaillé les contours de cette conférence.
QUESTION -- Est-ce qu'au cours de la conversation, vous avez pu évaluer le degré d'inquiétude des dirigeants chinois par rapport à une crise de la dette en Europe ? Est-ce que vous avez eu à les rassurer, par exemple, en présentant un plan de rigueur à la française ? Est-ce que vous leur avez demandé d'acheter davantage d'obligations souveraines européennes ?
LE PRESIDENT -- Il y a au moins quatre questions dans votre question. D'abord, l'inquiétude du Président HU et des dirigeants chinois : elle est de la même nature que l'inquiétude de l'ensemble des dirigeants qui regardent la situation. Il n'y a pas lieu d'être ni plus, ni moins inquiet. Il y a suffisamment de raisons d'être préoccupé pour échanger de façon sereine.
Deuxièmement, le Président HU n'est pas inquiet de la situation en zone euro. Vous qui connaissez très bien la Chine, vous savez que des déclarations extrêmement définitives ont été faites par le Président HU lui-même sur la confiance qu'il avait dans la zone euro, et dans l'euro, et j'ai indiqué la détermination totale et irréversible de la Chancelière MERKEL et de la France de défendre l'euro et considérer que l'existence de l'euro n'est pas négociable. J'ai indiqué au Président HU que l'Allemagne, comme la France, c'était un engagement sans détour pour la défense de l'euro. Le Président HU nous a indiqué la confiance qu'il avait dans l'euro, d'ailleurs il est bien placé pour avoir confiance dans l'euro puisque comme vous le savez, l'euro par rapport au yuan, s'est assez fortement réévalué. Je ne vois pas comment on pourrait être inquiet dans le rapport yuan/euro à l'endroit d'une monnaie qui s'est réévaluée. Car si le yuan a réduit son écart avec le dollar, il a augmenté avec l'euro, si mon souvenir et ma connaissance sont exacts. Je n'ai pas eu à demander au Président HU d'investir en euros, puisqu'au niveau où se trouve l'euro ils n'ont pas besoin de moi pour savoir que pour eux c'est un bon choix.
LE PRESIDENT -- Par le Président HU ? Par moi ? Non, je me contente des mots : gestion rigoureuse. La rigueur cela a une signification qui est la diminution des pensions de retraite, la diminution des allocations, la diminution des minimums sociaux. Aucune de ces décisions n'a été prise par le gouvernement français, c'est simplement une question de gestion rigoureuse, la maîtrise de nos dépenses, la réduction de nos dépenses, la soutenabilité de notre dette, être présents aux rendez-vous qui sont les nôtres en terme de réduction des déficits, tout en soutenant la croissance. Ce mot n'a été cité ni à Pékin, ni à Paris en tous cas par les acteurs.
QUESTION -- Juste pour suivre sur la Libye, on n'a pas parlé de la Syrie. Est-ce que vous en avez parlé vous-même ? Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a une inflexion de la part des Chinois ?
LE PRESIDENT -- Oui, oui, nous avons évoqué la très grande préoccupation de la situation en Syrie et le partenaire chinois -- dont chacun connaît les positions traditionnelles de non-ingérence -- m'a fait l'effet, malgré tout, d'une réelle préoccupation à l'endroit d'une évolution que nous avons de notre côté condamnée de façon tout à fait clair. Le Président Bachar AL-ASSAD avait pris des engagements de réforme et d'ouverture qui n'ont pas été tenus et pour la stabilité de la région -- et vous savez que le mot stabilité c'est important ici en Chine --, de voir un régime qui répond aux préoccupations de sa population en envoyant l'armée, cela ne peut être qu'une préoccupation, c'est incontestable.
Merci à tous.