4 novembre 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-chinoises, à Paris le 4 novembre 2010.

Monsieur le Président,
Madame,
Votre visite d'État en France s'inscrit dans la grande tradition des événements franco-chinois qui ont parfois infléchi le cours de l'Histoire. A l'endroit même où nous nous trouvons ce soir, voici bientôt cinquante ans, résonnaient les mots du Général de Gaulle sur votre pays dont l'écho n'a jamais faibli : « la Chine, un État plus ancien que l'Histoire » ! ...Et il soulignait la force du lien entre nos deux nations « compte tenu du fait qu'elles se portent, dans leurs profondeurs, sympathie et considération réciproques ».
C'est ici en effet qu'en janvier 1964, le Général de Gaulle a annoncé que la France et la Chine de Mao Tse Toung s'étaient entendues pour établir des relations diplomatiques. Décision pionnière, qui a entraîné derrière elle la reconnaissance de la République Populaire par l'ensemble des nations du monde.
En faisant aujourd'hui l'honneur à la France de votre présence et de celle de votre épouse, vous lui apportez un nouveau témoignage de l'amitié qui unissent nos deux peuples.
Il y a quelques jours seulement, l'Exposition Universelle de Shanghaï a fermé ses portes sur une splendeur dont mon épouse et moi-même avons été les témoins au printemps dernier. Et les chiffres sont là : 73 millions de visiteurs en six mois ! Convaincu que cette Exposition serait, comme les Jeux Olympiques de Pékin, une immense réussite. La France a voulu apporter le meilleur de son savoir-faire, de ses techniques et de son patrimoine. Je suis heureux que le pavillon français ait tenu son rang en accueillant plus dix millions de visiteurs, ce qui le place devant tous les Pavillons étrangers. J'y vois un témoignage supplémentaire de l'attraction mutuelle qui existe entre les Chinois et les Français.
Monsieur le Président,
Depuis toujours, la relation de la Chine et de la France est une histoire de passion autant que de raison. La grandeur de la civilisation chinoise, la richesse de son histoire, l'apport unique de sa culture sont des sources inépuisables de fascination pour le peuple français. Votre pays est aujourd'hui porté par un développement absolument fulgurant, sans doute le plus rapide et le plus massif de l'histoire de l'Homme.
En trente ans de réformes, la Chine s'est hissée au premier rang des nations du monde. En trente ans de réformes, la Chine a retrouvé toute sa place. Le monde attend de la Chine, avec confiance qu'elle assume toutes les responsabilités qui accompagnent sa puissance retrouvée.
Tout cela fait que les Français veulent toujours mieux connaître la Chine, et toujours mieux la comprendre. Votre visite y contribue. Elle s'inscrit en point d'orgue d'une année 2010 marquée par une densité exceptionnelle d'échanges et de contacts entre nos deux pays
Depuis un demi-siècle, la France et la Chine ont montré, qu'il était possible pour deux grandes nations aussi différentes de servir ensemble les intérêts du monde en même temps que les leurs. Les réussites de notre partenariat global stratégique, des années croisées culturelles, des échanges de jeunes, ont ouvert la voie et s'imposent aujourd'hui comme autant de modèles pour le monde entier.
C'est en nous appuyant sur ces fondements solides que nous devons aujourd'hui, Monsieur le Président, aller plus loin. Nous devons faire face ensemble aux défis d'un monde en pleine transformation, nous devons réaffirmer la force de notre partenariat, lui imprimer un nouvel élan, et surtout lui tracer de nouvelles perspectives, celles du XXIème siècle.
C'est l'objet même de votre visite d'État. Après l'entretien que nous venons d'avoir, les échanges approfondis que nous aurons demain à Nice nous allons progresser, dans un climat d'amitié et dans un climat de compréhension.
Nous sommes déterminés, vous et nous, à contribuer à la solution des grands problèmes du monde d'aujourd'hui. Ces problèmes ne trouveront pas de solution sans la contribution de la Chine. La paix et la sécurité du monde. Pour l'établir, le monde a besoin de la Chine. La lutte contre la prolifération, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la piraterie : nous avons besoin de la Chine. La solution des crises régionales, en Iran, en Corée du Nord, en Afghanistan, en Birmanie : nous avons besoin de la Chine. Nous voulons aussi, Monsieur le Président, les moyens d'assurer une croissance durable et équilibrée de l'économie. Nous devons ensemble porter le même message de régulation de la finance mondiale. Et nous avons besoin de la Chine pour lutter contre le changement climatique. Tout ceci est au coeur d'un dialogue franco-chinois qui n'a aucune limite, aucune frontière, aucun sujet tabou. Nous nous parlons de tous les sujets ensemble, en confiance, sans vouloir se donner des leçons, pour essayer de mieux comprendre les choses et de mieux progresser ensemble, dans un esprit constant de respect mutuel. C'est l'essence même de notre relation.
La France et la Chine sont deux des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, deux des cinq plus grandes économies du monde. Nous avons en commun des responsabilités qui sortent de l'ordinaire. C'est pour cette raison, et sachant pouvoir compter sur votre précieux soutien, que la France souhaite associer étroitement la Chine aux travaux de la présidence française du G20 qui s'ouvre dans quelques jours. Monsieur le Président, je sais pouvoir compter sur l'appui de la Chine pour faire progresser trois grands chantiers essentiels à la bonne marche du monde : la réforme du système monétaire international, au moment où la Chine est devenue une grande puissance monétaire internationale £ la question de la volatilité des prix des matières premières £ et la question de la réforme de la gouvernance mondiale, au moment où la Chine affirme son engagement dans le multilatéralisme et a refusé à juste titre l'unilatéralisme.
Pour notre partenariat bilatéral, nous devons aussi nourrir de grandes ambitions. Je pense à notre coopération dans le domaine nucléaire, lancée il y a 30 ans, et dont le très grand succès doit nous conduire à lui fixer de nouveaux objectifs exemplaires : nous avons décidé de travailler sans limite à une collaboration stratégique dans le domaine du nucléaire qui ira beaucoup plus loin et sur l'ensemble du cycle nucléaire, des mines d'uranium au retraitement et au recyclage du combustible, en passant par la construction de nouveaux réacteurs en commun, y compris en travaillant ensemble sur la question des marchés tiers £ et pourquoi la France et la Chine ne décideraient-elles pas ensemble d'exporter ensemble sur des marchés tiers ?
Dans l'aéronautique également, aucune autre industrie, d'aucun autre pays, n'est allée aussi loin que l'industrie française et européenne dans le développement de liens de coopération avec l'industrie chinoise. Nous construisons ensemble des Airbus A320 à Tianjin et les industriels français participent à la mise au point de l'avion chinois, le C919. Ce que nous voulons, Monsieur le Président, c'est un partenariat où nos deux nations gagneront.
Vous avez besoin de créer pour vos jeunes chaque année 7 millions d'emplois, simplement pour les jeunes diplômés. Nous avons besoin, en France, d'offrir des emplois à notre jeunesse. Est-ce que c'est incompatible ? Je ne le pense pas. Si nous nous comprenons, si nous nous additionnons, alors nous créerons des emplois en France et en Chine.
Vous avez besoin de technologies de pointe et nos entreprises doivent pouvoir conserver les moyens d'investir dans la recherche. Est-ce incompatible, je ne le pense pas. Vous m'avez dit vous-même les efforts que vous souhaitez faire pour la protection de la propriété intellectuelle, même si c'est un concept nouveau en Chine, et je vous remercie de cette ouverture.
La vitalité de la relation franco-chinoise ne serait sans doute pas aussi puissante, enfin, si elle ne s'appuyait sur des échanges toujours plus nombreux entre nos deux peuples.
Et je pense à l'immense succès que représentent le fait qu'aujourd'hui 30.000 étudiants chinois vivent dans notre pays ! La première nationalité des étudiants étrangers en France, ce sont les jeunes étudiants chinois. Eh bien, nous souhaitons ensemble développer cette communauté, de même que nous souhaitons aboutir aux 10 000 étudiants français en Chine.
Voilà Monsieur le Président, je me permets de lever mon verre en votre honneur et en celui de votre épouse, en l'honneur du grand peuple chinois, et en l'honneur de l'amitié profonde et indéfectible entre la Chine et la France ! Je vous remercie.