30 mars 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-américaines, le conflit en Afghanistan, la question du nucléaire iranien, la régulation financière et sur les liens entre l'Union européenne et les Etats-Unis, à Washington le 30 mars 2010.

LE PRESIDENT -- Merci, Monsieur le Président, merci pour votre invitation. Je crois que l'on peut dire, en parlant sous le contrôle de Bernard KOUCHNER et de Christine LAGARDE, que rarement dans l'histoire de nos deux pays, la communauté de vues a été aussi identique entre les Etats-Unis d'Amérique et la France. J'en veux pour preuve un exemple, c'est que la France n'assumerait pas la présidence du G20 l'an prochain, si le Président des Etats-Unis d'Amérique n'avait pas soutenu la France pour cette présidence. Il y a les mots, il y a les déclarations et puis il y a les faits. C'est un fait.
Je ne vais pas redire ce qu'a très bien dit le Président OBAMA.
Sur l'Afghanistan, nous soutenons la stratégie du Président OBAMA. Nous ne pouvons pas perdre. Pas pour nous, pour l'Afghanistan et les Afghans, qui ont le droit de vivre libres. Bien sûr que le chemin est difficile. Bien sûr que rien n'est gagné d'avance. Bien sûr que nous avons à déplorer de jeunes soldats qui meurent. Mais ceux qui combattent cette stratégie n'ont pas le courage d'aller jusqu'au bout en expliquant qu'il n'y a pas d'autre stratégie. La défaite serait payée très chère pour la sécurité des Américains, des Français et des Européens. En se battant en Afghanistan, nos soldats se battent pour la sécurité dans le monde.
Sur l'Iran, je suis très satisfait de ce qu'a dit le Président OBAMA. Le temps est venu des décisions. L'Iran ne peut pas continuer sa course folle. Nous ne voulons pas punir l'Iran qui mériterait mieux que ceux qui le conduisent aujourd'hui, et donc, tout notre soutien pour obtenir les sanctions les plus fortes au Conseil de sécurité et prendre les décisions nécessaires. J'ai dit au Président OBAMA, qu'avec Angela MERKEL et Gordon BROWN, nous ferons tous nos efforts pour que l'Europe tout entière s'engage dans le processus de sanction.
Sur le Moyen-Orient, c'est une très bonne nouvelle que les Etats-Unis s'engagent à ce point. Bien sûr que la paix au Moyen-Orient c'est la question des Israéliens et des Palestiniens. Mais l'absence de paix au Moyen-Orient c'est un problème pour nous tous, parce que cela entretient le terrorisme partout dans le monde, et je dois dire ma solidarité avec le Président OBAMA dans la condamnation du processus de colonisation. Tout le monde sait combien je suis engagé au service de la sécurité d'Israël, mais la colonisation n'amène rien à la sécurité d'Israël. Il est venu le moment où il faut prendre des initiatives en faveur de la paix.
Sur la régulation financière, c'est une excellente nouvelle pour le monde que les Etats-Unis se dotent de règles pour que ne recommence pas ce que nous avons connu. Et dans le cadre de la présidence française du G20, Tim GEITHNER et Christine LAGARDE vont travailler main dans la main pour aller plus loin encore dans la régulation du capitalisme mondial et poser notamment la question d'un nouvel ordre monétaire mondial.
Voilà, sur tous ces sujets, il y a une très grande identité de vues. Bien sûr, je veux redire au Président OBAMA combien on a été heureux pour lui et pour les Etats-Unis d'Amérique du succès qu'a représenté le vote de la réforme sur la santé.
Et enfin, puisque le Président a voulu révéler un secret, celui de l'endroit où j'ai été déjeuné à midi, je dois dire que j'ai un bon ami à Washington qui m'avait recommandé cet endroit. Quand je suis arrivé j'ai vu une grande photo du Président OBAMA, mais je crains que quand tu retourneras dans ce restaurant, tu verras à côté une plus petite photo, mais du Président français.
LE PRESIDENT OBAMA --
QUESTION - Je voulais demander au Président SARKOZY : vous avez dit hier à New York que le monde a besoin d'une Amérique ouverte, une Amérique qui écoute. Pourriez-vous nous expliquer en quoi vous considérez que le Président OBAMA est ouvert au monde dans quelle mesure il vous écoute ?
LE PRESIDENT OBAMA --
LE PRESIDENT -- J'ai vu beaucoup de commentaires, et cela m'a amusé, sur les relations que les dirigeants européens et le Président des Etats-Unis nous avions. Cela m'a amusé parce que je me suis dit que quand on se parlait, il devait y avoir du monde qui nous écoutait au téléphone, parce que je voyais raconter des conversations et des discussions qui ne ressemblent en rien à ce qu'on vit avec Barack OBAMA.
Pourquoi est-ce facile pour nous de travailler ? -Je peux parler au nom de Mme MERKEL ou de Gordon BROWN ou d'autres dirigeants-. D'abord, parce que le Président OBAMA quand il dit quelque chose, il tient parole, et cela, c'est extrêmement important. On a une blague entre nous : on n'aime pas les surprises. De ce côté-là, il n'y a pas de surprise. Quand il peut, il délivre. Quand il ne peut pas, il le dit. Il n'y a pas de surprise et on essaie d'être pareils.
Et deuxièmement sur tous les sujets, et Dieu sait qu'on en a eu des difficiles : la régulation à la taxation des bonus, des choses lourdes, Copenhague, moi, je pense que le Président OBAMA a eu le courage d'être en avance sur le peuple américain. On a une discussion constante. C'est même le Président OBAMA qui a voulu qu'on ait une call conférence quasiment tous les mois avec Angela MERKEL et Gordon BROWN. Cela ne veut pas dire qu'on est spontanément d'accord sur tout. Mais nous le savons entre nous, et c'est une nouveauté vue de l'Europe quand on regarde les Etats-Unis, que tout sera mis sur la table et qu'on peut discuter de tout. Ce qui compte, voyez-vous, ce n'est pas d'être d'accord avant d'avoir commencé à discuter, cela c'est suspect. Ce qui compte, c'est se dire que quel que soit le désaccord qu'on peut avoir au départ, on peut le mettre sur la table et puis on peut en discuter. Je vous le dis très simplement et c'est ce que tous les dirigeants européens nous pensons.
J'ai entendu dire aussi que l'Europe, cela intéressait moins les Etats-Unis. Mon Dieu, combien de voyages il faudrait qu'on fasse si cela vous intéressait plus l'Europe ? Donc, franchement, je veux dire simplement là-dessus, non seulement ce n'est pas un problème, mais c'est bien agréable de pouvoir travailler dans ces conditions. Ce que je dirais avec le Président, Christine LAGARDE le pense avec Tim GEITHNER, Bernard KOUCHNER avec Hillary CLINTON. L'échange d'informations entre nous est constant. Je peux même prendre un exemple sur un sujet qui est un « sujet de désaccord », entre guillemets : la Syrie. Vous savez que la France a pris une initiative. Je vais vous dire une chose : pas un moment, le Président OBAMA n'a ignoré ce que l'on faisait, pas un moment. Les échanges d'information sont constants, même quand il y a des sujets plus complexes, y compris dans nos relations avec les Russes. Avant même d'en informer les Russes sur nos partenaires, j'appelle le Président OBAMA. On en discute. Il sait très exactement ce qu'on va faire et pourquoi. Vous comprenez ?
Donc il peut y avoir des désaccords, mais jamais pour de mauvaises raisons, et comme on est très transparent, il y a de la confiance. Je crois pouvoir le dire, il y a beaucoup de confiance. Alors la confiance, cela aide toujours à surmonter des intérêts qui peuvent être divergents. Il défend les intérêts des Etats-Unis d'Amérique loin de la France. Mais la confiance qu'il y a entre nous, c'est une confiance qui existe avec tous les dirigeants européens. Et je ne vous le dis pas pour faire plaisir, je vous le dis parce que c'est la vérité.
J'ai pris deux exemples de deux dossiers qui auraient pu à d'autres époques virer à l'affrontement et qui là sont vraiment, au contraire, vécus d'un côté et de l'autre de l'Atlantique comme une complémentarité. Peut-être que lui, il se dit : « avec la Syrie, peut-être que la voie est la bonne et peut-être qu'un jour on pourra avoir une opportunité ».
Voilà, c'est exactement comme cela qu'on travaille.
QUESTION -- Puisque vous venez d'évoquer les relations entre l'Europe et les Etats-Unis, est-ce que vous n'avez tout de même pas eu une mauvaise surprise sur le contrat des ravitailleurs du Pentagone avec ce changement de version de l'appel d'offres qui défavorise EADS au profit de Boeing ? Est-ce que vous avez évoqué ce sujet avec le Président OBAMA, et si oui, est-ce que vous avez essayé de formuler de nouvelles approches qui permettraient à ce que la compétition soit plus honnête ?
(Une autre question en anglais.)
LE PRESIDENT -- Si je vous disais que je n'en ai pas parlé, cela veut dire que ma précédente réponse n'avait aucun sens. On en a parlé, naturellement. Le Président OBAMA vous dira sa réponse. Mais moi je lui ai dit : « je te fais confiance ». J'ai confiance. Si tu me dis que l'appel d'offres sera clair, sera transparent, sera loyal, alors nous on te dit : « EADS concourra et on a confiance ». Voilà.
LE PRESIDENT OBAMA --