16 octobre 2009 - Seul le prononcé fait foi
Extraits d'un entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans "Le Figaro" du 16 octobre 2009, sur l'immigration clandestine, la politique du gouvernement face à la crise économique, la présence militaire française en Afghanistan, la question du nucléaire iranien et sur la ratification du Traité de Lisbonne.
(...)
Q - La fermeture de la jungle de Calais a été difficile. Que vous inspire l'évolution des questions d'immigration en France ?
R - Eric Besson a eu raison d'être déterminé. Cette situation de non-droit était intolérable. Il nous reste encore une question à traiter, celle des deux ordres de juridiction - administrative et judiciaire - qui ont à se prononcer sur la rétention des étrangers en situation irrégulière. A mes yeux, il n'en faut qu'un. Et s'il faut une réforme de la Constitution pour cela, nous la ferons.
(...)
Q - L'économie montre quelques signes encourageants. Sommes-nous en train de sortir de la crise ?
R - L'année dernière à la même époque, on nous prophétisait la violence dans les banlieues, l'explosion sociale et la paralysie outre-mer. Un an après ? La France doit revoir ses prévisions de croissance à la hausse parce qu'elles étaient trop pessimistes. La France est, de tous les pays industrialisés, celui qui a le moins souffert de la crise. Nous aurons cette année une récession de l'ordre de 2 %, alors que nous avions prévu 3 %, et les signes de reprise sont plus marqués que partout ailleurs en Europe, comme en témoigne la hausse de 1,8 % de la production industrielle au mois d'août. Le gouvernement a géré au mieux cette crise sans précédent. Nous avons mis en oeuvre un plan bancaire, un plan auto, un plan de relance qui ont été imités dans le monde entier... Cette stratégie porte ses fruits : les résultats sont là, mais on ne sera sorti de la crise que quand le chômage diminuera.
Q - Mais les déficits se creusent, et la dette s'envole dans des proportions dangereuses...
R - D'abord, avec un déficit de 8,2 % du PIB en 2009, la France fera mieux en valeur relative que les autres pays. Ensuite, ceux qui crient le plus fort sont ceux qui ont laissé déraper les déficits pendant des années et qui, curieux paradoxe, critiquaient notre plan de relance jugé trop timide. Avec la crise, la France a perdu 57 milliards d'euros de recettes, ce qui explique la dégradation des comptes publics. Nous sommes maintenant sortis de la dépression, mais si l'on relâche nos efforts, l'économie risque de rechuter et la situation des comptes sera pire. Le G20 a d'ailleurs été unanime sur ce point : il faut soutenir la croissance. Voici la priorité. C'est ainsi que nous combattrons les déficits. Par ailleurs nous continuerons de réduire les dépenses publiques courantes. Je rappelle que nous avons diminué de 100.000 le nombre de fonctionnaires, dont le coût représente près de la moitié du budget de la France. Alors que la France avait créé un million d'emplois publics depuis 1992. Qui pourrait imaginer qu'on puisse continuer ainsi ?
(...)
Q - Une majorité de Français continue de s'inquiéter de l'instauration de la taxe carbone...
R - Les Français ont compris que l'environnement pèse sur la santé publique, c'est donc une priorité pour notre avenir. Il y a urgence à agir pour modifier nos comportements : produire propre et consommer propre. Cette taxe sera intégralement remboursée aux ménages, à l'euro près, dès février prochain. Pourquoi la France sera-t-elle écoutée à Copenhague ? Parce qu'elle a été à l'initiative. Nous allons entraîner le monde entier à prendre des engagements pour protéger l'avenir de la planète. Par ailleurs, nous obtiendrons la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Ainsi, enfin, les importations financeront notre modèle social.
(...)
Q - Pourquoi ne pas privatiser, comme s'apprête à le faire la Grande-Bretagne ?
R - Puisque vous parlez de la Grande-Bretagne, vous noterez que son budget était excédentaire lorsque j'ai été élu, alors que le nôtre était en déficit d'un peu moins de 3 % du PIB £ elle est aujourd'hui dans le rouge à plus de 10 % et nous de 8 %. Nous n'avons donc pas à rougir de notre situation. Nous ne nous interdisons rien en matière de privatisation, mais ce n'est pas à l'ordre du jour et ce ne serait par exemple certainement pas le meilleur moment pour vendre une partie de nos actions dans Renault...
Q - Sur les banques, vous avez été particulièrement dur ces derniers mois. Etes-vous aujourd'hui satisfait de leur comportement ?
R - Les banques ont répondu à nos attentes et deviennent exemplaires. Elles ferment leurs filiales dans les paradis fiscaux et le dispositif retenu par la France pour encadrer les bonus des traders s'est imposé au reste du monde lors du G20. L'aide que leur a fournie l'Etat a été profitable pour les contribuables. Les banques auront à la fin du mois remboursé 13 milliards sur les 20 que nous avions engagés. Aujourd'hui cela a rapporté au budget de l'Etat 716 millions d'euros. Comme elle semble dépassée la polémique sur l'argent prétendument donné aux banques !
Q - Qu'attendez-vous du grand emprunt ?
R - Un pays en crise a tendance à se replier sur lui-même. La France, qui sacrifie depuis trop longtemps l'investissement au profit des dépenses de fonctionnement, a besoin de projets porteurs d'avenir. Il nous faut avoir les meilleures universités du monde : encore faut-il leur donner les fonds propres nécessaires pour attirer les meilleurs. Même chose pour les PME. Seulement 400 indépendantes sont exportatrices, faute de fonds propres suffisants. Il faut impérativement y remédier. Par ailleurs, pourquoi ne pas mettre en oeuvre un grand programme sur les énergies renouvelables, à l'image de celui qui a fait le succès du nucléaire français ? Pourquoi ne pas lancer un grand programme de recherche sur la dégénérescence des cellules, à l'origine de maladies comme le cancer, le sida ou Alzheimer, en associant public et privé ? Pourquoi, alors que les Chinois préparent des concurrents d'Airbus, ne pas travailler sur l'avion du futur ? C'est tout l'objet des réflexions autour de cet emprunt, et j'attends beaucoup des travaux de la Commission Juppé-Rocard.
(...)
Q - Les agriculteurs organisent une grande manifestation ce jour, en raison de la baisse de leur revenu ? Quelles réponses comptez-vous apporter aux difficultés répétées que traverse ce secteur ?
R - L'agriculture et la ruralité sont deux éléments de notre identité nationale. A ce titre ils doivent être au coeur des préoccupations du chef de l'Etat. J'ajoute que l'agriculture est un élément décisif de notre compétitivité économique. Je n'accepterai jamais que l'agriculture française, comme européenne, soit sacrifiée sur l'autel d'une mondialisation anarchique. On a vu où a failli nous conduire la dérégulation de la finance. Il nous faut porter une nouvelle régulation agricole qui considérera les agriculteurs comme des entrepreneurs, qui ne craindra pas la préférence communautaire, qui assurera la sécurité alimentaire des consommateurs européens, et qui, enfin, garantira aux agriculteurs un juste prix de leur travail. La France sera au premier rang de ce combat. Avant la fin du mois, je prendrai des initiatives fortes sur l'ensemble de ces sujets.
Q - Les Etats-Unis s'apprêtent à envoyer 13.000 hommes supplémentaires en Afghanistan. La France doit-elle aussi renforcer son contingent sur place ?
R - Faut-il rester en Afghanistan ? Je réponds oui. Et rester pour gagner. Pas contre l'Afghanistan, mais pour l'Afghanistan. Si nous partons, c'est le Pakistan, puissance nucléaire, qui sera menacé. Mais la France n'enverra pas un soldat de plus. Ma conviction, c'est qu'il faut davantage de soldats afghans. Ce sont eux qui seront les plus efficaces pour gagner cette guerre, parce que c'est leur pays. Mais il faut les payer davantage afin d'éviter des désertions au bénéfice des Talibans.
Q - Si l'Iran n'accepte pas de coopérer avec l'AIEA avant la date limite de décembre que vous avez fixée, quelles sanctions faudra-t-il prendre ?
R - Attendons les contrôles de l'AIEA. L'Iran et ses dirigeants sont maintenant au pied du mur. Ce serait une bonne nouvelle qu'ils laissent ces contrôles s'effectuer jusqu'au bout. Sinon, ils auraient à en assumer toutes les conséquences. Et je me félicite en ce sens des déclarations récentes du président russe Medvedev.
Q - Comment jugez-vous le refus du président tchèque, Vaclav Klaus, de signer le Traité de Lisbonne ?
R - Ce refus est d'autant plus inadmissible que le Parlement tchèque a voté en faveur du Traité et que le gouvernement tchèque est favorable à sa ratification. Mais le président tchèque ne pourra pas jouer sur les deux tableaux. L'heure du choix arrive pour lui et il ne sera pas sans conséquence. En tout état de cause, cette question sera réglée à la fin de l'année.
Q - Une fois Lisbonne ratifié, Tony Blair peut-il être un bon candidat à la présidence de l'Union européenne ?
R - Il est trop tôt pour le dire. Il y aura un débat. Nous sommes en présence de deux thèses : faut-il un président fort et charismatique ou un président qui facilite la recherche du consensus et qui organise le travail ? Personnellement, je crois en une Europe forte politiquement et incarnée. Mais le fait que la Grande-Bretagne ne soit pas dans l'euro reste un problème.
Q - La fermeture de la jungle de Calais a été difficile. Que vous inspire l'évolution des questions d'immigration en France ?
R - Eric Besson a eu raison d'être déterminé. Cette situation de non-droit était intolérable. Il nous reste encore une question à traiter, celle des deux ordres de juridiction - administrative et judiciaire - qui ont à se prononcer sur la rétention des étrangers en situation irrégulière. A mes yeux, il n'en faut qu'un. Et s'il faut une réforme de la Constitution pour cela, nous la ferons.
(...)
Q - L'économie montre quelques signes encourageants. Sommes-nous en train de sortir de la crise ?
R - L'année dernière à la même époque, on nous prophétisait la violence dans les banlieues, l'explosion sociale et la paralysie outre-mer. Un an après ? La France doit revoir ses prévisions de croissance à la hausse parce qu'elles étaient trop pessimistes. La France est, de tous les pays industrialisés, celui qui a le moins souffert de la crise. Nous aurons cette année une récession de l'ordre de 2 %, alors que nous avions prévu 3 %, et les signes de reprise sont plus marqués que partout ailleurs en Europe, comme en témoigne la hausse de 1,8 % de la production industrielle au mois d'août. Le gouvernement a géré au mieux cette crise sans précédent. Nous avons mis en oeuvre un plan bancaire, un plan auto, un plan de relance qui ont été imités dans le monde entier... Cette stratégie porte ses fruits : les résultats sont là, mais on ne sera sorti de la crise que quand le chômage diminuera.
Q - Mais les déficits se creusent, et la dette s'envole dans des proportions dangereuses...
R - D'abord, avec un déficit de 8,2 % du PIB en 2009, la France fera mieux en valeur relative que les autres pays. Ensuite, ceux qui crient le plus fort sont ceux qui ont laissé déraper les déficits pendant des années et qui, curieux paradoxe, critiquaient notre plan de relance jugé trop timide. Avec la crise, la France a perdu 57 milliards d'euros de recettes, ce qui explique la dégradation des comptes publics. Nous sommes maintenant sortis de la dépression, mais si l'on relâche nos efforts, l'économie risque de rechuter et la situation des comptes sera pire. Le G20 a d'ailleurs été unanime sur ce point : il faut soutenir la croissance. Voici la priorité. C'est ainsi que nous combattrons les déficits. Par ailleurs nous continuerons de réduire les dépenses publiques courantes. Je rappelle que nous avons diminué de 100.000 le nombre de fonctionnaires, dont le coût représente près de la moitié du budget de la France. Alors que la France avait créé un million d'emplois publics depuis 1992. Qui pourrait imaginer qu'on puisse continuer ainsi ?
(...)
Q - Une majorité de Français continue de s'inquiéter de l'instauration de la taxe carbone...
R - Les Français ont compris que l'environnement pèse sur la santé publique, c'est donc une priorité pour notre avenir. Il y a urgence à agir pour modifier nos comportements : produire propre et consommer propre. Cette taxe sera intégralement remboursée aux ménages, à l'euro près, dès février prochain. Pourquoi la France sera-t-elle écoutée à Copenhague ? Parce qu'elle a été à l'initiative. Nous allons entraîner le monde entier à prendre des engagements pour protéger l'avenir de la planète. Par ailleurs, nous obtiendrons la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Ainsi, enfin, les importations financeront notre modèle social.
(...)
Q - Pourquoi ne pas privatiser, comme s'apprête à le faire la Grande-Bretagne ?
R - Puisque vous parlez de la Grande-Bretagne, vous noterez que son budget était excédentaire lorsque j'ai été élu, alors que le nôtre était en déficit d'un peu moins de 3 % du PIB £ elle est aujourd'hui dans le rouge à plus de 10 % et nous de 8 %. Nous n'avons donc pas à rougir de notre situation. Nous ne nous interdisons rien en matière de privatisation, mais ce n'est pas à l'ordre du jour et ce ne serait par exemple certainement pas le meilleur moment pour vendre une partie de nos actions dans Renault...
Q - Sur les banques, vous avez été particulièrement dur ces derniers mois. Etes-vous aujourd'hui satisfait de leur comportement ?
R - Les banques ont répondu à nos attentes et deviennent exemplaires. Elles ferment leurs filiales dans les paradis fiscaux et le dispositif retenu par la France pour encadrer les bonus des traders s'est imposé au reste du monde lors du G20. L'aide que leur a fournie l'Etat a été profitable pour les contribuables. Les banques auront à la fin du mois remboursé 13 milliards sur les 20 que nous avions engagés. Aujourd'hui cela a rapporté au budget de l'Etat 716 millions d'euros. Comme elle semble dépassée la polémique sur l'argent prétendument donné aux banques !
Q - Qu'attendez-vous du grand emprunt ?
R - Un pays en crise a tendance à se replier sur lui-même. La France, qui sacrifie depuis trop longtemps l'investissement au profit des dépenses de fonctionnement, a besoin de projets porteurs d'avenir. Il nous faut avoir les meilleures universités du monde : encore faut-il leur donner les fonds propres nécessaires pour attirer les meilleurs. Même chose pour les PME. Seulement 400 indépendantes sont exportatrices, faute de fonds propres suffisants. Il faut impérativement y remédier. Par ailleurs, pourquoi ne pas mettre en oeuvre un grand programme sur les énergies renouvelables, à l'image de celui qui a fait le succès du nucléaire français ? Pourquoi ne pas lancer un grand programme de recherche sur la dégénérescence des cellules, à l'origine de maladies comme le cancer, le sida ou Alzheimer, en associant public et privé ? Pourquoi, alors que les Chinois préparent des concurrents d'Airbus, ne pas travailler sur l'avion du futur ? C'est tout l'objet des réflexions autour de cet emprunt, et j'attends beaucoup des travaux de la Commission Juppé-Rocard.
(...)
Q - Les agriculteurs organisent une grande manifestation ce jour, en raison de la baisse de leur revenu ? Quelles réponses comptez-vous apporter aux difficultés répétées que traverse ce secteur ?
R - L'agriculture et la ruralité sont deux éléments de notre identité nationale. A ce titre ils doivent être au coeur des préoccupations du chef de l'Etat. J'ajoute que l'agriculture est un élément décisif de notre compétitivité économique. Je n'accepterai jamais que l'agriculture française, comme européenne, soit sacrifiée sur l'autel d'une mondialisation anarchique. On a vu où a failli nous conduire la dérégulation de la finance. Il nous faut porter une nouvelle régulation agricole qui considérera les agriculteurs comme des entrepreneurs, qui ne craindra pas la préférence communautaire, qui assurera la sécurité alimentaire des consommateurs européens, et qui, enfin, garantira aux agriculteurs un juste prix de leur travail. La France sera au premier rang de ce combat. Avant la fin du mois, je prendrai des initiatives fortes sur l'ensemble de ces sujets.
Q - Les Etats-Unis s'apprêtent à envoyer 13.000 hommes supplémentaires en Afghanistan. La France doit-elle aussi renforcer son contingent sur place ?
R - Faut-il rester en Afghanistan ? Je réponds oui. Et rester pour gagner. Pas contre l'Afghanistan, mais pour l'Afghanistan. Si nous partons, c'est le Pakistan, puissance nucléaire, qui sera menacé. Mais la France n'enverra pas un soldat de plus. Ma conviction, c'est qu'il faut davantage de soldats afghans. Ce sont eux qui seront les plus efficaces pour gagner cette guerre, parce que c'est leur pays. Mais il faut les payer davantage afin d'éviter des désertions au bénéfice des Talibans.
Q - Si l'Iran n'accepte pas de coopérer avec l'AIEA avant la date limite de décembre que vous avez fixée, quelles sanctions faudra-t-il prendre ?
R - Attendons les contrôles de l'AIEA. L'Iran et ses dirigeants sont maintenant au pied du mur. Ce serait une bonne nouvelle qu'ils laissent ces contrôles s'effectuer jusqu'au bout. Sinon, ils auraient à en assumer toutes les conséquences. Et je me félicite en ce sens des déclarations récentes du président russe Medvedev.
Q - Comment jugez-vous le refus du président tchèque, Vaclav Klaus, de signer le Traité de Lisbonne ?
R - Ce refus est d'autant plus inadmissible que le Parlement tchèque a voté en faveur du Traité et que le gouvernement tchèque est favorable à sa ratification. Mais le président tchèque ne pourra pas jouer sur les deux tableaux. L'heure du choix arrive pour lui et il ne sera pas sans conséquence. En tout état de cause, cette question sera réglée à la fin de l'année.
Q - Une fois Lisbonne ratifié, Tony Blair peut-il être un bon candidat à la présidence de l'Union européenne ?
R - Il est trop tôt pour le dire. Il y aura un débat. Nous sommes en présence de deux thèses : faut-il un président fort et charismatique ou un président qui facilite la recherche du consensus et qui organise le travail ? Personnellement, je crois en une Europe forte politiquement et incarnée. Mais le fait que la Grande-Bretagne ne soit pas dans l'euro reste un problème.