11 juin 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, notamment sur le futur président de la commission européenne et sur le prochain référendum irlandais pour la ratification du Traité de Lisbonne, à Paris le 11 juin 2009.

Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous dire, bien sûr, que cette réunion, quatre jours après les élections européennes et à une semaine du Conseil européen, cette réunion avec la Chancelière est, comme toujours, pour moi un plaisir tant il est facile de travailler avec la Chancelière. Il est important que nous nous mettions d'accord, ce qui est encore une fois le cas.
J'ai dit à la Chancelière combien je me réjouissais de son succès important en Allemagne et celui de son parti £ combien, d'ailleurs, cela avait compté dans la campagne européenne, l'axe franco-allemand et l'amitié avec Mme MERKEL. Mais tous les deux, nous portons un regard lucide sur la situation politique en Europe. Nous voyons le nombre des abstentionnistes et nous devons absolument leur apporter une réponse. Nous voyons également la désillusion d'un nombre important d'Européens à l'endroit de l'Europe et nous savons parfaitement les responsabilités qui pèsent sur nos épaules.
L'Europe, c'est 27 Etats, ce n'est pas simplement l'Allemagne et la France bien sûr, mais si l'Allemagne et la France parlent d'une même voix et exercent leurs responsabilités, c'est bon pour l'Europe. Alors, c'est ce que nous avons décidé de continuer à faire.
Je puis vous dire que Mme MERKEL comme moi, nous soutiendrons la candidature de M. BARROSO sans ambiguïté. Mais nous avons demandé à M. BARROSO, je l'ai eu notamment hier, qu'il précise, qu'il formalise d'une certaine façon les intentions qui sont les siennes à la veille de ce second mandat si les choses se présentent comme ceci. Son devoir, me semble-t-il, c'est de protéger, faire que l'Europe protège les Européens, qu'il s'engage sur un travail au service d'une meilleure régulation financière comme nous l'avons décidé avec le rapport Larosière et qu'il porte une volonté politique pour l'Europe.
Nous souhaitons, la Chancelière et moi-même, qu'une décision politique soit prise au prochain Conseil, qui proposerait, de façon à ce qu'on ait vraiment un travail entre le Conseil européen et le Parlement européen avant de prendre une décision juridique formelle qui pourrait être prise, par exemple, par écrit.
Nous avons convenu également avec la Chancelière qu'il convenait de formaliser l'accord juridique pour que les Irlandais puissent aller à la consultation avec les meilleures chances de succès. Sous présidence française, des engagements ont été pris à l'endroit du Premier ministre irlandais et de toute l'Irlande. Ces engagements doivent maintenant être formalisés parce que nous tenons, l'Allemagne comme la France, à Lisbonne, parce que l'Europe a besoin d'institutions fortes.
Nous avons également évoqué, je le disais il y a un instant, le rapport Larosière et nous sommes très conscients, Mme MERKEL comme moi, que ce qui a été décidé à Washington, ce qui a été décidé à Londres, ce qui a été décidé au dernier Conseil européen, on ne peut pas faire marche arrière. Il faut des faits, il faut des résultats. Nous voulons le rapport Larosière et nous veillerons à nous mettre d'accord avec les Anglais. Mais il y a une volonté franco-allemande très forte pour ne pas réduire les ambitions sur la régulation financière. Ce qui s'est passé ne doit plus avoir lieu.
Nous avons parlé également des rendez-vous absolument cruciaux sur la protection de l'environnement. Nous voulons réaffirmer la volonté qu'en Europe, les pays qui ne joueront pas le jeu -enfin l'Europe a pris des engagements- mais les pays non-européens qui ne joueront pas le jeu de la défense de l'environnement, cela ne sera pas sans conséquence, notamment aux frontières de l'Europe. Et bien sûr au G8, l'Allemagne et la France parleront d'une même voix pour convaincre nos alliés américains et pour convaincre ensuite, dans le cadre du G14, les Chinois, les Brésiliens, que Copenhague doit être un succès absolu.
Nous avons parlé également de l'A400 M en décidant qu'il était bon qu'on se donne un petit délai de six mois pour continuer à discuter et à trouver la meilleure solution possible.
Je voudrais dire que Mme MERKEL comme moi-même, nous sommes très préoccupés de la situation qui est faite au prix Nobel de la Paix birman, Aung San Suu Kyi. J'ai essayé de la joindre au téléphone dans les jours passés, la junte birmane a refusé que j'ai ce contact. Je déplore très profondément cette attitude et nous avons décidé, Mme MERKEL et moi, de faire état de notre très grande inquiétude devant cette attitude invraisemblable de la junte birmane et nous demanderons l'aide de nos amis chinois comme de nos amis indiens pour prendre en compte le souci que représente pour nous le prix Nobel de la Paix birman à quelques jours d'une condamnation qui, hélas, semble inéluctable.
MME ANGELA MERKEL - Je suis très heureuse de me retrouver à Paris à l'occasion de ces rencontres régulières pour préparer le Conseil européen.
Je voudrais féliciter Nicolas SARKOZY et l'UMP pour le succès remporté à l'occasion du scrutin européen et je crois que c'est une bonne chose et que c'était important que nous ayons lancé un appel commun pour qu'on s'intéresse à cette Europe. Ce qui serait important, c'est que pour la prochaine législature du Parlement européen, nous prenions les bonnes décisions pour l'Europe. Ce sont des décisions de personnes, bien sûr, mais ce sont surtout des décisions de fond. Voilà pourquoi la France et l'Allemagne soutiennent la candidature de José Manuel BARROSO, mais nous voulons aussi parler du programme. Nous estimons que ce programme doit être établi en étroite concertation avec le Parlement. Voilà pourquoi nous allons choisir une voie appropriée qui fera que, si le Parlement le souhaite, l'élection du nouveau Président de la Commission pourrait se faire au mois de juillet, mais il faut que ceci se fasse en plein accord et dans un esprit positif. Nous continuerons d'en parler.
Le point central du Conseil européen de la semaine prochaine sera certainement les progrès que nous pouvons obtenir dans le domaine des marchés financiers. Le rapport Larosière a été un signal important et la France et l'Allemagne oeuvreront pour que ce rapport soit suivi des faits.
En septembre, un nouveau G20 est prévu, en juillet, nous nous verrons en Italie à l'occasion du G8 et du G13 et naturellement, nous verrons jusqu'à quel point nous avons tiré les enseignements de cette crise. L'Europe, comme elle l'a fait jusqu'à présent, doit se montrer le précurseur de cette régulation des marchés financiers et à cet égard, le rapport Larosière et son application sont un élément central.
Le troisième grand dossier des prochains mois est celui du changement climatique. L'Union européenne a fait des propositions très ambitieuses et je suis heureuse que le Conseil Ecofin ait trouvé un accord à propos des objectifs de financement et de réduction. C'est important pour les propositions que nous pouvons formuler mais nous veillerons également à ce que d'autres pays n'utilisent pas la situation comme prétexte pour faire peser des pressions inutiles sur l'Europe. Donc nous réfléchissions aux différentes mesures permettant de protéger l'Europe. En effet, à quoi bon nous retrouver au bout du compte sans aucun emploi industriel mais sans pour autant avoir amélioré la situation climatique dans le monde entier. Donc nous serons plein d'ambition dans ces négociations et je crois qu'à l'occasion du G8, nous devrons arriver à des progrès avec nos partenaires américains. Nous y travaillons.
Je voudrais soutenir avec force ce qui a été dit et je l'avais dit il y a quelque jours à Cracovie, nous invitons tous nos partenaires dans la région, notamment les Indiens et les Chinois à nous aider pour que Aung San Suu kyi se voit traitée convenablement en termes de respect des droits de l'Homme -on en est loin !- et la France et l'Allemagne cherchons les meilleurs moyens de lui venir en aide.
Encore une fois, merci beaucoup, je crois que c'était une rencontre extrêmement intéressante, utile et bien remplie. Merci de l'hospitalité.
QUESTION - Madame la Chancelière, Monsieur le Président, une question à propos de M. BARROSO. Est-ce que votre accord signifie que vous avez renoncé définitivement à l'intention du Président de la République, à savoir d'attendre le référendum irlandais pour désigner le nouveau Président de la Commission ?
MME ANGELA MERKEL - Il y a le souhait fort du Parlement, si je l'ai bien compris, de ne pas se retrouver pendant tout l'été sans décision permettant une Europe opérationnelle et donc de désigner un Président de la Commission. Mais cela ne nous pose pas de problème puisque nous savons qui nous souhaitons avoir comme Président de la Commission. Et si les conditions sont remplies au Parlement, nous sommes prêts à donner cet accord et à le formaliser.
On travaille aujourd'hui sur les bases du Traité de Nice, mais si l'on veut travailler dans l'esprit du Traité de Lisbonne, il faut aussi trouver la bonne méthode sans nuire à qui que ce soit.
LE PRESIDENT - Ecoutez, bien sûr c'est compliqué juridiquement puisqu'on va proposer politiquement au prochain Conseil un Président de la Commission sur la base du Traité de Nice. Donc, on ne désignera pas les commissaires, mais le Président. Si le Parlement européen en est d'accord, il pourrait ratifier cette décision au mois de juillet. Si les Irlandais votent positivement au référendum sur Lisbonne, de toute manière, il y aura alors, si mon raisonnement est exact, une deuxième décision pour nommer le Président de la Commission, cette fois sur la base de Lisbonne et non pas de Nice. A ce moment là, il nous appartiendra, les Etats membres, de désigner des commissaires européens. Voilà, c'est un peu compliqué. En tout cas, ce n'est pas un enjeu et un sujet entre l'Allemagne et la France. Je soutiens totalement ce qu'a dit la Chancelière. Ce n'est pas simplement une question de personne, c'est aussi une question de programme.
J'ai vraiment demandé à M. BARROSO de s'engager sur un programme, sur des principes, sur des valeurs. D'ailleurs, l'indépendance que demandent l'Allemagne et la France, c'est aussi la volonté du Parlement européen.
QUESTION - Madame la Chancelière, Monsieur le Président, les Tchèques président actuellement l'Union européenne et les Suédois qui vont la présider dans une quinzaine de jours, veulent, eux, que l'on nomme M. BARROSO lors du Sommet européen. Donc votre réponse, je l'ai comprise, ce n'est pas tout à fait ce qu'ils attendent.
Est-ce que vous pensez qu'il y a encore du temps pour qu'il y ait d'autres candidatures, parce que certains groupes, au Parlement européen, disent qu'il y a des candidatures qui circulent mais qui n'ont pas été faites officiellement, on parle de M. VERHOFSTADT, de Mary ROBINSON ou de M. MONTI ? Est-ce que vous pensez que ce temps est terminé ?
LE PRESIDENT - Il n'y a pas d'opposition entre les Tchèques, les Suédois et nous. Qu'est-ce que nous disons tous les deux ? Que l'on proposera la candidature de M. BARROSO, mais y compris dans le cadre de Nice. Il appartient également d'associer le Parlement européen à cette proposition. Donc, il n'y a pas de problème. Ya-t-il d'autres candidats ? Ce n'est pas à moi d'en faire la publicité ou de présenter leurs candidatures. Nous, nous avons fait un choix, Mme MERKEL et moi, au nom de l'Allemagne et au nom de la France. Nous respectons toute autre candidature, mais le choix que nous avons fait est un choix précis : M. BARROSO et un programme ou un programme et M. BARROSO.
QUESTION - Madame la Chancelière, vous avez parlé de choix de personnes, vous avez également parlé de l'Irlande. Est-ce que vous avez discuté de certaines propositions pour faciliter l'accord irlandais sur le Traité de Lisbonne par des garanties ? Par ailleurs, pour ce qui est des choix de personnes, est-ce que le Président de la République peut imaginer ou accepter une proposition avec M. SCHAÜBLE qui serait le successeur de M. Günther VERHUNGEN ?
MME ANGELA MERKEL - En Allemagne, j'ai déjà dit à plusieurs reprises que je n'ai eu aucune discussion avec qui que ce soit sur les postes de commissaires, voilà pourquoi Wolfgang SCHAÜBLE, le ministère de l'Intérieur ont dit que c'était une invention pure et simple. J'ai dit que nous nous prononcions d'abord sur les portefeuilles, ensuite sur les personnes. Là, il y aura une étroite concertation entre la France et l'Allemagne qui travailleront main dans la main et pas l'une contre l'autre. Cette question n'appelle pas d'autre commentaire.
D'autre part, pour ce qui est de l'Irlande, sous présidence française, il y a eu un accord politique sur la façon de répondre aux demandes irlandaises et l'acceptation par les autres Etats membres. Il faut que ceci soit une nouvelle fois formalisé et tant le Président de la République que moi-même, nous sommes en contact étroit avec l'Irlande. Chez moi, c'était hier soir, mais avec également d'autres pays. Je suis confiante que nous trouverons de bonnes conditions au Conseil permettant un bon référendum en Irlande sans poser de problème aux autres pays.
LE PRESIDENT - Sur cette question, je peux vous dire qu'il y a un accord entre Mme MERKEL et moi pour que nous soutenions les choix de l'Allemagne, et l'Allemagne soutiendra les choix de la France, ce problème de personnes. Cela est clair, simple. C'est un message que je vous livre et que je livre à tous les autres, nous soutiendrons les choix de l'Allemagne. J'ai cru comprendre que l'Allemagne soutiendrait les choix de la France. C'est assez clair.
S'agissant de l'Irlande, moi je pense que tout doit être fait pour aider M. Brian COWEN à gagner le référendum. L'Europe a besoin de l'Irlande. L'Irlande, je le crois, a besoin de l'Europe. La crise a beaucoup changé les choses. Aucun pays ne peut s'isoler et tout ce que nous pourrons faire, Mme MERKEL et moi, pour aider les Irlandais à faire le choix de Lisbonne, nous le ferons. En tant que Président du Conseil, j'avais pris des engagements, j'avais prononcé un certain nombre de mots. Mais si cela pouvait être utile, on est même prêt à aller en Irlande pour soutenir, parce que c'est cela l'Europe, ce qui se passe dans un pays impacte beaucoup ce qui se passe dans les autres.
Qu'est-ce que nous voulons ? Quel est le message que nous ont donné les abstentionnistes ? On veut une Europe qui existe plus, pour que l'on comprenne mieux. Pour qu'il y ait cela, il faut qu'il y ait une Europe qui ait une institution, qui s'incarne dans des hommes, plutôt qu'une présidence tournante tous les six mois, une présidence stable. C'est exactement ce que nous voulons tous. Si le « oui » ne l'emporte pas en Irlande, il n'y aura pas d'institutions nouvelles, ce qui posera d'autres problèmes. Il faudra alors que l'Allemagne et le France prennent leurs responsabilités et nous les prendrons. Mais tout doit être fait pour aider les Irlandais à faire ce choix. C'est la logique.
Je vous rappelle que Mme MERKEL a fait énormément pour Lisbonne, je veux dire pour le traité. Tout ce que nous avons fait, tout ce que nous avons proposé, les risques que moi-même j'ai pris en France, tout cela est suspendu à la décision des Irlandais. Donc, soyons cohérents tous et aidons au maximum les Irlandais à répondre « oui » et puis ensuite, on aura le choix des candidats pour les institutions stables de l'Europe.
QUESTION - Pour M. SARKOZY. Est-ce que vous pouvez nous confirmer que votre candidat est bien Michel BARNIER et que vous voulez avoir le marché intérieur ? Est-ce que vous en avez parlé à M. BARROSO ? Est-ce que Mme MERKEL est d'accord ?
Question sur l'Irlande : le danger, cela semble quand même être que si M. CAMERON arrive un peu prématurément au pouvoir, il organise un référendum en Angleterre et que les Irlandais repoussent leur propre référendum. Avez-vous un engagement des Irlandais de ne pas procéder ainsi ?
LE PRESIDENT - Heureusement que c'était la dernière question, parce que.... D'abord, puisque ce n'est pas une question que vous m'avez posée, je voudrais dire sous la forme de plaisanterie, que je pense que M. SCHAÜBLE est un homme pour qui j'ai beaucoup d'amitié. Mais nous avons bien dit quelque chose avec Mme MERKEL, c'est qu'il ne s'agit pas de désigner les commissaires aujourd'hui. Par conséquent, il s'agit du choix du président qui sera proposé, c'est M. BARROSO. Pour le reste, vous savez parfaitement ce qu'il en est de la confiance que j'ai dans Michel BARNIER qui a fait une remarquable élection. Lorsque le problème de la désignation d'un commissaire français se posera, il est certain qu'il est en-tête de liste des postulants. Pour la question des postes, je vous l'ai dit, l'Allemagne et la France, par principe, nous sommes d'accord.
Sur la question de la date du référendum irlandais, j'ai cru comprendre que cela se ferait en septembre ou octobre. C'est une décision qui appartient aux Irlandais. Je voudrais d'ailleurs dire que M. Brian COWEN a toujours respecté la parole qu'il nous a donnée. De ce point de vue, franchement, il y a lieu de le soutenir et d'en prendre acte. Il a toujours fait exactement ce qu'il avait dit. Il a toujours dit qu'il ferait ce référendum en septembre ou en octobre. On n'a pas d'autres éléments à vous fournir.
Quant à la politique intérieure anglaise, je ne suis pas Anglais. Je vois bien le débat qui a lieu dans ce pays. Je peux simplement dire que nous avons été heureux d'avoir autour de la table M. Gordon BROWN dans tous ces derniers mois, parce qu'il a pris ses responsabilités et il a agi avec courage pour emmener son pays dans la voie de la construction européenne. C'est la vérité que de le dire et je crois que, quels que soient les engagements politiques des uns et des autres, nous le pensons tous autour de la table du Conseil européen.
QUESTION - Sur l'A400M, c'est un sujet important franco-allemand. Est-ce que vous avez parlé de ce programme A400M et est-ce que Mme MERKEL a réaffirmé au Président SARKOZY la décision de l'Allemagne de rester dans ce programme, parce qu'on a cru un moment que l'Allemagne pourrait s'en retirer.
MME ANGELA MERKEL - Le Président vous a dit ce qu'il en était, nous avons parlé de l'A400M. Nous avons besoin encore de discussions sur ce que l'on peut faire, quelle forme pourra prendre cet avion. Nous sommes en plein accord, on se donne quelques mois et nous verrons ensuite quand on pourra se faire livrer un tel avion. On a besoin d'un avion de transport de toutes les façons.
LE PRESIDENT - Merci beaucoup.