3 avril 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Barack Obama, Président des Etats-Unis d'Amérique, sur les relations franco-américaines et sur l'OTAN, à Strasbourg le 3 avril 2007.

M. LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, nous nous excusons pour notre retard. Mon propos introductif sera très bref. Nous avons fait le point d'un certain nombre de dossiers : l'Afghanistan, l'OTAN, l'Iran, la Russie, le Moyen-Orient. Et je crois pouvoir dire, parlant sous le contrôle du Président des Etats-Unis, qu'il y a une parfaite identité de vue.
Mais puisque je prends la parole juste le lendemain du sommet du G20, je voudrais dire à Barack OBAMA combien j'ai été heureux de pouvoir travailler main dans la main avec lui, combien j'ai apprécié son ouverture d'esprit et la volonté qu'il a de construire un nouveau monde. Je peux dire que dans ce sommet, il n'y a pas eu de vainqueurs ou de perdants, il y a eu 20 dirigeants, dont bien sûr le dirigeant de la première puissance du monde, les Etats-Unis d'Amérique, qui ont pris leurs responsabilités. Cela laisse bien augurer des mois et des années qui viennent : on a un sacré travail à faire parce qu'il y a un sacré paquet de problèmes et, pour nous, c'est une raison d'optimisme que de pouvoir les régler avec une administration américaine qui a la volonté d'entendre ses amis et ses alliés et de résoudre les problèmes. Donc, Barack, bienvenue en France, merci et je me réjouis des semaines qui viennent parce qu'on va prendre beaucoup d'initiatives et le monde en a besoin.
M. BARACK OBAMA - Eh bien tout d'abord, je vous remercie pour cette extraordinaire vitalité et je suis emballé de pouvoir faire partie de ce qui est effectivement une véritable célébration. La France qui est le plus ancien allié des Etats-Unis, notre tout premier allié, encore une fois, c'est la France qui fait preuve d'un leadership extraordinaire au sein de l'OTAN grâce au leadership courageux du Président SARKOZY. Il est courageux sur tellement de fronts que c'est difficile de les énumérer en totalité. L'énergie qu'il apporte aux dossiers de politique étrangère est quelque chose dont nous avons tous profitée.
Je lui suis reconnaissant pour ce partenariat car sans son leadership, me semble-t-il, ce qui est issu du sommet n'aurait pas été aussi significatif que cela l'a été. S'agissant des dossiers dont nous avons discuté, qu'il s'agisse de l'Afghanistan, de la Russie, le Président SARKOZY fait constamment preuve d'initiative, d'imagination et de créativité, dans la recherche de solutions à des problèmes qui existent depuis fort longtemps.
L'Amérique est, non seulement, reconnaissante pour cette amitié avec la France mais moi, personnellement, je suis reconnaissant pour cette amitié que nous avons développée, une amitié qui existe, en fait, qui a commencé bien avant mon élection. Cette amitié ne fait que se renforcer depuis lors. Nous avons eu un entretien très productif. Je me réjouis de pouvoir avoir d'autres entretiens très productifs, ce soir, demain matin à propos de la mission de l'OTAN et j'ai confiance. Quand les Etats-Unis et la France agissent de concert, eh bien les perspectives de paix, de prospérité dans le monde entier s'en trouvent renforcées. Répondons aux questions.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez expliqué aux Français que le retour de la France dans la structure militaire intégrée de l'OTAN aurait en quelque sorte une compensation pour la défense européenne. Est-ce que vous avez reçu des garanties de la part du Président OBAMA ? Par exemple pour l'émergence d'une cellule de planification, de conduite des opérations strictement autonome. Et Monsieur le Président, accepterez-vous l'idée d'un pilier, d'un caucus américain avec l'OTAN ?
LE PRESIDENT - Vous savez, j'ai toujours été convaincu que les Etats-Unis et la France étaient de la même famille. On est à Strasbourg. J'aime l'histoire. Je dis aux Français : jamais il ne faut oublier ce qu'a fait la démocratie américaine pour nous. Le 6 juin prochain, on sera ensemble sur les plages de Normandie pour se recueillir sur les tombes des jeunes Américains qui sont morts pour nous, qui avaient l'âge de nos enfants aujourd'hui. Cela compte dans l'histoire de deux nations.
Je n'ai pas, dans mes rapports avec le Président OBAMA, je lui fais confiance. Je fais confiance à sa parole et puis je fais confiance à son intelligence. Le Président OBAMA n'a pas besoin de moi pour comprendre qu'une Europe forte, qu'une Europe de la défense qui existe, c'est le meilleur atout pour les Etats-Unis d'Amérique. Les Etats-Unis du Président OBAMA ne veulent pas d'allié faible. Ils veulent des gens qui se tiennent debout et qui assument leurs responsabilités.
On s'est mis d'accord sur tout il y a bien longtemps, mais cela n'a pas été un marchandage, ce n'est pas une question comme cela. Cela a été la même vision du monde. Il y a une famille. Nous ne voulons imposer nos valeurs à personne, mais nous voulons que personne, à travers le monde, nous défende de croire dans nos convictions.
Et enfin, un mot pour les Français, c'est quand même extraordinaire, cela fait des années qu'on envoie des soldats sous la bannière de l'OTAN en refusant de participer au comité qui met en oeuvre la stratégie d'emploi de ces soldats. J'ai voulu être transparent et honnête vis-à-vis de mes compatriotes. J'ai voulu assumer mes choix. L'OTAN, cela fait 60 ans que ça existe. S'il y a la paix, ce n'est pas un hasard, c'est parce qu'on est ensemble. Les Etats-Unis, ce sont des alliés et des amis. Ils savent parfaitement que la France sera composée d'amis, d'alliés debout, indépendants parce que l'on fait le choix des convictions.
M. BARACK OBAMA - Permettez-moi de répondre très brièvement à votre question. L'OTAN constitue l'alliance la plus réussie de l'histoire moderne, la plus achevée et le principe fondateur de l'OTAN dit que la sécurité de l'Europe équivalait à la sécurité des Etats-Unis et inversement. C'est le principe fondamental, il s'agit d'un pilier de la politique étrangère américaine, qui est resté inchangé au cours des 60 dernières années. Il s'agit d'un principe que j'affirme ici £ et grâce à la réintégration de la France au sein des plus hauts commandements de l'OTAN, ce principe continuera d'être maintenu. Je souhaite me rallier aux propos du Président SARKOZY, effectivement, nous souhaitons avoir des alliés forts. Nous souhaiterions que l'Europe se dote de capacités de défense beaucoup plus robustes. En fait, non, nous ne le découragerons pas. Nous ne souhaitons pas être les mécènes de l'Europe. Nous souhaitons être les partenaires de l'Europe. Plus ils ont de capacité sur le plan défensif, plus nous serons en mesure d'agir de concert face aux défis communs auxquels nous sommes confrontés. Par conséquent, l'un des messages que je vais communiquer à nos alliés de l'OTAN : plus nous verrons de capacités ici en Europe, plus les Etats-Unis seront satisfaits, plus nous serons efficaces en matière de coordination de nos activités.
QUESTION - Vous avez dit, tout à l'heure, que le Président SARKOZY a parlé d'alliés forts qui assument les responsabilités. Le Président OBAMA souhaite fermer Guantanamo d'ici une année. Etes-vous prêt à accepter certains des prisonniers ? Avez-vous parlé de cette question avec lui ?
LE PRESIDENT - Vous savez, je crois que la démocratie fait une obligation aux hommes d'Etat de dire la vérité et d'être cohérents. Je suis de ceux qui aiment les valeurs des Etats-Unis. Guantanamo, ce n'était pas conforme aux valeurs des Etats-Unis, en tout cas, à l'idée que je m'en fais. J'ai été fier et heureux que les Etats-Unis, qu'on aime ici en France et en Europe, prennent la décision que nous attendions de fermer ce camp. Ma conviction la plus profonde, c'est qu'on ne combat pas les terroristes avec les méthodes des terroristes. On les combat avec les méthodes de la démocratie.
Alors, une fois que j'ai dit cela, si le Président des Etats-Unis dit : je ferme Guantanamo, mais j'ai besoin que mes alliés prennent, en l'occurrence, il y a en a un, pour le mettre en prison ici, que cela nous permet de fermer le camp, alors si on est cohérent, on dit oui, parce que sinon on est incohérent. On ne peut pas condamner les Etats-Unis, parce qu'ils ont ce camp et s'en laver les mains une fois qu'ils le ferment. Ce n'est pas comme cela qu'on est allié. Ce n'est pas comme cela qu'on est ami. Ce n'est pas comme cela qu'on est respecté dans le monde. La France n'a qu'une parole et la France affirme une politique droite, honnête, conforme à la démocratie.
Donc, oui, on en a parlé. Oui, on s'est mis d'accord et oui, c'est logique et cohérent. Et c'est honnête, Madame. C'est comme cela qu'il faut que vous regardiez la France.
M. BARACK OBAMA - Le Président SARKOZY a été honnête. Il a été cohérent. Pour ma part, j'ai pris la décision de fermer Guantanamo car je ne pense pas que cela rend l'Amérique plus sûre. Ce faisant, j'ai été tout à fait clair que nous le ferons avec prudence. Nous le ferons de manière réfléchie. Et pour le faire de manière prudente et réfléchie, nous allons consulter nos alliés et dans certains cas, nous aurons besoin d'aide, par rapport à certains détenus qui pourraient continuer de poser des risques. Cependant, ces personnes ne pourraient peut-être pas être rapatriées vers leurs pays d'origine. Effectivement, nous avons discuté de ce dossier. Nous n'avons pas de déclaration détaillée à faire, mais je tiens tout simplement à exprimer ma gratitude envers le Président SARKOZY pour avoir respecté sa parole, bien sûr, comme toujours.
QUESTION - Une question aux deux Présidents. Accepteriez-vous que les Russes participent au système de défense européen ? Pensez-vous que les Russes vont effectivement exercer de fortes pressions sur l'Iran pour qu'il mette fin à son programme nucléaire ?
M. BARACK OBAMA - Peut-être pourrais-je répondre en premier. Effectivement, j'ai eu une excellente rencontre bilatérale, durant le sommet, avec le Président MEDVEDEV. Je crois qu'il y a un potentiel extraordinaire d'amélioration des relations américano-russes, me semble-t-il. Il me semble important que les alliés de l'OTAN s'impliquent avec la Russie. Il faut que l'OTAN reconnaisse que la Russie a des intérêts légitimes et parfois, nous avons des intérêts communs. Cependant, nous avons des points de divergence aussi. Je pense que nous devons engager ce dialogue avec eux afin de maintenir la stabilité tout en respectant l'autonomie et l'indépendance de tous les pays d'Europe, à l'ouest, à l'est, au centre, quel qu'il soit.
J'ai critiqué l'invasion russe de la Géorgie. Je continue de penser que, malgré les efforts, tout à fait extraordinaires, consentis par le Président SARKOZY pour arranger un cessez-le-feu, nous n'avons pas encore vu de stabilisation de cette situation et je pense qu'il faut communiquer un message très fort à la Russie, oui, nous sommes prêts à travailler avec eux, cependant nous ne pouvons pas retourner aux anciennes méthodes.
Je pense effectivement que les Etats-Unis et la Russie, les Européens, nous avons tous intérêt à éviter que l'Iran se dote d'une arme nucléaire. Il doit y avoir des mécanismes qui respectent la souveraineté de l'Iran, qui permettent à l'Iran de développer le nucléaire civil, mais il faut être tout à fait clair qu'il n'est pas possible qu'il y ait de courses aux armes nucléaires dans le Proche-Orient. J'ai abordé ce sujet lors de mon entretien avec le Président MEDVEDEV. Il s'agira d'un dossier permanent durant nos négociations bilatérales.
Nous sommes très heureux de pouvoir travailler avec la France et avec d'autres pays afin de parvenir à une position sur l'Iran, laquelle les invite à devenir un membre responsable de la communauté internationale mais une position qui dit clairement qu'il leur appartient de se comporter, d'agir en tant que membre responsable à hauteur des attentes.
LE PRESIDENT - J'ai toujours dit au Président MEDVEDEV que l'URSS, c'était fini, que le mur de Berlin était tombé, et qu'autour de la Russie, il n'y avait pas de pays satellite et qu'il devait respecter cela. Mais en même temps, avec les problèmes qu'il y a dans le monde aujourd'hui, on ne va pas réinventer la guerre froide. Donc, c'est une très heureuse nouvelle, la proposition du Président OBAMA d'une nouvelle discussion avec le Président MEDVEDEV, d'un nouvel accord avec la Russie et les Etats-Unis. On n'a pas besoin d'une nouvelle guerre froide. On a besoin de rassemblement dans le monde, on a besoin d'unité dans le monde et on a besoin que la Russie prenne ses responsabilités, parce que c'est un grand pays, pour nous aider à trouver une solution à la crise iranienne. Là aussi, je crois pouvoir dire que les Etats-Unis et la France, on est sur la même ligne. L'OTAN, ce n'est pas fait contre la Russie. Le pacte de Varsovie, c'est terminé. On veut travailler avec tous ceux qui veulent travailler avec nous, honnêtement, pour faire un espace de sécurité et je l'espère, demain pour l'Europe, un espace économique commun entre la Russie et l'Europe.
QUESTION - Comme vous l'avez dit, vous allez prendre des mesures avec la Russie, éliminer des ogives, rendre le monde plus sûr mais la Corée du Nord semble aller dans un autre sens. Avez-vous un message à adresser à la Corée du Nord par rapport aux conséquences si effectivement ils procèdent à ce lancement de missile ? Monsieur le Président SARKOZY, vous avez parlé d'honnêteté et de cohérence, et vous allez bientôt réintégrer l'OTAN en tant que partenaire militaire. Que répondez-vous au message du Président OBAMA pour l'ajout de troupes militaires, par exemple en matière de formation et d'aide en Afghanistan ?
M. BARACK OBAMA - Nous avons dit très clairement au Nord-coréens que leur lancement d'un missile serait une provocation, que cela placerait énormément de contraintes sur les pourparlers à six et qu'ils devraient annuler ce lancement. La réponse jusqu'à présent de la part des Nord-coréens a été, non seulement, peu productive mais ils ont employé une rhétorique qui a abouti à l'isolement de la Corée du Nord au sein de la communauté internationale depuis longtemps déjà.
Nous ne sommes pas les seuls à dire que la Corée du Nord doit annuler ce lancement. Le Japon, la Corée du Sud, la Russie, la Chine, les autres membres des six ont tous indiqué que ce lancement devrait être annulé. Par conséquent, si effectivement, la Corée du Nord procède à ce lancement, nous allons oeuvrer avec toutes les parties concernées et la communauté internationale pour prendre des mesures appropriées afin de faire comprendre à la Corée du Nord que ce pays ne peut pas menacer la sécurité d'autres pays avec impunité.
Une toute dernière chose, je pense que la France a déjà été un allié indéfectible en ce qui concerne l'Afghanistan, nous avons parlé de la possibilité de faire en sorte que tous les alliés de l'OTAN se réengage de manière plus efficace en Afghanistan sur le plan militaire, diplomatique pour faire face aux besoins en matière de développement aussi bien du Pakistan que de l'Inde. Il ne s'agit pas tout simplement d'apporter davantage de ressources mais il faut aussi utiliser les ressources à notre disposition de manière plus efficace. Sur ce dossier-là, la France et les Etats-Unis sont aussi sur la même longueur d'onde. Mais avant que Nicolas réponde à la question qui lui a été posée, je souhaite remercier publiquement la France et faire l'éloge de la France pour son leadership tout à fait extraordinaire en ce qui concerne l'Afghanistan. Je n'ai pas encouragé la France à contrecoeur à s'engager en Afghanistan parce que la France reconnaît que le fait qu'Al Qaida puisse exploiter des sanctuaires, lesquels pourraient être utilisés pour lancer des attentats, constitue une menace non seulement pour les Etats-Unis mais aussi pour l'Europe. En fait, il est plus vraisemblable, probable qu'Al Qaida soit capable de procéder à des attentats graves plus en Europe qu'aux Etats-Unis contenu de la proximité. Il ne s'agit pas d'une mission américaine, il s'agit d'une mission OTAN, il s'agit d'une mission internationale, la France l'a toujours compris. Pour cela, je vous suis très reconnaissant.
LE PRESIDENT - Nous soutenons complètement la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan et je veux dire aux Français que lorsque New York a été martyrisée, cela aurait pu arriver dans n'importe quelle autre capitale d'un Etat démocratique. Ce n'est pas New York qui a été visée, ce sont les démocraties.
Soit les démocraties, nous sommes solidaires face aux fanatiques, face aux extrémistes, face aux terroristes et dans ce cas-là nous gagnerons. C'est cela qui se joue là-bas.
Deuxièmement, nous en avons parlé avec le Président OBAMA, il n'y aura pas de renfort militaire français parce que la décision des renforts a déjà été prise l'an passé.
Troisièmement, nous sommes prêts à faire davantage sur le plan de la police, sur le plan de la gendarmerie, sur le plan de l'aide économique pour former des Afghans et pour l'afghanisation. Nous ne menons pas une guerre contre l'Afghanistan, nous aidons l'Afghanistan à se reconstruire. Et nous ne soutenons pas tel ou tel candidat, nous soutenons le droit des jeunes Afghans à avoir un avenir. Sur ce dossier et comme sur les autres, on s'est mis autour de la table, on a parlé et j'ai écouté le Président OBAMA, il a écouté mes problèmes, on essaie de trouver des solutions. Voilà comment on a fait, voilà comment on va continuer à faire.
Je voudrais dire à tous les Français qui sont heureux et fiers qu'on ait le Président des Etats-Unis d'Amérique sur notre sol, qu'il reviendra le 6 juin, qu'on lui fera un accueil extraordinaire dans cette Normandie où il y a tant de jeunes de ton pays qui reposent sous la terre et que vraiment les gens doivent reprendre confiance. On est conscient des difficultés et on sait qu'il faut y apporter des réponses globales, des réponses ensemble. Cela fait du bien de pouvoir travailler avec un Président des Etats-Unis qui a envie de changer le monde et qui comprend que le monde ne se réduit pas aux seules dimensions de son pays. Cela, c'est une sacré bonne nouvelle pour l'année 2009.