9 mars 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-mexicaines ainsi que sur la vie et le rôle des Français à l'étranger, à Mexico le 9 mars 2009.

Mesdames, Messieurs, Mes Chers Compatriotes,
Je suis heureux, pour mon premier déplacement au Mexique, de vous rencontrer ici, dans ce grand Lycée franco-mexicain. Le plus grand établissement conventionné au monde, avec quelque 3.500 élèves. Avec sa devise, "deux racines, un seul fruit", il est emblématique de notre présence au Mexique : une présence jeune, dynamique, profondément binationale pour nombre d'entre vous. Je voudrais remercier le président du conseil d'administration, Claude Le Brun, la proviseure, Mme Françoise Valière, de nous y accueillir.
Je voudrais tout d'abord vous dire ce que nous attendons de notre relation avec le Mexique.
J'effectue la première visite bilatérale d'un président français au Mexique depuis dix ans. Dix ans, c'est un peu long tout de même ! Heureusement que l'on est amis et que l'on a beaucoup de choses à se dire, parce que si on n'était pas amis et que l'on n'avait rien à se dire, on se demande pourquoi on attendait tout ce temps ! La France et le Mexique doivent avoir les mêmes ambitions, doivent s'allier et se renforcer.
J'avais dit à Felipe Calderon, lors de notre première rencontre à Paris, juste après mon élection, qu'il fallait que nous changions le cours des choses, que le Mexique et la France aient un partenariat stratégique à la hauteur des valeurs que nous partageons.
Le Mexique, c'est un pays qui compte. Il fait partie de ces grands pays émergent, avec l'Afrique du Sud, avec le Brésil, et bien sûr avec la Chine et l'Inde. Le Mexique a des ambitions sur le plan économique et politique. Nous venons d'ailleurs de signer une déclaration conjointe parce que le Mexique a vocation à être un grand acteur de la scène internationale et la déclaration que nous avons signée ensemble nous permettra d'afficher les mêmes ambitions et de défendre les mêmes convictions sur la scène internationale.
Ce partenariat global répond également à nos intérêts bilatéraux. Nous sommes parmi les premiers investisseurs étrangers au Mexique. Mais il n'est pas normal que la France, 5e économie mondiale, le Mexique, 13e économie mondiale, nous ayons, malgré les efforts de nos entrepreneurs, un niveau d'échanges commerciaux aussi faible. Nous allons changer les choses. Nous avons mis en place un groupe de travail de haut niveau des chefs d'entreprise, on va garder la même chaleur dans les discours mais on va essayer que les discours aient des résultats. On va promettre une grande vision, mais il faut qu'elle se traduise par des actions concrètes.
Cette coopération économique ira de pair avec une coopération universitaire, culturelle et scientifique. Il y a aujourd'hui des scientifiques dans la délégation que je conduis que je remercie, qui est historique, traditionnelle, mais il fallait vraiment que l'on donne un coup d'accélérateur sur l'économie.
Nous avons évoqué les prochaines échéances. En septembre, il y aura au musée du Quai Branly une grande exposition avec le Mexique. J'ai invité le président Calderon à venir en France pour son inauguration. Les écrivains mexicains sont les invités d'honneur du Salon du Livre. C'est formidable, il faut que la France apprenne à s'ouvrir. On a une grande culture, on a une forte identité, on n'a rien à craindre des pays qui ont eux-mêmes une forte culture. J'ai proposé au président Calderon, l'organisation en 2011 d'une année du Mexique en France qui sera un moment très fort pour nos relations bilatérales, cela préparera une année de la France au Mexique. Il est temps que la France retrouve un rayonnement en Amérique centrale, en Amérique latine digne de son histoire et de ses possibilités.
Chers Compatriotes, je vous remercie d'être venus nombreux aujourd'hui. Avec 30.000 résidents, vous êtes la deuxième communauté européenne après l'Espagne. Les premiers Français sont arrivés dit-on, dès le XVIe siècle, et à partir du XIXe siècle, avec les "Barcelonnettes", qui ont tant contribué à l'influence française. Sans oublier les Bourguignons, les Basques. Vous tous, vous contribuez au rayonnement de la France. Vos motivations, les chemins qui vous ont menés vers le Mexique ne sont pas les mêmes, mais le Mexique attire les Français.
La force de votre communauté, tournée vers l'avenir, c'est aujourd'hui sa diversité. Vous êtes une communauté nombreuse, associative, solidaire, parfaitement intégrée. Votre connaissance des réalités mexicaines est un atout incomparable pour notre présence économique et pour notre présence culturelle.
A l'heure de la mondialisation, la France a plus que jamais besoin d'être présente hors de ses frontières. On doit remercier nos compatriotes qui acceptent de vivre hors de la métropole, de mener l'action que vous menez. C'est grâce à vous que la France est un grand pays. J'aimerais quand même mettre en valeur ceux qui, comme vous, tentent l'aventure de l'expatriation.
350 entreprises françaises, notre implantation est significative. Mais elle est insuffisante au niveau des PME, ce qui nous handicape pour le développement des échanges commerciaux.
Je tiens donc à vous exprimer, Français du Mexique, mes remerciements pour ce que vous faites pour notre pays, pour votre contribution à son rayonnement.
Mes Chers Compatriotes, vous faites partie du million et demi de Français expatriés. Vous, les Français de l'Etranger si vous êtes géographiquement éloignés de votre patrie, j'espère, et j'en suis certain, qu'elle est présente dans votre coeur. La France veut répondre à vos attentes, à vos préoccupations et à vos inquiétudes. Je sais bien que l'expatriation a ses contraintes et que ces contraintes sont lourdes, qu'elles pèsent sur tous ceux qui travaillent, qu'elles pèsent sur les conjoints, sur vos enfants. Je sais aussi que Mexico, ce n'est pas, comme dans l'opérette, que le soleil. Des efforts importants ont été faits, et c'est normal, pour la sécurité, la protection sociale et la scolarisation.
Vous êtes préoccupés par votre sécurité et c'est bien légitime. Je veux d'ailleurs avoir une pensée pour deux de nos compatriotes décédés à la suite d'actes de violence insupportables, qui ont frappé des membres de la communauté française. Je veux dire, parce que c'est mon devoir, mais je le fais parce que je le pense profondément, que je partage la douleur des familles. J'ai demandé aux autorités de tout faire pour que la lumière soit faite sur ces deux crimes et que les coupables soient punis. Je sais bien que pour vous, il y a de l'inquiétude.
Avec le gouvernement, nous mettons tout en oeuvre pour vous faciliter la vie. Cette année 2009/2010, ce sera au tour des élèves de seconde, après ceux de terminale et de première, de voir leur scolarité à l'étranger prise en charge par l'Etat.
Je veux m'expliquer là-dessus devant vous, mes Chers Compatriotes. On me dit souvent : "tu le fais parce que tu l'as promis". C'est déjà une originalité ! C'est vrai, je vous dois un aveu, je n'ai pas changé d'avis. Ce que je croyais avant la campagne électorale, mon élection ne m'a pas fait changer d'avis. Mais il y a plus grave que cela, si je l'ai promis c'est parce que je croyais que c'était juste. Il n'est pas normal que, lorsqu'on scolarise ses enfants dans l'enseignement public en métropole, les études soient prises en charge par l'Etat et, lorsque par son métier, par sa carrière, par son service, on va vivre à l'étranger, au lieu de vous en remercier, on en tire la conclusion que le droit que vous aviez en métropole, vous ne l'avez plus, parce que vous portez l'étendard de la France, quel que soit le domaine, à l'étranger. C'est une injustice. Cette injustice, je ne l'accepte pas. Voilà pourquoi, nous avons décidé la gratuité. Alors, on me dit : mais enfin, il n'y avait qu'à faire des bourses. C'est vrai. Mais j'ai remarqué que dans les bourses, c'est quelle catégorie de la population ? Qui est trop pauvre pour être riche et qui est trop riche pour être pauvre. Ceux-là, quand on augmente les impôts, on les met à contribution, mais quand on donne les bourses, ils ne sont jamais dans le bon barème. J'ai voulu la gratuité pour tout le monde. J'ajoute que je ne pense pas que cela soit le rôle des entreprises de payer la scolarité aux enfants de leurs collaborateurs. Elles ont, les entreprises, par ailleurs, bien d'autres problèmes pour être compétitives et pour investir.
En dernier point, on m'a dit : "oui, mais c'est cher". Je peux le dire parce que j'ai les meilleurs ministres avec moi, mais il n'y a pas de ministre du Budget, excellent ! Vraiment formidable. J'ai remarqué que son administration considère qu'une bonne mesure est une mesure qui ne coûte rien, parce qu'elle ne marche pas. Pour moi, une bonne mesure, c'est une mesure qui fonctionne. Je considère que c'est très important ce que l'on a fait. Naturellement, je ne veux pas que cela exclue les Mexicains du lycée franco-mexicain. On va trouver un système. Je pense que c'était une question de justice.
J'ajoute, parlant devant deux parlementaires éminents, le sénateur Gérard Cornu et le député Georges Tron, que je n'ai jamais compris pourquoi lorsqu'on était Français de l'étranger, on avait une citoyenneté en quelque sorte de seconde zone. On avait le droit d'élire des conseillers, vous êtes de l'étranger, qui eux-mêmes élisaient les sénateurs, mais on n'avait pas le droit d'élire un député. Alors qu'il y a un million et demi de Français au Parlement. Grâce à la réforme de la Constitution que nous avons fait voter, et que j'ai voulue, vous, Français de l'étranger, vous voterez pour des sénateurs et pour des députés qui représenteront les Français de l'Etranger. Je considère que ce n'est que justice d'agir comme cela.
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous dire deux mots de la situation française. Vous êtes au contact du monde, du monde qui bouge, du monde qui change. Vous êtes bien placés pour voir les aspirations nouvelles dans ce monde : les mélanges de culture, l'aspiration de pays qui n'avaient pas le droit à la parole, à prendre la parole. Et c'est normal. Je dirais même que c'est sain. Il y a des grands pays qui exercent leurs responsabilités. Mais le monde bouge à une vitesse stupéfiante. Qu'il y ait la crise ou pas la crise. la France ne peut pas rester immobile. Nous avons la chance de nous appuyer sur une immense culture, une longue histoire, mais cela ne doit pas nous donner prétexte à nous assoupir, à penser que pendant que les autres travaillent davantage, innovent davantage, cherchent davantage, embrassent davantage l'avenir, investissent dans l'éducation, les universités, les technologies £ penser que nous, nous pourrions garder notre rang, notre statut sans remettre en question des habitudes que l'on pouvait avoir il y a cinquante ans, parce que les rôles entre les grandes nations étaient distribués d'avance et que la France avait une place au premier rang.
Maintenant où il n'y a pas de place pré affectée, un grand pays maintenant est grand parce que ses citoyens le désirent, le veulent ardemment. Une population compte dans le monde, une civilisation, une société, un pays, parce qu'on est prêt à faire des efforts pour compter, parce qu'on est prêt à faire des sacrifices pour préparer l'avenir de nos enfants. Si l'on attend comme cela en regardant l'évolution du monde et nous, suivant le monde derrière à petite vitesse, le monde ne nous attendra pas. C'est la politique que j'ai voulu, avec le gouvernement de François Fillon, engager, permettre que la France soit un des pays qui comptent dans le monde d'aujourd'hui.
Mes Chers Compatriotes, quelles que soient vos sensibilités, vos appartenances, vous avez un rôle à jouer, expliquez à vos familles restées en métropole ce qu'est le monde d'aujourd'hui. Aidez la France à ouvrir grand les fenêtres et les portes, pour comprendre dans quel univers vont vivre nos enfants. Ce n'est pas un service à leur rendre de leur laisser à penser que, sans se donner du mal, on peut y arriver. Croyez bien que, qui que vous soyez, d'où que vous veniez, quoi que vous pensiez, quoi que vous ayez voté, ce discours-là, ce propos là, cette pédagogie là, elle compte pour le pays qui est le vôtre.
En bref, si vous voulez bien nous donner un coup de main, ce n'est pas de refus !
Enfin, qu'il me soit permis pour terminer de remercier ceux qui m'entourent, Gérard Cornu et Georges Tron, notre ambassadeur qui vraiment fait un travail remarquable, que je veux saluer tout particulièrement. Je voudrais dire d'abord à Bernard Kouchner et à Eric Besson combien je suis fier qu'ils soient dans le gouvernement de François Fillon et de toute la confiance que je leur porte.
Je veux que vous compreniez, Mes Chers Compatriotes, que lorsqu'on est élu président de la République, on a le devoir d'être le président de tous les Français, pas simplement des Français qui ont voté pour vous. On est aussi président de ceux qui n'ont pas voté pour vous. On est le président des Français qui n'ont pas de problème et on est le président des Français qui ont des problèmes. On est le président des Français qui n'ont jamais fait d'erreur et on est aussi le président des Français qui ont fait des erreurs. C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué aux autorités mexicaines que je souhaitais l'application de la Convention de Strasbourg pour le rapatriement de notre compatriote Florence Cassez. Ce n'est pas à moi de dire si elle est coupable ou si elle est innocente. Ce n'est pas à moi de porter un jugement sur la justice mexicaine. Moi, je suis président de la République française, chaque fois qu'il y aura un Français ou une Française à travers le monde, qui en appellera au chef de l'Etat français, mon devoir c'est de répondre présent dans l'application des conventions internationales et dans le respect de l'Etat de droit et de la démocratie mexicaine que je respecte profondément.
On ne fait pas dans notre pays de grands changements sans grande majorité. Pour moi, c'est important d'avoir Eric Besson et Bernard Kouchner. Je voudrais dire à Anne-Marie Idrac, notre ministre du Commerce extérieur, également toute ma confiance. Et vous comprendrez que je garde pour la fin cette jeune Italienne devenue Française qui fait tant de bien à la France. Merci Carla.