21 décembre 2008 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans "Folha de Sao Paulo" du 21 décembre 2008, notamment sur la crise financière et sur les relations franco-brésiliennes.

Q - Qu'entendez-vous par l'expression "refonte du capitalisme", que vous avez utilisée lors de la crise financière ?
R - Ma conviction, c'est que la crise financière que nous traversons aujourd'hui n'est pas la crise du capitalisme £ c'est la crise d'un système qui s'est éloigné des valeurs les plus fondamentales du capitalisme. C'est la crise d'un système qui a progressivement donné la primauté au spéculateur sur l'entrepreneur. C'est la crise d'un système qui a poussé les acteurs à prendre de plus en plus de risques, et des risques de plus en plus inconsidérés. C'est la crise d'un système qui a laissé les banques spéculer sur les marchés au lieu de faire le métier, qui est de financer l'investissement et le développement. Le capitalisme ce n'est pas la loi de la jungle, ce n'est pas l'irresponsabilité généralisée, ce n'est pas la primauté de la spéculation.
Quand je parle de refonder le capitalisme, je veux dire que nous devons revenir aux vraies valeurs de l'économie de marché, celles qui mettent l'entrepreneur et le développement au coeur de l'économie. Nous devons reconstruire un capitalisme régulé, un capitalisme où les banques font leur métier, un capitalisme où la prise de risque est mesurée, assumée, où les agences de notation ont un comportement irréprochable et sont contrôlées, un capitalisme fondé sur la transparence et non sur l'opacité. C'est cela que j'ai proposé, et c'est cela que nous avons commencé à construire, tous ensemble, le 15 novembre dernier lors de la réunion du G20 à Washington.
A Washington, les plus grandes économies du monde se sont entendues sur la nécessité d'une relance au niveau mondial, d'une nouvelle régulation des marchés financiers, d'une nouvelle gouvernance économique mondiale, plus ouverte aux pays émergents, et enfin sur le refus du protectionnisme. Le sommet a également permis des avancées extrêmement concrètes en matière de surveillance des agences de notation, d'amélioration de la régulation, notamment en matière comptable et prudentielle, ou encore en ce qui concerne la politique de rémunération dans les banques. Nous avons également décidé d'ouvrir le Forum de stabilité financière aux pays émergents.
Le sommet de Washington a marqué un tournant. J'ajoute que ce que nous découvrons depuis sur les pratiques de certains financiers et les lacunes dans la régulation telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui nous conforte dans l'idée qu'il faut changer rapidement les choses pour redonner confiance aux épargnants, aux investisseurs, à tout le monde. Je ne doute pas que le prochain G20, en Grande-Bretagne le 2 avril prochain, permettra d'aller encore plus loin.
Q - Jusqu'à présent, tous les grands programmes d'aide aux banques mis en place par des gouvernements du monde entier n'ont produit que de maigres résultats s'agissant de l'accès au crédit. Que se passe-t-il ? Que manque-t-il pour que revienne la confiance, facteur indispensable à l'activité économique ?
R - Les programmes que vous évoquez ont déjà permis d'éviter que le système financier mondial ne s'effondre totalement. Ce n'est pas ce que j'appelle un maigre résultat. N'oubliez pas que nous sommes passés à deux doigts de la catastrophe, lorsqu'avec la faillite de la banque Lehman Brothers nous sommes passés d'une crise financière grave à ce que les économistes appellent une crise "systémique", c'est-à-dire une crise de confiance généralisée au sein du système financier et un risque de faillites en série des institutions financières. C'est que nous avons fait en Europe en adoptant un plan de sauvetage qui comprenait des garanties importantes, notamment sur les prêts interbancaires qui sont le poumon du système financier, et en intervenant ponctuellement pour aider à un certain nombre de banques en difficulté.
La situation du crédit est-elle pour autant revenue à la normale ? Evidemment non, les choses prennent du temps. En France, j'ai rencontré à plusieurs reprises les représentants des banques et j'ai été très clair sur ce point : ceux que nous aidons à travers les banques ce sont les entreprises et les ménages et pas les actionnaires des institutions financières. Nous avons d'ailleurs créé un "Monsieur Crédit", dont la mission est de s'assurer que les petites et moyennes entreprises ont effectivement accès aux financements. Il sert de médiateur. 50 000 contacts ont été pris par des chefs d'entreprise ou des ménages pour avoir des renseignements. 2 500 dossiers complets ont été traités et cela a permis d'approfondir les décisions des banques dans 500 cas et d'éviter des faillites. Nous ne nous contentons ni de principes, ni d'injections de milliards. Nous regardons au cas par cas comment résoudre les difficultés. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que je resterai extrêmement vigilant sur ce point. Je ne baisserai pas la garde.
La priorité maintenant, c'est de redonner confiance aux acteurs économiques par des mesures de relance adaptées. Notre responsabilité, à nous les dirigeants, c'est d'envoyer des signaux politiques forts, et le premier d'entre eux, c'est de continuer à coordonner de manière étroite nos efforts, comme nous nous y sommes engagés dans la déclaration de Washington. C'est ce que nous avons fait au niveau de l'Union européenne lors du dernier Conseil européen des 11-12 décembre.
Q - De nombreuses voix critiquent l'action de l'Union européenne lors de la crise. L'Union européenne aurait été incapable d'agir conjointement, même si chaque pays membre a pu prendre la bonne décision. Cela évoque la phrase célèbre d'Henry Kissinger "si je veux parler avec l'Europe, quel numéro dois-je composer ?". L'Europe manque-t-elle d'une capacité d'action commune, d'un budget unique plus consistant, d'une orientation politique plus forte ?
R - Ce que nous avons vu ces dernières semaines, c'est très exactement l'inverse de ce que vous venez de décrire. Nous avons vu une Europe unie, une Europe déterminée, une Europe qui a agi. Non seulement l'Europe a réagi de manière coordonnée face à la crise, mais elle a en plus été à l'avant-garde des initiatives qui ont été prises au niveau mondial. C'est le plan adopté par les Européens le 12 octobre au sommet de la zone euro puis les 15-16 octobre au Conseil européen qui a inspiré le plan américain dit "Paulson 2". C'est aussi l'Europe qui a proposé et obtenu la réunion du G20 à Washington qui a débouché sur l'adoption de mesures extrêmement concrètes, et qui se réunira à nouveau le 2 avril prochain à Londres. Et c'est encore l'Europe qui, lors du Conseil européen qui s'est tenu la semaine dernière, a été parmi les premières à mettre en oeuvre les orientations décidées à Washington.
Vous le voyez, l'Europe dans cette crise, elle avait non seulement un numéro de téléphone, mais elle avait surtout une volonté et une solidarité inébranlables.
Cette Europe unie et à l'avant-garde, c'est aussi celle qui a mis fin à la crise russo-géorgienne de l'été, et c'est celle qui, avec le sommet UE-Brésil, termine un semestre de Présidence française de l'Union qui aura permis des avancées historiques, que ce soit dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, où l'Europe s'est dotée des ambitions les plus hautes et des règles les plus exigeantes dans le monde, mais aussi dans le domaine de la défense ou encore de l'immigration. Plus que jamais l'Europe a aujourd'hui conscience qu'elle n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle est unie.
Q - Pourquoi aucun gouvernement, en Europe, dans les Amériques ou en Asie n'a-t-il anticipé le "tsunami" qui s'annonçait ?
R - Il est faux de dire que nous n'avons rien vu venir. En août 2007, j'avais écrit à la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays présidait alors le G8, sur la nécessité d'améliorer radicalement la transparence des marchés. Et le mois suivant, en septembre 2007 - c'est-à-dire il y a déjà plus d'un an - nous avons lancé un appel commun en faveur d'un "code de conduite" pour les fonds spéculatifs.
Ce qui est vrai en revanche, c'est que l'ampleur et la violence de cette crise a surpris. D'abord, parce que cette crise est précisément liée à une l'insuffisante transparence, et je dirais même à une certaine opacité, des systèmes financiers, liée à la dissimulation des risques. Il est très difficile dans ces conditions de savoir comment réagir. Le système était devenu d'une telle complexité que ceux qui achetaient des titres ne savaient même plus ce qu'ils achetaient, et que personne, pas même les vendeurs, n'étaient capables d'évaluer le niveau de risque des produits. C'est pour cela qu'il est essentiel de remettre de la transparence dans le système financier international. La deuxième chose, c'est que, comme je vous l'ai dit, la crise a changé de nature et de dimension lorsqu'elle est devenue systémique après la faillite de Lehman Brothers.
Aujourd'hui, nous devons tirer toutes les leçons de cette crise et améliorer notre capacité d'anticipation. Les mécanismes d'alerte précoce que nous mettons en place seront déterminants, mais nous devons aussi améliorer radicalement notre capacité d'action collective, c'est-à-dire réformer la gouvernance économique mondiale. Si l'on prend l'exemple du FMI, il faut renforcer son mandat, afin qu'il puisse effectivement surveiller le système financier mondial et tirer au besoin les sonnettes d'alarme. Mais pour qu'il puisse le faire, il doit être légitime c'est-à-dire plus représentatif.
Q - Vous vous montrez favorable à l'élargissement du G8, en voulant transformer le G20 en nouveau "gérant" économique et financier de la planète. Mais, lors du sommet de Washington, la formalisation du G20 en tant que tel n'a pas abouti. Proposez-vous que cela se fasse lors du sommet de Londres, en avril prochain ?
R - Je considère que la réforme de la gouvernance mondiale n'est pas une option. C'est une nécessité, et c'est une urgence. Qui peut imaginer aujourd'hui pouvoir régler les problèmes du monde sans des pays comme la Chine, comme l'Inde, et bien sûr comme le Brésil ? Cela n'a pas de sens. Nous sommes au 21ème siècle et nous vivons avec les institutions du 20ème siècle. Il faut changer cela. Je l'ai redit en septembre à la tribune de l'Assemblée générale des Nations unies : nous ne pouvons plus attendre pour élargir le Conseil de sécurité des Nations unies, notamment au Brésil, et nous ne pouvons plus attendre pour élargir le format du G8. En tout cas, vous pourrez compter sur ma détermination pour que l'on avance sur cette question. Je me réjouis d'ailleurs que l'Italie, qui présidera le G8 en 2009, ait déjà prévu que la deuxième journée du sommet réunira le G8 et les cinq grands émergents qui participent au processus de Heiligendamm. C'est la preuve que les choses sont en train d'évoluer.
En ce qui concerne le G20 de Washington, les choses sont un peu différentes. L'objectif du G20 n'était pas d'institutionnaliser un nouveau format pour remplacer le G8, mais de trouver le meilleur cadre pour répondre de manière coordonnée et efficace à la crise financière la plus grave que le monde ait connu depuis celle des années 1930.
Pour être tout à fait franc, j'aurais souhaité, à titre personnel, que l'Afrique puisse être également présente à cette réunion, et je l'ai fait savoir à nos partenaires. Mais c'est déjà une très bonne chose que nous soyons parvenus à convaincre tout le monde qu'il fallait ce large rassemblement pour que notre réponse à une crise de cette ampleur soit crédible et efficace.
Q - Comment évaluez-vous l'action du gouvernement brésilien, au sein du G20 mais aussi en vue d'une stabilisation en Amérique du Sud ou en Amérique latine ?
R - La contribution du Brésil au sein du G20 est décisive £ elle est exigeante, car le président Lula est un homme de conviction qui sait toujours faire valoir ses arguments avec force et détermination, et elle est constructive, car le président Lula est avant tout un homme de modération et de dialogue.
Le rôle que joue le Brésil dans la région est essentiel et extrêmement positif. Le Brésil est un facteur de modération, de stabilité et d'intégration régionale.
Sur la question de l'intégration régionale, je crois beaucoup à l'approche que privilégie le Brésil, fondée sur des projets concrets, notamment en matière d'infrastructure ou d'énergie. Je suis convaincu, en effet, que c'est par des réalisations concrètes que l'ont peut emporter l'adhésion des peuples, qui est une dimension essentielle pour une intégration réussie. Le Brésil a également proposé de nouvelles structures de dialogue politique comme l'UNASUL ou le conseil de défense qui seront très utiles. Cet attachement à l'intégration régionale s'illustre aussi dans les concessions unilatérales que le Brésil a pu faire dans le domaine économique ou commercial, au bénéfice de ses partenaires du MERCOSUL afin de réduire les asymétries entre les membres de ce groupe. Ces décisions n'étaient pas faciles à prendre £ elles requéraient un certain courage et une vraie vision, mais c'était un geste essentiel pour mieux faire accepter l'intégration par les autres membres du groupe.
Enfin, je veux saluer la modération du Brésil face aux revendications de ses voisins, souvent dirigées contre ses intérêts. Le Brésil a su réagir avec lucidité et discernement car il a compris que ces pays cherchaient avant tout à conquérir une plus grande souveraineté économique, à accroître la participation de tous leurs citoyens au débat politique et à réduire leurs inégalités. C'est la preuve d'une grande maturité politique et démocratique.
Q - Le président Luiz Inácio Lula da Silva est un obsédé assumé de l'éthanol (de canne à sucre, pour être bien clair) comme étant à l'origine de ce qu'il appelle une "révolution" dans le domaine de l'énergie mondiale mais aussi propice au développement des pays les plus pauvres qui cultivent la canne à sucre. Partagez-vous cet enthousiasme ? Si oui, pourquoi l'Union européenne maintient-elle des barrières contre l'importation d'éthanol brésilien ?
R - La vision, l'audace et le sens de l'innovation dont a fait preuve le Brésil en étant parmi les premiers pays à s'engager dans la voie des biocarburants méritent d'être salués. Votre pays est aujourd'hui leader mondial dans l'utilisation de biocarburants pour les voitures particulières, c'est une performance remarquable.
La France est favorable au développement de la filière des biocarburants. Avec nos partenaires européens, nous nous sommes engagés dans un programme ambitieux de développement des biocarburants qui doivent contribuer à répondre à nos objectifs pour lutter contre le changement climatique et réduire la dépendance énergétique. Dans le cadre du paquet "énergie-climat", une directive européenne sur les énergies renouvelables a été adoptée pour confirmer l'objectif de développement des biocarburants, tout en étant exigeant sur leur qualité environnementale. Pour atteindre ces objectifs, nous comptons d'une part sur la production développée par ses Etats membres mais nous aurons également besoin de recourir aux importations. Or, comme vous le savez, le Brésil est déjà de loin le premier fournisseur d'éthanol de l'Union européenne.
Je voudrais toutefois ajouter que la récente crise alimentaire mondiale, et l'impact de la production de biocarburants sur les prix alimentaires, dont l'analyse divise beaucoup les experts et les dirigeants du monde entier, m'a décidé à aller plus vite vers le soutien au développement des biocarburants de la nouvelle génération, qui permettront sur la même surface agricole de produire cinq fois plus. En faisant cela, on ne pénalisera pas les pays qui ont fait le choix des biocarburants, comme le Brésil, mais en même temps, on pourra réserver le maximum d'hectares à la production agricole. Car ce sont plus de 900 millions de personnes qui souffrent de la faim dans le monde.
Q - Une question incontournable: la France est toujours accusée d'être la championne du protectionnisme en Europe, d'être le principal obstacle à la libéralisation du commerce des denrées agricoles, qui pourrait permettre d'aboutir à un accord dans le cadre des négociations du cycle de Doha. Que répondez-vous à ces critiques ?
R - C'est une critique très injuste : aucune autre zone commerciale au monde n'est aussi ouverte au commerce international que l'Union européenne, qui regroupe - je le rappelle - près de 500 millions de consommateurs. L'Europe a toujours soutenu activement la conclusion du cycle de Doha, pourvu qu'elle se fasse sur la base d'un accord ambitieux et équilibré. C'est ce que nous avons rappelé à Washington et c'est encore ce que le Conseil européen de décembre a confirmé.
Sur la question agricole, je voudrais rappeler que la dernière réforme de la Politique agricole commune (PAC), en 2003, a permis une baisse significative des principaux soutiens européens. Les subventions ont fortement diminué £ les réformes des secteurs du lait et du sucre par exemple ont permis une réduction des prix garantis et les prix d'intervention ont diminué £ par ailleurs, l'Union européenne a réduit très fortement l'utilisation des restitutions à l'exportation. Nous avons poursuivi dans cette voie pendant la Présidence française avec l'adoption du bilan de santé de la PAC. L'Europe souhaiterait que tous les pays aient fait autant d'efforts qu'elle en la matière.
J'ajoute que le marché européen est déjà largement ouvert aux produits agricoles et agroalimentaires, que ce soit dans le cadre de régimes préférentiels comme le "Système de préférences généralisées", des accords de partenariat économique avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique ou des accords de libre-échange.
Q - Comment définissez-vous le sens de votre visite au Brésil ?
R - L'objectif de ma visite au Brésil est double : il s'agit, d'une part, de donner corps au partenariat stratégique entre l'Union européenne et le Brésil que nous avons lancé en juillet 2007. Pour cela, je souhaite que nous nous fixions des objectifs concrets, ambitieux et réalistes dans plusieurs domaines où nous avons un intérêt commun. C'est dans cet esprit que nous signerons demain un plan d'action conjoint qui mettra l'accent sur un certain nombre de priorités : l'approfondissement de notre dialogue politique, le développement de notre coopération sur les grands défis mondiaux comme l'environnement, l'énergie ou la sécurité alimentaire, et enfin la mise en oeuvre de projets concrets en matière d'innovation technologique, d'éducation, ou en pays-tiers.
Mais j'accorde une très grande importance également au volet bilatéral de ma visite. Le président Lula et moi-même avons décidé lors de notre rencontre en Guyane en février dernier de donner une nouvelle impulsion à nos relations. Derrière les mots, nous voulons que le Partenariat stratégique qui nous lie depuis 2006 repose sur des réalisations très ambitieuses. Pour nous deux, ce partenariat doit être global, c'est-à-dire recouvrir des aires de coopération à la fois dans le domaine civil et de la défense £ il doit être authentique, c'est-à-dire qu'il doit reposer sur des projets concrets, et pas seulement sur des professions d'amitié, aussi sincères et profondes soient-elles £ il doit aussi être équilibré, c'est-à-dire que nos deux pays en retireront chacun des avantages importants. Mais notre partenariat est avant tout cohérent, en ce sens que notre soutien à l'accession du Brésil au Conseil de sécurité comme membre permanent ou à un G8 élargi et notre coopération dans des secteurs civils et de défense très stratégiques forment un tout. C'est l'interface de la même médaille. Ce n'est pas une relation de fournisseur à client £ c'est une relation entre partenaires, fondé sur le dialogue politique et les transferts d'expériences et de technologies.
Nous avons bien travaillé au cours des derniers mois. Ma visite sera l'occasion d'annoncer aux côtés du président Lula des progrès sans précédents. Plusieurs accords très importants seront signés, dans le domaine du développement durable, de l'enseignement professionnel, de la défense, de l'espace, etc. Mais pour moi, il ne s'agit que d'une étape, aussi importante soit-elle. Avec le Brésil, c'est un partenariat qui est fait pour durer.
Q - L'élection présidentielle de 2007 a été suivie depuis le Brésil au travers d'un prisme classique: la droite, représentée par Nicolas Sarkozy, contre la gauche, représentée par Ségolène Royal. Mais votre action a surpris de nombreux observateurs, non seulement en raison de l'appel fait à des socialistes de poids pour rejoindre le gouvernement mais aussi en raison de positions difficilement associables à la droite. Sarkozy a-t-il changé ? Le monde a-t-il changé ? La distinction classique droite/gauche a-t-elle perdu son sens ? Si vous étiez journaliste, comment définiriez-vous le président Nicolas Sarkozy en 3 lignes ?
R - Dès le lendemain de mon élection, j'ai choisi de faire appel à un gouvernement d'ouverture, en allant chercher les talents et les compétences bien au-delà de ma famille politique. Cette ouverture, je n'en avais pas besoin arithmétiquement, mais je l'ai voulue parce que mon projet pour la France est ambitieux, et que lorsqu'on veut mener de grandes réformes, il faut une grande majorité. L'ouverture répond aussi à une conviction profonde : celle que le président doit être le président de tous les Français, qu'il ne peut pas être l'homme d'un seul parti, d'un seul clan. Le rôle du président de la République, c'est de rassembler. Je dois travailler pour tous les Français : ceux qui m'ont choisi, mais aussi ceux qui n'ont pas voté pour moi.
Cela remet-il en cause l'existence d'une droite et d'une gauche ? Absolument pas. J'ai été élu sur programme de gouvernement très clair, et les personnalités de gauche qui m'ont rejoint l'ont fait en connaissant mon projet et pour le mettre en oeuvre. Mais je ne vois pas pourquoi j'aurais dû me passer de leurs talents au seul motif qu'ils n'appartenaient pas à ma famille politique.
Sur le plan des idées, j'ai toujours pensé que ma famille politique devait refuser tout autant l'idéologie que la caricature. Le rôle d'un parti politique, c'est d'être en permanence à l'écoute des citoyens, c'est de s'adapter aux évolutions du monde, c'est de savoir se remettre en question et faire évoluer ses idées. Pour cela, il faut savoir faire preuve de pragmatisme et aller chercher les bonnes idées là où elles sont, même si c'est dans un autre pays ou dans une autre famille politique. Considérer que seules valent les idées que l'on a soi-même eues, c'est faire preuve d'un orgueil bien mal placé, et c'est surtout ne pas être à la hauteur de ses responsabilités pour un décideur public. En tout cas, ce n'est pas ma conception de la politique.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 décembre 2008