23 octobre 2008 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les mesures de soutien à l'économie face à la crise économique internationale, à Argonay (Haute-Savoie) le 23 octobre 2008.


Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, cher Bernard,
Madame et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Et si vous me le permettez, Chers amis,
Dans la crise de confiance qui frappe l'économie mondiale nous avons plus que jamais besoin de vérité.
Le doute est le principal ennemi que nous ayons à combattre et le doute grandira si les Français ont le sentiment qu'on leur cache quelque chose. Je ne crois pas du tout, bien au contraire, que l'on redonnera le moral aux Français, qu'on leur rendra confiance dans l'avenir, en leur dissimulant l'ampleur de la crise financière, en faisant semblant de croire qu'elle n'aura aucune conséquence sur l'activité, sur l'emploi et sur le pouvoir d'achat.
Dire la vérité, c'est peut-être risqué. Mais, à mes yeux, c'est moins risqué que le mensonge.
Dire la vérité, c'est nécessaire si l'on veut que les Français puissent avoir confiance, si l'on veut que la parole de l'État soit crédible.
Dire la vérité, c'est la ligne de conduite que je me suis fixée.
J'ai dit la vérité aux Français sur la gravité de la crise financière.
Cette crise, il fallait d'abord essayer de la maîtriser.
Il a fallu prendre des mesures pour rassurer les déposants que vous êtes sur la solidité de notre système bancaire.
Il a fallu trouver les moyens pour que les banques puissent se financer, pour qu'elles recommencent de se prêter les unes aux autres.
Il a fallu leur apporter des fonds propres pour leur permettre de continuer à prêter pour financer l'économie.
Il a fallu qu'avec le Premier ministre et le gouvernement nous sauvions une Banque, Dexia, qui était au bord de la faillite.
Alors que les marchés financiers ne fonctionnaient plus, que l'argent ne circulait plus, que la confiance entre les banques n'existait plus, il a fallu que l'État intervienne, il était le seul à être crédible pour le faire. Il a fallu que l'État apporte sa garantie et son crédit à hauteur de 320 milliards d'euros pour la liquidité des banques et de 40 milliards d'euros pour leurs fonds propres.
Ce sont des engagements considérables dont l'ampleur même permettra de rétablir la confiance pour que tout redémarre sans rien coûter aux contribuables. L'intelligence de notre plan réside dans le fait que les banques payeront pour bénéficier de la garantie de l'État et des apports en fonds propres. J'ai dû prendre la décision d'intervenir massivement pour que le système ne s'effondre pas mais en posant comme condition que ces fonds soient rémunérés par ceux qui les utiliseront.
A situation exceptionnelle, il a fallu un engagement exceptionnel. C'est ce que l'État a fait. C'est ce que les banques centrales ont fait.
C'était indispensable pour sauver les économies des Français parce que les banques reçoivent, partagent et utilisent l'argent des épargnants.
C'était indispensable pour que les entreprises et les ménages ne soient pas privés de crédits, pour que toute l'activité économique ne se retrouve pas paralysée. Et c'était indispensable pour éviter ce qui s'est passé dans les années 30 quand l'effondrement du système bancaire a plongé l'économie mondiale dans ce qui est resté dans l'histoire comme la plus grande crise économique du XXe siècle.
Mesdames et Messieurs, il y a eu des dérives, il y a eu des erreurs, il y a eu des fautes dans la gestion des institutions financières. Il faut en tirer les conséquences. Il faut établir des responsabilités. Ceux qui ont fauté doivent partir, être sanctionnés, être changés. Ce n'est pas du tout désigner un bouc émissaire, c'est assurer la logique de l'économie de marché. Il n'y a pas de liberté sans responsabilité, il n'y a pas de droit sans devoir. Quand il s'agissait de se répartir les bonus, les bénéficiaires étaient facile à identifier, quand il y a des malus, l'adresse doit être la même ! Mais si l'État, chère Christine LAGARDE, n'avait pas agi puissamment et si l'on avait laissé tomber les banques, comme les Américains l'ont fait, hélas, avec Lehmann Brothers le 15 septembre 2008, ce sont les travailleurs, les retraités, les épargnants qui en auraient payé le prix fort. Ce sont les PME qui n'auraient plus trouvé, cher Jean-François ROUBAUD, à se financer. C'eut été une politique irresponsable. Je ne l'ai pas voulue et j'ai assumé mes responsabilités avec le gouvernement.
Mais la crise n'est pas finie. Et elle aura des conséquences.
Cette crise n'est pas une crise française. Ce n'est pas une crise européenne. C'est une crise mondiale.
Cette crise, ce n'est pas une crise conjoncturelle. Ce n'est pas un accident. C'est une crise structurelle.
Cette crise n'est pas une parenthèse qui sera bientôt refermée.
Et je veux affirmer que désormais plus rien dans l'économie mondiale ne sera comme avant. Vouloir continuer avec les mêmes idées, les mêmes habitudes, les mêmes pratiques qu'auparavant serait une erreur fatale.
S'il y a bien un fait majeur qui émerge de cette crise, c'est le retour de la politique.
Cette crise dont il est clair désormais qu'elle ne peut se résoudre sans une intervention massive des États, cette crise qui appelle d'urgence un nouvel ordre économique, financier, monétaire, cette crise exprime au fond un besoin profond de politique.
Le politique, on avait cru pouvoir s'en passer. On avait cru que tout allait pouvoir être résolu par l'autorégulation, par les experts, par la libre concurrence et par le marché.
Désormais, il y aura plus de politique. Parce que l'idéologie de la dictature des marchés et de l'impuissance publique est morte avec la crise financière. Elle avait d'ailleurs déjà été remise en cause par la prise de conscience de la montée de la rareté, par le réchauffement climatique, par les catastrophes écologiques que seuls les États peuvent essayer de conjurer.
La crise financière, la défaillance des marchés, les interventions des États pour sauver les banques, les nationalisations totales ou partielles d'institutions financières et de compagnies d'assurance, y compris en Grande-Bretagne, le recours aux banques centrales et aux États pour faire l'intermédiation financière que le système bancaire mondial ne parvenait plus à faire, tout concourt à ce que nous nous interrogions sur la redéfinition du rôle de l'État dans l'économie. Et c'est au fond un nouveau rapport entre la démocratie et l'économie qui se dessine.
C'est une révolution intellectuelle et morale qui est en train de s'opérer et qui va continuer.
On ne pourra pas, après cette crise, continuer de gouverner le monde avec les outils, les institutions, les idées du passé.
Je vous le dis : cette crise marquera sans doute pour l'histoire le commencement véritable du XXIe siècle, le moment où tout le monde aura compris qu'il était temps de changer, temps de donner un nouveau visage à la mondialisation, temps de construire un nouvel ordre mondial, politique, économique, social, assis sur de nouveaux principes et de nouvelles règles.
Au nom de l'Europe, en tant que président de l'Union européenne, j'ai proposé que se tienne d'ici à la fin de l'année, un sommet mondial pour que soient discutés et décidés ces nouveaux principes, ces nouvelles règles. Une sorte de nouveau Bretton Woods qui remettrait à plat l'organisation née après la deuxième guerre mondiale qui n'est plus adaptée à notre époque. Qu'est-ce qui ne va pas ? Le XXIe siècle ne peut vivre avec les institutions du XXe.
Ce sommet aura lieu aux États-Unis, le 15 Novembre.
Cette réunion, je vous le dis, mes chers compatriotes, ne doit pas être un rendez-vous pour rien. Et je n'irai pas pour assister à un rendez-vous manqué. Si nous réussissons ensemble, avec tous les responsables politiques des grands pays industrialisés et des grands pays émergents, à définir ces nouvelles institutions, ces nouvelles règles dont l'économie globale a besoin, alors nous aurons une chance que de cette crise sorte un monde meilleur que celui d'avant.
Nous n'avons pas le droit d'échouer parce que l'échec signifierait que ce qui sortira de la crise sera pire qu'avant.
Nous n'avons pas le droit d'échouer sinon nous risquons d'être confrontés partout à la révolte des classes populaires et des classes moyennes qui rejetteront une mondialisation qu'elles ne vivront plus comme une promesse mais comme une menace, non plus comme une source d'espérance mais comme une cause d'injustice.
Nous n'avons pas le droit d'échouer sinon nous risquons d'être confrontés partout à la révolte des classes populaires et des classes moyennes qui rejetteront une mondialisation qu'elles ne vivront plus comme une promesse mais comme une menace, non plus comme une source d'espérance mais comme une cause d'injustice.
Il y a aujourd'hui dans le monde une exigence de moralisation, de transparence, de protection, d'équité, de régulation à laquelle il faut que les responsables politiques de la planète répondent. C'est notre responsabilité. Nous devons l'assumer, maintenant, pas dans six mois.
Nous avons une tâche immense à accomplir : refonder le capitalisme mondial en redonnant le premier rôle à l'entrepreneur et au travailleur et non plus au spéculateur, nous devons faire en sorte que la finance soit mise au service des entreprises, de la production, de l'innovation, du développement économique et non plus seulement au service d'elle-même.
Ce ne sont pas les experts qui le feront. D'ailleurs, ils sont plus discrets aujourd'hui. Ce sont les responsables politiques qui le feront parce que ce n'est pas un choix technique devant lequel je me trouve aujourd'hui. C'est un choix politique et parce que ceux qui sont responsables de la situation actuelle ne peuvent pas être ceux qui trouveront les solutions pour en sortir.
Le monde change : il n'a pas fallu plus de quelques semaines pour que cette idée s'impose alors qu'il y a un mois c'était encore impensable.
Mais dans ce monde qui change, l'Europe change, enfin. L'Europe technocratique, l'Europe où il n'y avait plus de politique, l'Europe qui ne débattait pas, l'Europe qui ne décidait pas, l'Europe qui n'agissait plus, cette Europe là elle est en passe de céder la place à une Europe politique, qui décide, qui agit, qui réfléchit. Parfois on me dit que je vais trop vite, mais le monde change vite.
Ce qui s'est passé en Europe depuis trois semaines montre que la volonté politique, c'est ce qui est le plus important. On disait que l'Europe était en panne, qu'elle était paralysée et voilà qu'elle a su trouver son unité face à la crise, au point, mes chers compatriotes, que l'Europe est devenue la principale force d'initiative et que c'est maintenant autour de ses idées et de ses propositions que le débat s'organise. Qui l'eût dit, qui l'eût cru, il y a encore quelques semaines ?
Voilà donc une Europe qui se met à exister parce qu'elle se montre capable de parler d'une seule voix, pour faire valoir ses idées, ses valeurs, ses convictions, ses intérêts.
La réponse la plus forte à la crise financière, c'est l'Europe qui l'a donnée. Le sommet mondial pour refonder le capitalisme, c'est l'Europe qui l'a proposé. Le nouvel ordre mondial, c'est autour des propositions de l'Europe qu'il se construira.
Mais l'Europe ne doit pas s'arrêter là. Le mouvement est lancé, il faut le poursuivre. Il faut que l'Europe se donne les moyens de jouer le rôle qui doit être le sien dans le monde nouveau qui est en train de naître.
Il faut que l'Europe se prépare. Il ne faut pas qu'elle soit la variable d'ajustement du nouvel ordre mondial. Il ne faut pas qu'elle soit naïve, il ne faut pas qu'elle laisse ses entreprises à la merci de tous les prédateurs, il ne faut pas qu'elle soit la seule au monde à ne pas défendre ses intérêts, à ne pas protéger ses citoyens. Il faut que l'Europe tire les leçons de ce qui s'est passé.
Dans le monde qui vient, Elle aura besoin d'un plus grand volontarisme que par le passé. Elle aura besoin d'une politique commerciale pour répondre aux dumpings de toutes sortes. Elle aura besoin de politiques industrielles. Elle aura besoin de politiques économiques. L'Europe ne peut pas être la seule au monde à ne pas en avoir. Elle ne peut pas être la seule à faire de la concurrence une fin en soi quand toutes les autres régions du monde ne se servent de la concurrence que comme d'un moyen.
Elle ne peut pas être la seule à imposer des contraintes écologiques sans prendre des mesures de compensation afin que nos entreprises ne soient pas pénalisées par une concurrence déloyale venant de pays où on ne se préoccupe pas de la défense de l'environnement, du dumping monétaire, fiscal, social. Nous n'accepterons pas le dumping environnemental.
L'Europe ne peut pas être la seule à ouvrir ses marchés sans une condition de réciprocité.
L'Europe ne peut pas avoir une monnaie unique et une absence totale de politiques économiques.
La monnaie unique n'appelle pas à la disparition des politiques économiques mais à leur coordination. C'est encore plus vrai, tout le monde le sent bien, face à la crise économique que nous connaissons.
Ce que l'Europe a fait face à la crise financière, elle doit le faire face à la crise économique. Elle doit le faire en dehors même des crises pour éviter justement qu'il y en ait d'autres.
Plus que jamais l'Europe prend conscience qu'elle a besoin d'un véritable gouvernement économique dont elle vient d'expérimenter ce qu'il pourrait être et l'utilité qu'il pourrait avoir. Ce gouvernement économique, c'est tout naturellement l'Eurogroupe qui doit en être le cadre. Mais l'Eurogroupe non pas comme aujourd'hui au seul niveau des ministres des Finances mais au niveau politique le plus élevé, celui des Chefs d'État et de gouvernement qui débattent et qui décident ensemble en prenant leur responsabilité face à la crise économique comme ils l'ont fait le 12 octobre à Paris. Je veux vous dire ma stupéfaction. Nous avons la même monnaie, la même banque, nous devons donc réunir les chefs d'États et de gouvernement. On m'a dit : vous innovez et cela ne se fait pas. Etrange ! En huit ans, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ne s'étaient pas réunis une seule fois. Il a fallu attendre cette crise pour que cette réunion ait lieu
Je veux dire la vérité aux Français sur la crise économique. Cette crise est là.
Nous ne savons pas qu'elle en sera la durée, qu'elle en sera la profondeur mais nous savons que le ralentissement de l'activité a déjà commencé et qu'il va se poursuivre.
Face à cette crise qui monte, l'Europe ne peut pas rester inactive. Il faut répondre par des mesures de soutien à l'activité.
Comme pour les banques, il a fallu un peu de temps pour que l'idée qu'il était nécessaire d'agir finisse par s'imposer. Mais j'observe que désormais presque tous les pays l'envisagent sérieusement. Je crois toujours que si la situation devait continuer à se dégrader, il faudrait une initiative commune forte.
En attendant, il nous faut agir sans tarder davantage à notre échelle.
Puisque l'origine des difficultés économiques est dans la crise du crédit et de la confiance, les premières mesures doivent d'abord essayer de résoudre celles-ci.
C'est ce que nous avons fait en recyclant au profit des PME à hauteur de 22 milliards d'euros les excédents de placements garantis.
C'est ce que nous avons fait en permettant à OSEO d'offrir davantage de garanties pour les PME qui souhaitent emprunter.
C'est ce que nous venons de faire avec la première tranche de fonds propres alloués aux banques pour un montant de 10 milliards et demi d'euros qui leur permettra de distribuer, comme elles s'y sont engagées, 75 milliards d'euros de crédits supplémentaires à l'économie.
C'est ce que nous allons faire en apportant les garanties nécessaires aux assureurs de crédit pour qu'ils continuent d'offrir aux entreprises les assurances dont elles ont besoin pour pouvoir obtenir les financements sans lesquels elles ne pourront pas poursuivre leur activité. A cet effet, j'ai demandé à Christine LAGARDE d'engager des discussions avec les assureurs crédits et la Caisse centrale de réassurance pour définir les moyens qui lui permettront de porter ces engagements sur son bilan.
Pour satisfaire leurs besoins de financements des entreprises, je souhaite que l'on accélère le remboursement du crédit d'impôt recherche en mobilisant auprès d'OSEO les créances fiscales correspondantes. Je te demande, chère Christine de mettre en oeuvre sans délai le dispositif de validation fiscale du crédit d'impôt recherche prévu par la loi que tu as fait voter.
Pour résoudre les difficultés les plus criantes et assurer le dialogue nécessaire entre les banques et leurs clients, dialogue que je veux d'égal à égal, j'ai décidé de nommer un médiateur en la personne de René RICOL, Président d'honneur de la Compagnie nationale des Commissaires aux comptes, dont la compétence est reconnue par tous. Je veux que toute entreprise qui aurait un problème de crédit auprès de sa banque puisse appeler le médiateur national et que les financements que nous avons garantis et les fonds propres que nous avons mis à la disposition des institutions financières et des banques se retrouvent dans le financement des PME. Non pas dans les discours mais dans les faits. On fera un travail méthodique, département par département, pour voir ce qu'il en est dans la réalité. Je veux d'ailleurs mobiliser tous les moyens de l'État. Je réunirai la semaine prochaine tous les Préfets et tous les trésoriers payeurs généraux pour leur demander d'assurer un suivi précis de l'évolution du crédit dans leur département, recenser les situations qui posent des problèmes et publier banque par banque, département par département la politique de crédit des établissements financiers. Je ne me contenterai pas de bonnes paroles. De slogans ou de promesses qui ne seront pas tenues. Je veux sur le terrain vérifier les choses.
Mais nous ne pouvons pas répondre aux difficultés actuelles que par des mesures conjoncturelles. Nous devons penser la sortie de la crise économique en fonction des changements structurels qui sont en train de s'opérer. Notre stratégie économique ne doit pas seulement nous permettre de passer au mieux un moment difficile, de nous permettre de nous donner les meilleures chances possibles de réussir dans le monde tel qu'il est en train de se réorganiser.
Dans ce monde, la concurrence ne sera pas plus douce mais sera plus dure. Pour pouvoir vendre nos produits, attirer les investissements, garder nos entreprises et nos emplois, faire progresser notre pouvoir d'achat, il faut être plus compétitif. Il faut travailler plus. Il faut être plus créatif, plus innovant et plus imaginatif.
C'est à dire que dans le souci de réguler, de protéger, de moraliser, il ne faudra pas étouffer l'initiative, l'audace, le goût du risque.
Dans mon esprit, refonder le capitalisme c'est moins de spéculation, moins de rente, mais davantage de liberté d'entreprendre, davantage de récompense de l'effort et du travail.
C'est un État plus actif dans l'économie, qui doit assumer ses responsabilités, qui doit entreprendre, qui doit investir. L'État doit se comporter comme force d'innovation et de progrès. Et si nous voulons sortir au plus vite de la crise, si nous voulons pouvoir profiter le mieux possible du rebond de la conjoncture mondiale quand il se produira, et il se produira, il nous faut plus de souplesse, plus de réactivité, plus de capacité d'innovation.
C'est tout le sens des réformes engagées pour améliorer l'efficacité de nos services publics, pour réduire les effectifs de la fonction publique. J'ai grand respect pour la démocratie. J'ai grand respect pour le droit de manifester. Mais quand j'entends parfois les slogans des manifestants, je me demande si ceux-ci se rendent compte de la gravité de la crise. Que des gens viennent de bonne foi nous demander, en réponse à la crise, d'embaucher davantage de fonctionnaires et davantage d'emplois publics, je me demande s'ils ont bien compris dans quel monde nous vivons ?
La fiscalité doit être plus favorable au travail. Je pense à l'exonération des heures supplémentaires. J'ai vu qu'il y avait un original qui nous demandait de revenir là-dessus. Allez, il faut être généreux. Mais inutile de vous dire que les heures supplémentaires et les exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, c'est naturellement ce qu'il fallait faire. Nous sommes le seul pays au monde à nous être dotés du carcan des 35 heures, heureusement que le gouvernement de François FILLON nous en a libéré. Aucun autre pays au monde n'a fait le choix de travailler moins. Comment voulez-vous que cela marche ? C'est l'esprit de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, de la réforme des 35 heures, de la rénovation de la démocratie sociale, de la réforme de la carte judiciaire, de celle de l'hôpital, de celle de la recherche et de l'incitation donnée à l'emploi des séniors.
C'est également l'esprit du RSA, qui est une incitation à reprendre le travail, et de la réforme que nous allons engager de la formation professionnelle qui est essentielle pour améliorer la qualification et la mobilité de ceux qui travaillent.
Et c'est dans cet esprit que je demande au gouvernement que les contraintes pesant sur l'ouverture des magasins le dimanche soient assouplies. La possibilité de travailler sur la base du volontariat le dimanche, c'est un jour de croissance et de travail en plus. C'est une occasion en plus de vendre ses produits, sur la base du volontariat et par les salariés qui veulent travailler le dimanche, une occasion d'être payés davantage. Cela sera bon pour le pouvoir d'achat. On ne peut quand même pas, Mesdames et Messieurs, être le pays du monde qui reçoit le plus de touristes et être le seul pays au monde où la quasi-totalité de nos magasins, dans la totalité de nos régions, sont fermés le dimanche.
Je souhaite également que pour les salariés soit créée une véritable sécurité sociale professionnelle en sécurisant mieux les parcours professionnels. Personne ne peut être assuré qu'il passera toute sa vie dans la même entreprise et qu'il n'y aura pas de rupture dans son parcours professionnel. Si je parle de sécurité sociale, c'est que nous avons le devoir de donner à chacun l'assurance qu'il peut construire, préserver et améliorer ses compétences, son savoir-faire, ses perspectives de carrière. Ce qui est intolérable, ce n'est pas la perte d'un emploi, c'est le sentiment que si cet emploi est perdu, on n'a aucune chance d'en retrouver un. Ce qui est intolérable, ce n'est pas de commencer sa carrière en bas de l'échelle, c'est d'être condamné à y rester toute sa vie, quels que soient ses mérites et son travail.
C'est dire à quel point les réformes structurelles engagées depuis l'élection présidentielle ne sont pas rendues moins nécessaires, moins urgentes par la conjoncture, je pense qu'au contraire ces réformes structurelles sont plus nécessaires que jamais et qu'il va me falloir accélérer plutôt que ralentir.
Réformer c'est nécessaire mais ce n'est pas suffisant. Il faut soutenir l'activité.
Si nous voulons soutenir la consommation, nous ne devons pas le faire en favorisant les importations ou en distribuant du pouvoir d'achat qui n'existe pas. Nous devons le faire, par la baisse des prix. Déjà la baisse des prix des matières premières et du pétrole, du fait des anticipations de récession, constitue un facteur de soutien au moins temporaire à la demande et je veillerai à ce que ces baisses soient bien répercutées dans le prix de vente pour le consommateur. Je réunirai avec la ministre de l'Economie l'ensemble des industriels du pétrole et des grandes surfaces pour voir si on est aussi diligent dans la répercussion des baisses qu'on le fut dans la répercussion des hausses.
Je remercie les parlementaires d'avoir voté la loi qui a permis de rétablir la liberté de négociation entre distributeurs et fournisseurs. Je souhaite que soit ouverte au plus vite une nouvelle phase du chantier de l'urbanisme commercial.
Mais c'est du côté de l'investissement que va se jouer la partie la plus décisive. Car l'investissement c'est en même temps le soutien à l'activité d'aujourd'hui et l'amélioration de la productivité et de la compétitivité de demain.
L'investissement c'est de l'offre et de la demande. L'investissement c'est de la capacité de production future et ce sont des biens d'équipement, ce sont des machines, des bâtiments, des chantiers.
L'investissement c'est de l'activité, de l'emploi, des revenus pour aujourd'hui et pour demain. Force est de constater, mes chers compatriotes, que l'investissement a pris beaucoup de retard en France au cours des 20 dernières années.
L'investissement ce sera donc la priorité budgétaire des trois prochaines années. Enseignement supérieur, recherche, défense, mais aussi dans les milliers de kilomètres de canaux, de voies ferrées, de transports en commun et dans les énergies nouvelles du Grenelle de l'Environnement. En 3 ans, nous allons mettre 175 milliards d'euros d'investissements directs de l'État dans l'activité économique. Sans compter les investissements des particuliers et des entreprises que l'État va soutenir comme avec le prêt à taux zéro que chaque Français pourra mobiliser pour mieux isoler sa maison et donc réduire ses consommations d'énergie. Le budget de la France pour la période 2009-2011 sera d'abord un budget d'investissement.
A côté de l'université, de la recherche et du Grenelle de l'Environnement, on va investir, cher Eric BESSON, puissamment dans l'économie numérique qui sera le moteur de la croissance future. Avec les technologies propres, le numérique doit être au coeur de la nouvelle politique industrielle dont notre pays a besoin. Le plan numérique que tu as présenté lundi dernier, c'est un effort d'investissement massif dans les infrastructures de très haut débit de l'ordre de 30 milliards d'euros sur les dix prochaines années pour nous préparer à l'économie du XXIe siècle.
Mais au-delà de l'investissement public, l'État doit prendre dès maintenant des mesures exceptionnelles pour encourager l'investissement des entreprises.
Je vous annonce une mesure très lourde que nous avons décidée de mettre en oeuvre dès aujourd'hui. Jusqu'au 1er janvier 2010, tous les investissements nouveaux des entreprises seront totalement et définitivement exonérés de taxe professionnelle. Pour tous les entrepreneurs de France, le message est clair : ce que vous déciderez comme investissement nouveau à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 1er janvier 2010, ne sera pas taxé.
Ces investissements n'entreront tout simplement pas dans l'assiette de l'impôt. L'État compensera aux collectivités locales, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, le manque à gagner. C'est une incitation extrêmement forte qui est ainsi donnée aux entreprises pour investir. Cette mesure sera proposée au Parlement, chère Christine LAGARDE, dans la loi de finances rectificative pour 2008.
Notre réponse à la crise économique, c'est l'investissement pour la compétitivité de notre économie.
Au cours de l'année 2009 sera débattue et engagée la réforme de nos échelons de collectivités locales. J'ai demandé à Edouard Balladur de présider une commission pour y réfléchir et me faire des propositions. La simplification de notre organisation territoriale devrait permettre d'engager au-delà de 2009 une véritable réforme de la taxe professionnelle qui prendra alors le relais des dispositions transitoires, immédiatement applicables, que je viens d'annoncer. A partir du 1er janvier 2010, en fonction des conclusions présentées par le groupe présidé par le Premier ministre, Edouard BALLADUR, nous prendrons une décision définitive de réforme de la taxe professionnelle. C'est donc une mesure extrêmement forte, mais ce n'est pas la seule que je veux vous annoncer.
Dans un monde où l'économie va sortir bouleversée par la crise, où les États sont appelés à jouer partout un rôle plus actif, je souhaite que la France se dote d'un grand fonds stratégique d'investissement national qui sera un puissant levier de politique industrielle. Ce que les producteurs de pétrole font, ce que les Chinois font, ce que les Russes font, il n'y a aucune raison que la France ne le fasse pas au service d'une politique industrielle digne de ce nom.
Il ne s'agira pas, Mesdames et Messieurs, de soutenir ou de secourir des activités périmées, il s'agira d'investir dans l'avenir, d'apporter des fonds propres pour financer des projets industriels novateurs et audacieux.
Il ne s'agira pas de subventionner des entreprises à fonds perdus mais de stabiliser le capital d'entreprises qui ont un avenir, qui disposent de savoir-faire et de technologies clés et qui pourraient être des proies tentantes pour des prédateurs qui voudraient profiter d'une sous-évaluation boursière momentanée ou de la dispersion de l'actionnariat pour s'en emparer et les dépecer. On a déjà vu l'action délétère des fonds qui achetaient à n'importe quel prix, n'importe comment, sans tenir le moindre compte des problèmes humains de l'entreprise. Je ne serai pas le Président de la République, qui dans six mois se réveillera, du fait de la faiblesse des cours de bourse avec les grandes groupes industriels français passés dans d'autres mains, tout simplement parce que nous serions restés ballants devant la crise financière et ses conséquences économiques. Cela ne fait pas partie de la politique que je souhaite mener dans notre pays.
Un tel fonds peut rendre beaucoup de services. Je pense au développement, cher Jean-François ROUBAUD de très petites entreprises très innovantes. Je pense à ce que nous avons fait avec Alstom ou avec les chantiers de l'Atlantique. Ce fonds n'a vocation ni à perdre de l'argent, ni à rester indéfiniment au capital des entreprises. Nous prendrons des participations temporaires et nous ferons des plus-values en les revendant une fois que les cours de bourse seront revenus à un niveau satisfaisant. Ce fonds a vocation à agir en fonction des intérêts nationaux, en se comportant en investisseur avisé qui cherche à rentabiliser ses investissements. Mais sur le moyen ou le long terme, ce fonds trouvera une partie de ses ressources en empruntant sur les marchés. Il contribuera ainsi à faire circuler l'argent et à l'orienter vers le développement industriel plutôt que vers la spéculation purement financière. Lorsque les marchés auront remonté, nous rembourserons nos emprunts et enregistrerons une plus value.
Ce que les autres font pour leur plus grand bénéfice, il n'y a aucune raison pour que nous ne le fassions pas pour notre pays.
Cet endettement ne creusera pas les déficits. Puisque, comme je viens de le dire, il aura pour contrepartie les actifs des entreprises au capital desquelles le fonds sera entré. Il ne s'agit pas d'une dépense courante mais de l'investissement. Il ne s'agira pas de spéculer avec l'argent public mais de faire prévaloir une logique de long terme sur la logique délétère de court terme qui depuis des années affaiblit, pour ne pas dire détruit, notre industrie.
La caisse des Dépôts en assurera la gestion sous la surveillance, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale. Elle devra en faire une priorité de sa stratégie pour une gestion que je souhaite plus active, plus offensive, plus mobile. Elle devra dégager des marges de manoeuvre pour pouvoir saisir les opportunités, être réactive.
Il faut aller vite. Eh bien, ce fonds stratégique d'investissement français sera créé avant la fin de l'année.
Comme je l'ai dit avant-hier devant le Parlement européen, je proposerai à nos partenaires de l'Union européenne de se doter eux aussi de fonds nationaux afin que nous puissions coordonner nos politiques d'investissement. Alors l'Europe retrouvera une ambition industrielle et elle se remettra à agir dans l'économie mondiale au lieu de toujours subir.
Je veux le dire à nos partenaires, nous devons, dans les circonstances actuelles, continuer d'être volontaristes. C'est le volontarisme qui sera le meilleur antidote à la dangereuse tentation du protectionnisme, de l'anticapitalisme, du dirigisme bureaucratique que les désordres actuels vont immanquablement nourrir.
Le volontarisme d'un État investisseur, entrepreneur, protecteur, voilà ce que je propose comme modèle à l'Europe pour empêcher que demain l'étatisme ne revienne en force, que la liberté d'entreprendre, la propriété privée, l'ouverture au monde ne soient les victimes du rejet d'un système où toutes les valeurs fondamentales du capitalisme se trouvent pervertis et où les citoyens ne supporteront plus longtemps d'entendre les responsables politiques qu'ils ont élus leur répéter : « nous n'y pouvons rien ». Si vous n'y pouvez rien, ce n'était pas la peine de se présenter aux élections !
Cette ambition nous oblige-t-elle à remettre en cause le budget pour 2009 qui est en discussion au Parlement ?
La dégradation de la situation économique nous oblige-t-elle à reconstruire le budget sur une hypothèse de croissance inférieure au 1% de croissance qui a servi d'hypothèse de travail ?
Mais, mes chers amis, la croissance, nul ne peut dire aujourd'hui ce qu'elle sera. De toutes les façons j'ai pris à Toulon l'engagement qu'il n'y aurait pas de politique d'austérité, qu'il n'y aurait pas d'augmentation des impôts, qu'il n'y aurait pas de remise en cause de la réduction des dépenses courantes.
Nous ferons une loi de finance rectificative quand nous y verrons plus clair sur la croissance et son impact sur les dépenses et sur les recettes. Mais franchement, se passionner pour savoir si l'année prochaine la croissance sera de 0,5 ou de 1%, qu'est-ce que cela change à la vie quotidienne des Français ? L'État fera face à ses dépenses. Ce qu'il faut, c'est une stratégie offensive pour apporter une réponse à la crise économique, comme nous avons apporté une réponse à la crise financière.
Pour l'heure la priorité est donc de soutenir l'activité et aucune des mesures nouvelles que je viens d'annoncer n'aura de conséquences budgétaires pour l'année 2009. La plupart d'entre elles n'entrent pas dans la comptabilité de la dépense publique. Ainsi en va-t-il des garanties accordées par l'État ou des moyens qui sont alloués au fonds d'investissement. Quant à l'exonération de la taxe professionnelle pour les nouveaux investissements, elle aura un impact budgétaire à partir de 2011. D'ici là, la croissance et les recettes fiscales auront été réévaluées.
Alors, mes chers compatriotes, concentrons-nous sur l'essentiel.
Nous nous trouvons placés par le destin à un moment où il nous faut réinventer le monde. Nous n'avons pas d'autres choix que d'être au rendez-vous que l'histoire nous a fixé.
Il y faut de l'imagination, il faut du courage, il faut de la volonté, il faut de l'audace. C'est ce qu'avec le gouvernement de François FILLON, je vous propose de tenter. C'est la voie que la France propose à ses partenaires européens parce que le pire des choix, c'est celui de l'immobilisme ou du conservatisme, c'est celui qui consiste comme on l'a si souvent fait dans le passé, à attendre. Attendre quoi ? Que cela s'aggrave ? Ce n'est pas l'idée que je me fais de la France, de son rôle, de son histoire, de sa capacité d'influence. Oui, mes chers compatriotes, c'est du fond du coeur que je veux vous le dire.
Vive la France !Vive la République !