21 novembre 2006 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les politiques en faveur de l'égalité des territoires et des chances, à Paris le 21 novembre 2006.


Monsieur le Président de l'Association des Maires de France,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les maires et présidents de communautés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
La commune, c'est vrai, c'est le lieu par excellence où s'exerce la démocratie. Vous jouez un rôle essentiel auprès de nos concitoyens, dans les moments heureux de la vie comme dans les difficultés. Vous prenez des décisions qui façonnent l'avenir : vous aidez des activités nouvelles à naître, vous faites sortir de terre des grands projets d'infrastructure. Vous êtes en première ligne face aux mutations économiques, à l'insécurité ou aux difficultés sociales. Moi qui ai eu le très grand honneur d'être l'un des vôtres, je connais bien vos responsabilités, je sais qu'elles sont très lourdes, et que vous les exercez bien souvent dans la solitude. C'est pour toutes ces raisons que les Français vous aiment et vous respectent.
C'est aussi pour cela qu'à un moment où les Françaises et les Français vont devoir faire des choix qui engageront leur avenir, j'ai voulu être parmi vous pour vous parler de ce qui doit nous rassembler : pour vous parler de la République. Avec, en arrière-plan, une question fondamentale : celle de l'identité de la France dans la mondialisation. La mondialisation, il faut s'affirmer face à elle, affirmer les valeurs qui sont le ciment de notre identité, se donner les moyens d'être au premier rang de la révolution technologique, faire entendre partout la voix de la France.
Mesdames et Messieurs les maires,
Vous le savez mieux que quiconque : malgré tous ses atouts, la société française est traversée de tensions. La montée de l'individualisme, les antagonismes, le risque du communautarisme. Ces tensions ne sont pas le signe d'un affaiblissement de nos valeurs. Elles appellent en revanche à leur réaffirmation forte. On ne peut rien construire de durable sans s'inscrire dans le respect de son identité, sans esprit de rassemblement, sans unité.
La République ne saurait accepter que l'identité d'un citoyen soit définie par la communauté dont il se réclame, ou à laquelle on veut le réduire. C'est pour cela qu'il était essentiel de créer une Haute Autorité pour lutter contre les discriminations. C'est pour cela qu'il fallait réaffirmer le principe de laïcité. La laïcité, c'est la garantie donnée à chacun qu'il peut vivre librement, sereinement, sa religion ou ses convictions. Sur la question du respect de la laïcité à l'école publique, la nation a montré qu'elle savait se rassembler. La loi, votée à la quasi-unanimité, a permis de pacifier les tensions qui traversaient l'école. Bien sûr, nous devons rester vigilants : comme beaucoup d'entre vous, je pense, en particulier, aux hôpitaux, aux services publics, aux équipements sportifs. C'est pourquoi j'installerai, dans les prochaines semaines, un Observatoire national de la laïcité.
Dans l'unité, lorsqu'on y croit, lorsqu'on a le courage de les réaffirmer, les principes de la République ne sont pas des mots : ils sont une force qui porte la nation tout entière. C'est pourquoi il est si essentiel de les faire partager par tous les Français.
À l'école, bien sûr, avec l'éducation civique et l'apprentissage des valeurs. Mais aussi à travers des gestes symboliques. Et je souhaite instituer, en liaison étroite avec votre association, une cérémonie de citoyenneté : elle s'adressera à toutes les jeunes Françaises, à tous les jeunes Français majeurs. Elle pourrait prendre la forme d'un accueil en mairie, où chacun se verrait remettre sa carte d'électeur ainsi qu'un "Code républicain", qu'il signerait pour exprimer son adhésion aux valeurs de la République. Je souhaite que la plus grande liberté vous soit naturellement laissée dans l'organisation de cette cérémonie.
J'attache également une très grande importance au service civil volontaire, qui est désormais en place et permet aux jeunes de s'engager tout en facilitant leur insertion professionnelle. Il concernera 50 000 jeunes à la fin 2007. Je vous invite à le faire connaître et à accueillir à ce titre dans vos communes les jeunes qui souhaitent s'y engager.
Les principes de la République, il faut les faire partager, il faut les faire respecter. C'est pour cela que le combat pour la sécurité de tous est par excellence un combat qui doit nous rassembler. Depuis quatre ans, la délinquance a baissé de près de 9 %. C'est le résultat certes de l'action du gouvernement, mais c'est aussi celui de votre engagement au quotidien, et je tiens à l'affirmer et à vous en rendre hommage. Mais beaucoup reste à faire ensemble : le développement de violences commises par des délinquants de plus en plus jeunes, de plus en plus éloignés des règles de la vie en société, nous préoccupe tous. La République doit être exemplaire de fermeté mais aussi de justice.
Les sanctions ont été renforcées, des instruments nouveaux d'accompagnement et de suivi ont été mis en place. Il faut nous rassembler autour d'un certain nombre de principes pour l'action : faire respecter la loi tout autant que respecter chacun. Affirmer les règles et savoir tendre la main. Vous le savez mieux que quiconque, car on est là au coeur de la mission même et de la vocation même des maires.
C'est une exigence fondamentale pour la République. Elle impose une mobilisation massive et dans la durée de notre police, de notre justice, de nos travailleurs sociaux, de notre système éducatif. Elle impose à tous ces acteurs de travailler ensemble et en étroite liaison avec les élus. La loi qui est actuellement en examen devant le Parlement, sans vous substituer bien entendu aux forces de l'ordre, vous donnera, je le pense, des moyens supplémentaires pour mieux prévenir la délinquance.
Nous devons aussi nous rassembler autour de ce qui est à la fois une exigence et une ambition : l'unité du territoire national. L'avenir de la France ne passe pas par une concentration de l'activité économique dans quelques grands centres, au milieu de territoires qui n'auraient d'autre destin que d'être transformés en musées ou laissés pour compte. Il nous faut aussi prendre la mesure d'un mouvement en profondeur de notre société : aujourd'hui, avec le souhait d'une meilleure qualité de vie, avec la croissance d'un secteur tertiaire loin des villes, le temps de l'exode rural est révolu. C'est pour cela qu'ensemble, il nous faut faire vivre des idées neuves.
L'innovation partout, dans toutes les régions, grâce aux pôles de compétitivité. La valorisation du potentiel exceptionnel de nos territoires, avec les pôles d'excellence rurale. Le renforcement de notre agriculture en développant résolument ses débouchés non alimentaires comme les biocarburants ou la chimie verte. Le choix des hautes technologies, avec le haut débit pour toutes les communes dès la fin de l'année prochaine. La relance massive des grands projets d'équipement et d'infrastructures, avec une Agence dotée maintenant de 6 milliards d'euros pour les financer.
Autre enjeu majeur : le maintien et la défense de la qualité de nos services publics partout dans notre pays. Il faut s'appuyer sur l'acquis irremplaçable que constituent nos sous-préfectures. Il faut améliorer l'accès au service public en innovant et en utilisant toutes les possibilités des nouvelles technologies, avec les "maisons des services publics", les relais Poste, les points multiservices, les guichets électroniques mobiles. Et je le dis devant vous : la France s'opposera à tout ce qui pourrait remettre en cause la qualité du service public postal.
Il faut garantir l'accès aux soins partout sur le territoire : les communes doivent pleinement utiliser la faculté qui leur est désormais ouverte d'aider à l'installation, au plan local, des médecins.
Enfin, la France a vocation à soutenir et à développer son industrie sur tout le territoire. D'où les instruments mis en place pour la revitalisation des sites. D'où l'importance de donner un nouvel élan à notre politique de recherche et d'innovation. D'où la nécessité de lancer à nouveau de grands projets en créant l'Agence de l'innovation industrielle. D'où l'exigence de bâtir une politique industrielle européenne ambitieuse, notamment dans les énergies nouvelles et dans l'environnement. La relance de la construction européenne, l'un des enjeux majeurs des années qui viennent, doit se faire autour des principes fondamentaux qui ont présidé à sa création, c'est-à-dire l'action collective et la préférence communautaire.
Mesdames et Messieurs les maires,
Le combat pour l'égalité des territoires, le combat pour l'égalité des chances, il se joue aussi, bien évidemment, dans nos quartiers. L'exigence de lucidité, c'est de mesurer l'ampleur des difficultés. Mais cette exigence, c'est aussi de reconnaître que, là où vous avez déjà pu utiliser les outils mis en place, les choses s'améliorent en profondeur.
L'enjeu, c'est de faire tourner ces outils à plein régime, de les renforcer, de les améliorer encore. En quatre ans, le nombre de logements sociaux construits chaque année a doublé. Le plan de cohésion sociale monte en puissance. Le plan de rénovation urbaine va permettre en quelques années de transformer de fond en comble un habitat parfois inhumain, dans 600 quartiers, concernant quatre millions de personnes. Les zones franches urbaines ont créé 50 000 emplois. Dès l'an prochain, il y aura 100 zones franches. Et l'objectif, c'est de créer 100 000 emplois. Le chômage, vous le noterez, baisse aujourd'hui plus vite dans les quartiers que partout en France. Il est vrai qu'il y était beaucoup plus élevé.
Enfin, s'agissant de la loi "SRU", je connais les difficultés concrètes auxquelles certains d'entre vous sont confrontés pour mettre en place 20% de logements sociaux dans leurs communes. Mais c'est essentiel. Essentiel pour la mixité sociale. Les choses avancent, grâce à vous. Et je tiens à vous en rendre un particulier hommage.
Mesdames et Messieurs,
Au carrefour de toutes ces priorités, au coeur de toutes ces exigences, c'est toujours le maire que l'on retrouve. C'est pour cela qu'il faut lever au maximum les contraintes qui pèsent sur vous et vous donner les moyens d'agir. L'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales est de 67 milliards d'euros : c'est aujourd'hui le premier budget de la nation. En 2007, le contrat de croissance et de solidarité sera augmenté de plus de 540 millions d'euros pour les communes et leurs groupements.
Mais face à une nouvelle étape de la décentralisation et à l'évolution de vos missions, on voit bien qu'une réflexion d'ensemble est absolument nécessaire. Vous avez eu raison de demander au Conseil économique et social d'examiner la question de l'adaptation de vos ressources fiscales. L'intercommunalité, qui représente aujourd'hui 85 % de notre territoire et de notre population et permet de démultiplier vos moyens d'action, est devenue l'un des outils essentiels de l'aménagement du territoire. Elle doit être consolidée, avec une carte plus cohérente et des relations financières clarifiées entre les groupements et les communes membres. Pour tenir compte du renforcement de vos responsabilités, le moment est aussi venu que les négociations sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires territoriaux, conduites actuellement par le ministre de la Fonction publique, se fassent en liaison étroite avec les représentants des collectivités.
Il y a enfin l'exercice au quotidien de la démocratie : dans les exécutifs communaux et régionaux, nous allons franchir une nouvelle étape sur la voie de la parité, avec le projet de loi présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres. Je connais les difficultés qu'il faudra surmonter. Mais ce sera plus de diversité, ce seront des énergies et des compétences nouvelles au service des communes de plus de 3 500 habitants. Je sais pouvoir compter sur votre propre engagement.
Mesdames et Messieurs les maires,
Par-delà les appartenances politiques, je connais beaucoup d'entre vous, et je veux vous dire l'immense fierté que j'ai à agir avec vous au service de la France. La France est un grand pays. Un pays solidaire et dynamique, un pays fier de son indépendance et des valeurs qu'il porte. Un pays clairement décidé à s'affirmer dans la mondialisation. Tout l'enjeu des années qui s'ouvrent devant nous, c'est de faire vivre l'identité et l'ambition de la France. C'est de faire résolument le choix d'une société de progrès et d'innovation. C'est de faire vivre l'esprit d'unité et de rassemblement.
Vive la République et vive la France !