25 août 2006 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. Jacques Chirac, Président de la République, et de Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur la situation au Liban, la question du nucléaire iranien et sur la construction européenne, à Paris le 25 août 2006.

LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, je n'ai pas besoin de dire ma joie de recevoir, à l'occasion de cette traditionnelle rencontre, dite de "Blaesheim", la Chancelière allemande. C'est toujours un plaisir naturellement, mais c'est toujours un grand intérêt d'avoir un échange de vues entre nos deux pays, qui sont liés par des sentiments d'amitié, d'estime et de confiance qui se renforcent chaque année davantage.AC
A l'occasion de ces entretiens, nous avons évoqué d'abord les problèmes internationaux. Ceux qui concernent le Proche-Orient, et en particulier le Liban, avec le renforcement de la FINUL, dans ses aspects terrestres, et dans sa composante maritime, de façon à permettre un retrait israélien aussi rapide que possible et le déploiement aussi efficace que possible de l'armée libanaise dans le sud. J'ai exposé à Madame MERKEL toutes les données de la position française.
Nous avons évoqué le conflit israélo-palestinien avec, en particulier, la situation à Gaza, où le blocus devient tout à fait inquiétant, et où il est nécessaire de mettre en oeuvre les décisions prises par l'Union européenne en ce qui concerne l'aide aux populations £ car il y a un risque de catastrophe humanitaire grave.
Nous avons évoqué, à l'initiative de la Chancelière, et nous nous y souscrivons complètement, la nécessité de relancer le Quartette. J'ai indiqué que je considérais que les arrestations de responsables politiques palestiniens n'étaient pas le meilleur moyen de rétablir un climat de confiance et une capacité de discussions entre les parties.
Nous avons évoqué l'Iran et la réponse sur laquelle nous nous interrogeons un peu, car elle est ambiguë, qu'a fourni l'Iran aux questions qu'il lui avait été posées, notamment sur les modalités de la suspension éventuelle de ses activités sensibles qui ont été demandées par l'ensemble de la communauté internationale.
Nous avons évoqué les échéances qui sont maintenant proches avec la prochaine remise du rapport, le 31 août, du Directeur général de l'AIEA et la nécessité, d'ici là, de trouver une solution.
Nous avons évoqué rapidement, parce que ce sera l'objet de notre entretien lors du déjeuner de travail que nous avons ensuite, les principaux dossiers européens, en soulignant le caractère heureux de la reprise économique et de la croissance ainsi que de ses conséquences sur l'emploi que nous constatons aussi bien en Allemagne qu'en France £ croissance qui est due aux réformes qui ont été conduites par nos deux pays.
Nous avons évoqué, bien entendu, mais nous le ferons, en réalité plus au fond, à l'occasion du déjeuner, la politique européenne des projets, et notamment la politique énergétique, en raison du double phénomène qui marque aujourd'hui l'histoire de notre temps, à savoir la hausse du prix du pétrole et les dangers très sérieux de changement climatique. Ceci implique, de la part notamment de l'Europe, une politique cohérente et active en matière énergétique. Nous aurons l'occasion d'en parler au Conseil européen d'octobre où d'ailleurs la présidence finlandaise a heureusement décidé d'inviter, pour le dîner de travail, le Président Vladimir POUTINE.
Nous évoquerons, lors du déjeuner, notre étroite coopération pour préparer les aménagements institutionnels nécessaires qui devront être élaborés pendant la présidence allemande, que nous soutiendrons de façon aussi efficace que possible.
Nous avons marqué notre soutien à la présidence finlandaise pour améliorer le fonctionnement des institutions dans le cadre des traités existants.
Nous avons évoqué la suite du débat, ouvert à l'initiative de la France au mois de juin au Conseil européen, sur les capacités d'absorption de l'Union européenne, c'est-à-dire sa vocation à s'élargir : à quelles conditions et en fonction de quels critères politiques, institutionnels ou financiers.
Enfin, nous évoquerons, à l'occasion de ce déjeuner, la préparation du Conseil des ministres franco-allemands qui se tient le 12 octobre et qui sera consacré au problème de l'intégration et de l'égalité des chances, et aussi à la coopération économique et aux prochaines échéances européennes.
Voilà, en gros, ce qui s'est passé £ et cela s'est passé, comme toujours entre la France et l'Allemagne, dans un climat dont je tiens à souligner le caractère de confiance, de respect mutuel et d'amitié.
MME ANGELA MERKEL - Merci beaucoup. Je voudrais vous remercier de l'excellente hospitalité à l'occasion de ces rencontres régulières. Ce matin, avant le début de nos entretiens, j'ai assisté avec le Président de la République à un moment très émouvant puisqu'il s'agissait de déposer une gerbe à l'occasion du 62ème anniversaire de la Libération de Paris.
Nous pouvons nous réjouir d'avoir, aujourd'hui, des relations aussi amicales, aussi étroites et aussi stables entre nos deux pays. Cela fait partie de la réussite de l'Histoire européenne, telle que nous l'avons écrite ensemble, après la Seconde Guerre mondiale. L'Allemagne et la France ont joué un rôle très important à cet égard. Si je dis cela, c'est que cette "success story" de l'Europe ne se retrouve pas dans les autres continents. Cela a été au centre de nos discussions aujourd'hui.
Nous avons parlé des foyers de conflits, et plus particulièrement, de la situation au Proche-Orient. Je crois, qu'aujourd'hui, à la réunion des ministres des Affaires étrangères, à Bruxelles, on pourra dégager une contribution européenne substantielle dont nous informons le Secrétaire général des Nations Unies. Je suis très heureuse que la France ait annoncé hier une contribution importante. Nous avons discuté de ce que la France et l'Allemagne pourraient apporter pour que nous puissions coopérer sur ce terrain.
Il est, je crois, très important que la mission de la FINUL soit couronnée de succès pour que nous retrouvions la paix dans cette région, pour que nous accélérions le développement d'un Liban souverain. Cela me paraît essentiel et nous avons été parfaitement d'accord pour dire que la mission de la FINUL n'est pas quelque chose d'isolé. Il faut que ceci s'intègre dans un processus politique pour résoudre les problèmes les plus délicats de cette région.
La France et l'Allemagne sont tout à fait d'accord pour dire que l'un des points centraux de ce conflit est le conflit entre Israël et les Territoires palestiniens. Nous devons continuer à travailler sur la Feuille de route, même si la tâche est extrêmement ardue. Nous pensons que le Quartette doit être un forum qui reprenne l'initiative en la matière parce que cela permettra de fédérer des ressources et des forces. Et des problèmes aussi sérieux que celui-là ne peuvent être abordés que par la communauté internationale.
La France et l'Allemagne oeuvreront pour qu'il ne s'agisse pas seulement d'une conférence pour définir qui envoie quelle troupe. Il s'agit de relancer les activités politiques. Cela s'inscrit dans une perspective à long terme mais le succès de cette démarche montrera si ce que nous voulons, à savoir un Liban souverain, et le droit à l'existence d'Israël, ce sont deux choses qui doivent être pleinement garanties, qui ne doivent pas être défendues au jour le jour.
Nous avons naturellement parlé aussi de l'Iran. Nous sommes en train d'étudier très attentivement la réponse qui nous a été faite. Malheureusement, force est de constater que cette réponse ignore des éléments importants, en particulier la suspension de l'enrichissement. Mais la porte demeure ouverte. Nous voulons que l'Iran reconnaisse clairement l'offre qui lui a été faite. Nous allons utiliser tous les contacts. Le Secrétaire général des Nations Unies va se rendre en Iran et va souligner à quel point il est nécessaire que l'Iran sache saisir toutes les chances nécessaires, notamment pour son développement économique, pour l'épanouissement du peuple iranien. On sa ura si l'Iran est prêt à accepter la proposition de la communauté internationale.
Enfin, troisième dossier dont nous avons parlé, la situation au Congo. L' EUFOR doit veiller à ce que ce processus se déroule dans les conditions les plus pacifiques possibles. Je crois, qu'au cours de la semaine, l' EUFOR a montré que sa présence était importante et que l'on souhaite créer les conditions nécessaires à un processus électoral démocratique et équitable au Congo. Et nous veillerons à ce que les choses continuent de se passer comme elles sont prévues.
Nos entretiens s'inscrivent dans une situation où la France et l'Allemagne peuvent se réjouir d'une situation économique positive. C'est quelque chose qui ne va pas de soi. Il faut poursuivre l'effort en ce sens. L'Allemagne continuera de mener les réformes tout à fait dans l'esprit de la stratégie de Lisbonne. Le but est de faire de l'Europe l'une des régions à plus forte croissance. Lorsque nous voyons les problèmes internationaux auxquels nous sommes confrontés, nous voyons à quel point il est important que l'Europe soit économiquement forte pour assumer cette responsabilité. Nous sommes bien convaincus que nous avons, que nous devons, jouer notre rôle sur la scène internationale. Nous avons notre contribution à apporter. L'Allemagne et la France le font en étroite concertation, en étroite coopération.
Soyez en vivement remerciés. Nous allons poursuivre ces échanges pendant le déjeuner de travail et nous allons très certainement nous rejoindre sur un très grand nombre de points et décider d'activités communes.
Je me réjouis également du prochain Conseil des ministres franco-allemands. En effet, ce thème de l'intégration est extrêmement important. C'est l'un des thèmes centraux dans nos deux pays. Il y a là une coopération très étroite entre les responsables de ces questions de nos pays. A l'occasion du Conseil des ministres franco-allemands, nous allons renforcer cette démarche et cette rencontre d'octobre sera donc importante.
QUESTION - Madame la Chancelière, compte tenu de la situation de la FINUL, comment expliquez-vous le changement de cap français ? Qui devrait assurer le commandement de cette unité ?
MME ANGELA MERKEL - J'ai eu de nombreux contacts avec le Président de la République à ce sujet et je crois que les processus de décision dans chaque pays se déroulent étape par étape. Il y a un point sur lequel nous travaillons encore en Allemagne, parce que c'est quelque chose qui n'est pas clair, pour la composante maritime. Il s'agit des règles applicables£ quelles sont les demandes du gouvernement libanais, quel est le plan opérationnel, quelles sont les règles d'engagement ? Ceci est extrêmement important pour définir la nature de cet engagement.
Donc, chaque pays a ses propres processus de décision. Nous avons aujourd'hui une conférence des ministres des Affaires étrangères. Le Président de la République a annoncé sa contribution hier, d'autres se sont prononcés quelques jours avant. Nous sommes encore en train de travailler sur ces règles d'engagement. Nous avons toujours dit ce que nous pouvions imaginer, sous réserve de ses règles. Et je dois dire que je suis heureuse que nous ayons maintenant un arrangement européen commun sur la base notamment des offres de la France, de l'Italie et de l'Espagne. D'après tout ce que j'ai retiré de mes entretiens téléphoniques avec Romano PRODI, et d'après ce que m'a dit le Président de la République, je crois que sur la question de savoir qui, comment, de quoi et à quel moment, il n'y aura pas de dissension européenne. La France a actuellement un rôle de commandement. Pendant combien de temps cela va encore se prolonger ? Est-ce que le cas échéant l'Italie devrait prendre le relais ? Ce sont des questions qui trouveront leurs réponses le moment venu.
LE PRESIDENT - Je voudrais rajouter, si vous le permettez, si Madame MERKEL me le permet, je voudrais rajouter quelque chose. Vous avez dit, cher Monsieur : comment expliquez-vous le changement de cap de la France ? J'ai bien lu, ici ou là, une expression de cette nature. Je voudrais simplement dire qu'elle est totalement dépourvue de fondement.
Premièrement, la France a, dès l'origine, approuvé, ne serait-ce qu'en étant l'un des moteurs de la résolution 1701, le fait qu'une force internationale, sous contrôle de l'ONU, soit déployée au Liban. Deuxièmement, pour ne perdre aucune minute, elle a immédiatement décidé de doubler sa participation à cette force. Ensuite, se posait le problème : va-t-on participer de façon plus importante à cette force ? Il ne faisait aucun doute que nous avions vocation à le faire. Je veux dire que nous avons été les premiers à le faire. Mais, vous n'attendez pas du Président de la République française, Chef des Armées, qu'il hasarde les soldats français, sans avoir un minimum de garanties et de connaissances, et sur la façon dont se développera cette opération ! Par conséquent, la première chose que j'avais à faire, et que j'ai faite, a été de dire que je ne prendrais pas de décision définitive sans en connaître les modalités. Et je ne le dis pas seulement à vous, je le dis également aux journalistes français : il eût été totalement irresponsable de prendre une décision mettant en cause la vie de soldats français, sans avoir préalablement l'assurance que leur déploiement se ferait dans des conditions de sûreté et d'efficacité qui soient optimales.
Je me demande comment on m'aurait jugé si j'étais parti comme un chien fou avant même de réfléchir ou de prendre un minimum de garanties. Je trouve que les observateurs qui se laissent aller à ce type de réflexions sont bien légers ou bien mauvais observateurs.
Nous avons eu, à Paris, de longs entretiens avec Monsieur GUEHENNO, qui est le responsable du Département des opérations de maintien de la Paix à l'ONU, puis avec Monsieur Kofi ANNAN £ lorsque j'ai reçu la garantie, avant-hier soir, que les exigences que posait légitimement la France, et qui n'étaient pas des exigences politiques, qui étaient des exigences de sécurité, qui nous permettaient de prendre une décision sur la mise en cause de la vie, éventuellement, de soldats français, la décision a été instantanément prise. Je trouve qu'il est particulièrement de mauvaise foi de parler de changement de cap, d'autant qu'il s'agit, avec la France, d'un pays qui, dès le départ, a été le premier à soutenir cette action et à envoyer des soldats sur le terrain. A ma connaissance, il n'y a pas d'autres soldats actuellement que les soldats français qui sont arrivés pour renforcer la FINUL.
Je voulais simplement vous dire ceci de façon à ce que certains commentaires, un peu superficiels, soient mis au point.
QUESTION - Monsieur le Président, quelles sont donc les assurances que vous avez obtenues en matière de chaîne de commandement, je veux dire en terme de rapidité, d'efficacité concernant cette force de maintien de la paix au sud Liban et en matière d'usage de la force et de sécurité pour nos soldats. L'autre question qui s'adresse à tous les deux. Il y a une très grande visibilité aujourd'hui pour l'Europe, est-ce que l'Europe va y répondre cet après-midi, parce que si elle met 5 000, 6 000 casques bleus sur une force de 15 000 est-ce que c'est suffisant pour être très visible ?
LE PRESIDENT - Je voudrais d'abord vous dire que ce n'est pas une question de visibilité, c'est une question d'efficacité. Mon sentiment, c'est que le chiffre qui a été lancé au début de la réflexion, qui était de 15.000 pour une FINUL renforcée, était un chiffre excessif car j'imagine mal, pour dire la vérité, dans un territoire qui est grand comme la moitié d'un département français, que l'on puisse avoir 15.000 soldats libanais qui se déploient et 15.000 soldats de la FINUL : ils risquent fort de se bousculer. Donc, quel est le chiffre nécessaire ? 4.000, 5.000, 6.000, je n'en sais rien. Il appartiendra aux autorités compétentes de l'ONU, et du commandement de la force, de le définir. Tout ce que je peux vous dire c'est que la France apportera la participation qui convient. Elle apportera sa participation tout simplement parce qu'elle a obtenu les garanties nécessaires. Nous souhaitions avoir deux garanties, je ne veux pas entrer dans le détail, je l'ai dit hier soir dans mon intervention à la télévision, nous souhaitions avoir d'abord une garantie sur le commandement. Je ne critique personne mais il y a eu des précédents qui ne plaident pas en faveur de l'efficacité du commandement que l'on a eu sur des opérations du type de celles de la FINUL, et je voulais donc avoir la garantie d'avoir un commandement efficace, professionnel, réactif £ ceci supposait d'avoir un commandement militaire qui soit auprès du département des opérations de maintien de la paix et qui ait la compétence pour diriger l'opération militaire. Chacun son métier. C'était une novation, nous l'avons obtenue, et cela a été confirmé officiellement, avant-hier, par le Secrétaire général £ cela a été un élément déterminant de ma décision.
Deuxièmement, nous avions des exigences en ce qui concerne les capacités de défense et de réponse qui pouvaient être données à la FINUL, notamment pour le cas où elle aurait été l'objet d'éventuelles actions hostiles. Là aussi, nous avons obtenu les garanties nécessaires, c'est-à-dire une situation qui n'est pas celle que l'on a connue dans le passé et que nous avons eue à regretter. Fort de ces conditions, qui étaient essentielles à mes yeux -car on risque toujours la vie des soldats- dans ce type d'opération, quand ces garanties ont pu être données, alors seulement j'ai accepté d'envoyer des soldats français.
QUESTION - Monsieur le Président, Madame la Chancelière, la France souhaite que la Syrie reste en dehors du jeu politique comme M. DOUSTE-BLAZY l'a dit ce matin £ Madame la Chancelière, vous souhaitez que le processus politique ne soit en aucun cas oublié. Outre les questions militaires comment peut-on atteindre ce résultat si l'on laisse la Syrie en dehors ? La Syrie a menacé de couper l'électricité au Liban et de fermer les frontières ce qui serait très problématique pour l'économie libanaise. Donc, est-ce qu'il faut maintenir la Syrie en quarantaine et sinon qui peut parler avec Damas ?
MME ANGELA MERKEL - Naturellement, dans notre entretien nous avons parlé de la Syrie et le Président de la République a rappelé une longue tradition et a dit que, malgré les divergences d'opinion, la France a toujours considéré la Syrie comme un acteur politique de la région au cours des dernières années, et des dernières décennies. Ce dont nous avons parlé, c'est de la situation dans laquelle se trouve aujourd'hui la Syrie £ que peut-on en attendre ? Que peut-on ne pas en attendre ? Et le fait que le ministre allemand des Affaires étrangères, Monsieur STEINMEIER, ait fait demi tour lors de son voyage pour Damas, parce qu'il y a eu des propos très peu satisfaisants du Président syrien. Cela montre qu'il y a un accord total quant aux conditions auxquelles nous pouvons faire quelque chose ensemble ou non. Je crois qu'à longue échéance, tous les acteurs de cette région auront leur rôle à jouer. La Syrie se trouve dans la région £ mais force est de constater, qu'aujourd'hui, la Syrie tient des propos bien difficiles, alors cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas avoir tel ou tel contact, mais les contacts que l'Allemagne recherche se placent aux mêmes conditions politiques, conditions sur lesquelles nous sommes d'accord. Et l'Allemagne dit clairement que nous ne sommes pas prêts à avoir ces contacts, à n'importe quel niveau, et à n'importe quelle condition. Je crois donc que nous sommes tout à fait d'accord pour dire que, si un processus de paix à long terme est engagé, la Syrie ne peut pas rester en dehors £ mais nous sommes également d'accord pour dire que l'actuelle direction syrienne nous complique énormément la tâche, ne nous permet pas de reconnaître une attitude constructive par rapport à la résolution 1701. Donc, il faudra attendre, il y aura des contacts, l'Allemagne aura des contacts mais d'après notre expérience actuelle, nous n'avons constaté que des signaux très peu constructifs de la part des Syriens qui n'utilisent pas les chances qui s'offriraient à une évolution favorable dans la région.
LE PRESIDENT - Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Madame la Chancelière. La Syrie est un vieux pays, une vieille civilisation. C'est un pays qui compte et qui existe, et qui doit être respecté. Il est vrai que, actuellement, ses dirigeants, sur lesquels je ne porte pas de jugement bien entendu, ont un comportement qui n'inspire pas automatiquement la confiance. Et c'est le problème.
QUESTION - Monsieur le Président, le Liban depuis le début des hostilités est sous un blocus maritime et aérien, et la France demande depuis longtemps la levée de ce blocus. C'est un article de la Résolution 1701. Or le blocus, aujourd'hui, fait subir des pertes énormes au Liban, quotidiennement. Est-ce que vos pourparlers avec les Israéliens ont débouché sur quelque chose en ce qui concerne ce blocus qui reste ?
Madame MERKEL, je voudrais aussi vous poser une question, si vous le permettez, justement sur le déploiement des soldats allemands, dans le cadre de la FINUL, sur la frontière libano-syrienne. La Syrie a fait, par la voix de son Président, part de son opposition au déploiement de la FINUL sur la frontière entre la Syrie et le Liban. Est-ce que vous envisagez quand même de déployer des soldats sur cette frontière, et est-ce que, dans le contexte général, avec le refus syrien, une telle initiative d'un déploiement sur cette frontière est possible ?
LE PRESIDENT - Je vais commencer par la première question. Le blocus persiste et il est extrêmement préjudiciable à l'économie et à la vie du Liban. Il est, selon moi, parfaitement injustifié. La Résolution 1701 prévoit d'ailleurs la fin du blocus et nous demandons avec insistance aux Israéliens de bien vouloir mettre un terme à ce blocus qui, je le répète, n'est pas justifié et qui est extrêmement préjudiciable surtout après les destructions dramatiques qu'a connues l'économie libanaise du fait de la guerre. Donc, nous sommes pour la levée du blocus et nous intervenons pour la levée du blocus. Il faudra bien qu'il soit levé et le plus vite possible. Voilà pour ce qui concerne le blocus.
Pour ce qui concerne la question posée à Madame MERKEL, je lui laisse le soin de répondre.
MME ANGELA MERKEL - Tout d'abord une remarque préalable £ je crois que ce blocus doit être levé comme le prévoit bien la résolution 1701, et nous pensons qu'avec la contribution allemande, à savoir la protection des côtes libanaises, nous pouvons créer l'une des conditions permettant la levée du blocus par Israël. C'est précisément la finalité de la proposition allemande. Il s'agit maintenant de faire en sorte que les Libanais demandent cela, et une fois que les règles d'engagement auront été définies, et cela est en bonne voie, nous allons essayer de mettre en oeuvre notre proposition, et qui pourrait être très importante pour aller vers la levée du blocus. Ceci pourrait permettre que l'embargo sur les armes soit bien maintenu et qu'il n'y ait pas d'armes qui entrent au Liban.
Pour ce qui est de la question de la frontière syro-libanaise, nous ne prévoyons pas, et le Liban ne le demandera pas d'ailleurs, que des soldats allemands soient déployés sur cette frontière. D'après nos entretiens avec le Liban, nous allons apporter de l'aide technique et de l'aide en équipement, notamment en terme de formation de la police libanaise pour la protection de ses propres frontières. Le Liban a le droit de protéger ses frontières, je crois même que la Syrie l'acceptera, en tout cas, c'est l'usage, c'est précisément cela l'enjeu d'un Liban souverain qui doit bénéficier des droits de tout Etat souverain.
En ce qui concerne l'aide technique à la formation des personnels des douanes, et également l'aide à la formation des personnels de police, l'Allemagne apportera une contribution. Il y a une commission d'experts qui s'est rendue au Liban. Nous allons, une fois que nous aurons reçu les demandes du Liban, agir rapidement dans une très bonne coopération.
LE PRESIDENT - Je vous remercie.