11 décembre 2001 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur la mission des pompiers dans la lutte contre l'insécurité et leurs conditions de travail, Paris, le 11 décembre 2001.

Messieurs les Ministres,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,
Je connais bien depuis longtemps la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, pour avoir été associé à sa vie et à ses activités pendant un certain nombre d'années en tant que maire de Paris, et j'éprouve aujourd'hui un plaisir particulier à me retrouver parmi vous.
Cette visite m'a permis de prendre, une fois de plus, la mesure des évolutions de la brigade et aussi de ses sujets de préoccupation.
Elle est surtout pour moi l'occasion de saluer votre engagement efficace, courageux au service permanent de nos concitoyens de l'agglomération parisienne. Et à travers vous, je voudrais aussi rendre hommage à l'ensemble des unités militaires qui participent à des missions de service public, et en particulier aux unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile et au bataillon des marins pompiers de Marseille. J'y associe naturellement l'ensemble des pompiers civils, professionnels et volontaires qui assument leurs missions avec le plus extrême dévouement dans nos villes et dans nos villages.
Votre unité d'élite, et le mot est particulièrement choisi dans cette circonstance, a connu beaucoup de changements, depuis la création, en 1811, du bataillon des sapeurs-pompiers de Paris. Le plus important de ces changements a été la mise sur pied de la brigade en 1967, avec l'extension de sa zone d'action et la définition de son nouveau statut. Elle est maintenant engagée depuis quatre ans dans une profonde mutation.
D'abord, sa professionnalisation est un indiscutable succès qui lui assure plus de souplesse et plus de continuité. Sa féminisation progressive est également un atout supplémentaire pour l'avenir et elle contribuera à renforcer ses liens avec la société civile.
Enfin, le plan de modernisation 2002-2007 devrait lui permettre de faire face, dans de meilleures conditions, à la croissance considérable des demandes d'intervention observée depuis quinze ans.
Il est indispensable que ce plan soit appliqué intégralement par l'Etat et par les collectivités locales et qu'il soit révisé à mi-course, notamment en ce qui concerne les effectifs, les logements des personnels et les véhicules d'intervention.
Tout n'est pas réglé pour autant. La brigade doit surmonter dans l'immédiat certaines difficultés qu'on ne peut ignorer.
Se pose d'abord la question du statut et de la rémunération des médecins conventionnés qui exercent une fonction essentielle au sein de votre unité aux côtés des médecins militaires. Je me réjouis des progrès réalisés au cours de ces dernières semaines, et je souhaite qu'une solution équitable soit trouvée rapidement aux questions qui restent encore en suspens. Elle doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus globale sur l'aide médicale d'urgence.
Les secours aux personnes relèvent en effet d'un réseau complexe et peut-être insuffisamment articulé qui fait appel, en dehors des pompiers de Paris et des autres services publics concernés, et aussi à des organismes privés et à des associations d'aide aux personnes en difficulté.
Quoique distincts dans leur forme et leur finalité, ces différents modes d'intervention doivent faire l'objet d'une coordination d'ensemble aussi élaborée que possible. Et là, on peut encore faire des progrès. Notamment, les complémentarités entre la brigade de sapeurs-pompiers et le SAMU doivent être en permanence améliorées et davantage exploitées.
Mais le défi le plus sérieux auxquels vous êtes aujourd'hui confrontés est celui de l'insécurité croissante dans laquelle vos interventions s'effectuent, nous l'avons encore vu tout à l'heure, notamment dans certains quartiers ou dans certaines cités. La brigade, qui avait subi 2 agressions en 1990, en a connu plus de 70 en 2000.
Je sais que la détermination des pompiers de Paris, et je l'ai vu tout à l'heure, détermination à remplir leur mission de service public n'en est pas affectée. Mais il est intolérable et insupportable qu'on puisse s'en prendre impunément à une institution dédiée par nature au service et au secours des populations. Et cela ne sera pas supporté longtemps.
La situation à laquelle vous êtes confrontés n'est hélas qu'un des symptômes d'une dégradation générale de l'environnement de sécurité et de l'esprit civique, dégradation que connaît aujourd'hui notre pays.
Je veux cependant souligner que ces incidents, pour inacceptables qu'ils soient, ne sont en rien significatifs des sentiments qu'ont pour vous tous les Français. J'en veux pour preuve l'attachement qu'ils vous témoignent si souvent et notamment l'ovation qui vous est réservée chaque année, le 14 Juillet, en clôture du défilé de notre fête nationale.
La brigade des sapeurs-pompiers de Paris est une institution profondément ancrée dans le paysage quotidien et dans le coeur des Français. Ils savent le prix très élevé que vous payez pour leur sécurité.
Et je rends hommage, au nom de tous les Français, à vos camarades morts en service commandé et aux 4 000 blessés en intervention que vous avez connus dans vos rangs au cours de la dernière décennie.
Ces chiffres impressionnants témoignent de votre courage et de votre dévouement au service de la communauté.
Mesdames, Messieurs,
Les pompiers de Paris ont toujours eu un comportement exemplaire, fondé sur les vertus militaires de respect de la loi, de la discipline et de la disponibilité.
Et en tant que chef des armées, il m'appartient de le souligner.
Dans la période que nous vivons, un sentiment d'injustice, attisé par un décalage croissant entre les exigences de la fonction militaire et l'évolution de la société civile, a pu pousser certains à se mettre en rupture avec les principes qui fondent le statut militaire.
Tous les militaires doivent se souvenir que l'estime et la confiance qui leur valent une place à part dans le coeur et dans l'esprit des Français ne leur sont acquises que pour autant qu'ils observent les règles fondamentales que leur impose leur statut, une disponibilité exceptionnelle au service de l'Etat et au service de la nation.
Mais les armées de la République, c'est vrai, doivent être respectées, considérées, équipées et traitées dignement. Je l'ai dit à maintes reprises. C'est la contrepartie légitime de la loyauté et de la rigueur que les Français en attendent.
Placée pour emploi sous l'autorité du Préfet de Police, votre brigade vit aujourd'hui une mutation d'une ampleur comparable à celle de 1967.
Des efforts ont été consentis pour vous permettre de remplir dans de meilleures conditions votre mission de service public. Il faut les poursuivre.
La montée de l'insécurité, l'émergence de nouvelles menaces terroristes, le besoin croissant de coordination des services d'assistance et de secours exigeront naturellement de nouvelles adaptations.
Il y a quelques semaines, j'admirais à New York l'extraordinaire dévouement des pompiers américains travaillant dans des conditions effroyables dans les débris des tours abattues par les attentats du 11 septembre dernier. Et je me réjouis très sincèrement de votre projet de jumelage avec les pompiers de New York, avec le New York Fire Department. Vous partagez les mêmes valeurs, des valeurs de courage, d'abnégation, de disponibilité. Vous êtes un même objet de fierté pour les populations que vous servez.
Pour ma part, je vous exprime la reconnaissance et l'estime de tous les Français.
Vous avez toute ma confiance. Et je vous remercie.