5 octobre 1999 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur l'évolution des relations et la convergence des vues franco-espagnoles au niveau européen, l'importance de la présence française en Espagne et la coopération entre les deux pays, Madrid le 5 octobre 1999.

Mesdames, messieurs,

Permettez-moi de vous dire ma joie de rencontrer un certain nombre de nos compatriotes installés ou vivant en Espagne et de leur dire mes sentiments d'amitié et aussi d'estime. Je le fais bien entendu au nom du peuple français, je le fais au nom de nos ministres, M. VEDRINE, Ministre des Affaires étrangères, et M. MOSCOVICI, Ministre chargé des Affaires européennes, et aussi de M. ALLEGRE, notre Ministre de l'Education Nationale, mais nous ne savons pas très bien s'il est encore ou non en entretien avec son homologue espagnol. Il nous rejoindra probablement tout à l'heure. Je le fais aussi au nom du Parlement, on me permettra cette incursion, de la part de M. le Député GOUZES qui est Président du Groupe d'Amitié Espagne-France à l'Assemblée Nationale. Je le fais enfin au nom de notre Ambassadeur, M. Patrick LECLERCQ, et son épouse qui ont, avec l'ensemble de leurs collaborateurs et nos Consuls Généraux, très bien organisé cette visite et je les en remercie.
Je voudrais saluer particulièrement nos délégués au Conseil Supérieur des Français de l'Etranger et aussi les chefs d'entreprise, ceux qui sont là ou ceux qui sont en rendez-vous, et qui m'ont accompagné pour ce voyage à l'occasion duquel ils ont noué ou poursuivi des contacts avec leurs homologues espagnols.
Vous me permettrez tout d'abord d'évoquer avec reconnaissance la façon si chaleureuse, si cordiale, qui a marqué notre accueil ici de la part de Leurs Majestés le Roi et la Reine d'Espagne, de la part aussi, naturellement, du Président du Conseil du Gouvernement espagnol, M. José Maria AZNAR, et son épouse. Nous avons été très sensibles, ma femme et moi, à la chaleur de cet accueil, à ce caractère particulièrement amical qui a marqué à la fois notre accueil et nos entretiens.
Cela fait très longtemps en réalité qu'il n'y avait pas eu de visite d'Etat entre nos deux pays, de visite d'Etat, en tous les cas, de la partie française. C'est la première depuis la création de la Vème République, c'est même la première depuis 1913. Il est vrai qu'il y a eu des événements qui n'ont pas facilité les choses entre les deux.
Et, au fond, cette visite est venue à point nommé dans la mesure où elle consacre une évolution très positive dans les rapports entre nos deux grands pays. Pendant longtemps, ces rapports ont été un peu contrastés. Il y avait un côté fascinant d'attraction qui émanait de nos deux pays vis à vis de l'autre, mais aussi des phénomènes de réserve, de recul, même, dans la période récente de l'après-guerre. Nos amis espagnols n'avaient pas toujours très bien compris la position de la France au moment où l'Espagne était candidate à l'Union Européenne, à l'entrée dans l'Union Européenne.
Les rapports en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme n'ont pas toujours été suffisamment clairs, nous avions des batailles rangées entre nos pêcheurs ou des attaques, inacceptables d'ailleurs, des camions qui apportaient des primeurs espagnols en France. Enfin, bref, il y avait toutes sortes d'agressivité et tous ces problèmes aujourd'hui sont derrière nous. On a l'impression que depuis quelques années, notamment dans la période récente, la page a été tournée, une page a été tournée, et que ce qui nous rapproche a repris très fortement le dessus. Peut-être parce que nous nous sommes mieux compris, peut-être parce que l'Espagne aussi a su surmonter les difficultés et revenir au premier rang dans le concert international et aussi sur le plan européen, qu'elle a ainsi retrouvé, de ce point de vue, sa force et sa grandeur. Peut-être aussi parce que la diplomatie française a su trouver les gestes nécessaires pour que l'on se comprenne mieux, que l'on s'estime davantage.
En tous les cas, quelles que soient les raisons qui justifient cette évolution, il est certain que jamais, me semble-t-il, dans notre histoire, les relations entre l'Espagne et la France, jamais, n'ont été aussi chaleureuses et aussi dépourvues de nuages, et les quelques brumes qui peuvent encore subsister, j'en suis sûr, vont définitivement disparaître. Et je m'en réjouis car je souhaite beaucoup, et c'est notre ambition, celle du Gouvernement, la mienne, je souhaite beaucoup que nous puissions avoir une amitié, une coopération, un partenariat renforcé dans tous les domaines entre l'Espagne et la France.
Sur le plan politique, nous partageons maintenant un destin commun qui est celui de la construction européenne et, les choses étant ce qu'elles sont, nous observons que dans tous les domaines, pratiquement, les positions de l'Espagne et de la France sont parfaitement convergentes. Nous sommes en train de préparer le Sommet de Tampere, qui a été d'ailleurs initié par l'Espagne, demandé par l'Espagne, et où pour la première fois nous allons traiter des délicats problèmes touchant à l'immigration, l'espace judiciaire européen, la lutte contre la grande criminalité, toutes ces choses qui touchent de si près les populations européennes. Et nous le faisons dans un esprit tout à fait commun.
Il en va de même pour les problèmes de défense et les déclarations faites hier par le Président du Gouvernement étaient à cet égard sans ambiguïté. Nous avons aussi des positions communes sur la réforme des institutions, sur les modalités de l'élargissement, sur ce qui doit être fait pour les négociations du cycle de l'Organisation mondiale du commerce. Toutes ces choses si importantes pour la vie de demain vont créer dans nos deux pays des réactions tout à fait convergentes.
Vrai sur le plan politique, mais aussi vrai sur le plan économique. On le dit, on le répète, mais cela a beaucoup de conséquences induites. La France est le premier partenaire commercial et le deuxième investisseur en Espagne. Ceci d'ailleurs beaucoup grâce au dynamisme des industriels français, des chefs d'entreprises, petites, moyennes ou grandes, françaises, mais aussi grâce au dynamisme, à l'ouverture, à la vitalité retrouvée des chefs d'entreprises, petites, moyennes ou grandes d'Espagne.
C'est vrai enfin sur le plan culturel. J'ai été frappé par la qualité de l'Année culturelle France-Espagne, et je m'en suis beaucoup réjoui.
Alors, dans ce contexte positif qui ne peut aujourd'hui que s'améliorer, nous avons la chance d'avoir ici une communauté française importante et dynamique. Près de 70.000 Français vivent en Espagne. Ils sont, je dirais, harmonieusement répartis sur l'ensemble du pays. De Madrid à Barcelone, d'Alicante au Pays basque, on voit des Français partout, sans parler naturellement du flux de touristes français qui grandit chaque année, comme j'ai pu l'observer, d'ailleurs, en Andalousie dimanche. Notre communauté est une communauté entreprenante qui participe, et j'en ai eu maints témoignages depuis deux jours, à l'essor économique de l'Espagne.
Plus de mille entreprises françaises sont installées dans ce pays. Des conseillers du commerce extérieurs dynamiques, deux Chambres de Commerce et d'industrie très actives, à Madrid et à Barcelone. Bref, une communauté Française qui bénéficie aussi d'avantages sur le plan éducatif, puisque la France entretient en Espagne son premier réseau d'établissements culturels et d'enseignement en Europe et le second dans le monde, une implantation par conséquent facilitée. Une communauté très présente aussi dans le domaine de l'action sociale. Bref, une communauté qui fait honneur à notre pays.
Alors, pour conclure, je voudrais en remerciant encore les autorités Espagnoles, en saluant à nouveau la communauté Française, dire qu'à mon avis, à partir du moment où les préjugés, où les réactions psychologiques ont été aujourd'hui maîtrisées, il n'y a pas de limite à la coopération entre la France et l'Espagne, pas de limite. Et elle repose pour une part importante sur le dynamisme de notre communauté Française ici. Et nous devons donc beaucoup compter sur elle et pour cela, naturellement, lui rendre l'hommage qu'elle mérite. Et c'est pourquoi, en terminant, je voudrais vous dire mes sentiments d'estime pour ce que vous faites dans ce pays et souhaiter naturellement la plus grande réussite à vos ambitions légitimes. Beaucoup de reconnaissance aussi et enfin, très simplement, et de tout coeur, beaucoup d'amitié.
Je vous remercie.\