17 novembre 1997 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. Jacques Chirac, Président de la République, et du Docteur Mohamad Mahathir, Premier ministre de Malaisie, sur les relations franco-malaises, la situation financière de la Malaisie dans la crise monétaire en Asie et sur la situation au Cambodge et au Vietnam, Langkawi le 17 novembre 1997.

Mesdames, Messieurs,
Je voudrais saluer les journalistes de Malaisie et ceux de France et exprimer ma gratitude aux autorités de Malaisie et tout particulièrement au Premier Ministre pour leur accueil.
Nous avons eu dans ce bel endroit, dont malheureusement nous ne pourrons pas profiter comme on aurait pu le souhaiter, un entretien depuis huit heures et demie ce matin extrêmement intéressant et caractéristique des relations fortes qui se sont développées depuis quelque temps entre la Malaisie et la France et qui font qu'en deux ans c'est notre quatrième rencontre et chaque fois, dans un dialogue je dirai très constructif et agréable. Comme vous le savez, la France souhaite, avec l'Europe, renforcer sensiblement les liens avec l'Asie. Autrement dit renforcer - j'ai eu l'occasion de la dire dans le passé - le côté Asie-Europe du triangle Asie-Europe-Etats-Unis. La France a aujourd'hui des intérêts importants en Malaisie et réciproquement. L'Asie est un pôle de développement essentiel du monde de demain et en Asie, l'ASEAN qui renforce en permanence sa cohérence et sa cohésion sera sans aucune doute l'une des puissances comme l'Union Européenne, à la fois politique, économique et culturelle du monde de demain.
Nous avons, bien entendu, évoqué les problèmes liés aux turbulences financières et monétaires que connaît aujourd'hui l'Asie du Sud-Est et l'Asie tout court d'ailleurs, comme ce fut le cas, il y a quelque temps en Amérique du Sud. J'ai indiqué au Premier Ministre que quelles que soient les conséquences économiques et sociales extrêmement dommageables de ces fluctuations monétaires, je considérais pour ma part que ces fluctuations n'étaient pas de nature à remettre en cause la capacité de croissance de l'Asie du Sud-Est et que, même si l'on peut s'interroger à la fois sur les origines et les conséquences de la situation actuelle, pour ma part, je restais parfaitement confiant dans l'avenir économique de cette région, et notamment tout particulièrement de la Malaisie qui, par rapport à d'autres pays qui l'entourent, a l'avantage d'être un pays dont la gestion depuis de longues années s'est faite dans des conditions qui ont permis d'avoir un socle très solide. Ce que les experts appellent les fondamentaux c'est-à-dire aussi bien l'équilibre des finances publiques, un endettement extérieur limité, une inflation très contrôlée et très faible. Bref, tout ce qui caractérise la véritable santé, la véritable nature d'un pays en Malaisie se présente de façon tout à fait positive. Ce qui permet, je le répète, malgré les fluctuations actuelles d'être tout à fait optimiste pour ce pays. C'est en tous les cas ma conviction.
Je voudrais souligner que c'est également celle du Directeur général du Fonds Monétaire International, avec qui nous avons eu un contact encore hier et qui était, il y a trois jours, ici, en Malaisie où il a, je le rappelle, déclaré : "que la Malaisie était solide, que la Malaisie n'avait pas besoin d'aide extérieure, même si elle est affectée par les problèmes rencontrés par ses voisins, c'est évident, elle n'était pas dans une situation préoccupante". Il a ajouté, M. Camdessus et je le cite : "Je pense que la Malaisie peut faire face à la crise actuelle et je ne vois pas la nécessité d'une aide du FMI". Autrement dit la Malaisie conserve aujourd'hui toute sa solidité, une solidité qui vient de l'effort des années précédentes, des dizaines d'années précédentes et qui a permis, à partir d'un pays qui était pauvre et en développement, il y a trente ans, quand je l'ai connu, pour la première fois, de devenir un pays émergent, solide et avec des bases, des racines, des fondations extrêmement solides.
Nous avons également évoqué un certain nombre de problèmes internationaux. Nous avons le Docteur Mahathir et moi la même vision d'un monde multipolaire harmonieux, stable, pacifique bien entendu où se
développe un certain nombre de pôles de puissances économiques, culturelles et politiques : l'ASEAN, l'Union Européenne mais aussi le MERCOSUR, la Chine et demain l'Afrique sans aucun doute.
Nous avons aussi parlé de la nécessité absolue d'avoir un renforcement considérable du lien entre le G7 et le G15. Le G15 dont la présidence est assurée actuellement par la Malaisie s'est réunie récemment à Kuala Lumpur et cette réunion a été un succès. Mais la France dit depuis deux ans qu'il est très difficile de parler à sept aujourd'hui, dans le monde tel qu'il est, des problèmes monétaires internationaux, des problèmes financiers du monde sans avoir les représentants d'une partie aussi importante que l'Asie et notamment l'Asie du Sud-Est même si nous avons le Japon, ce pôle de croissance. Il est extrêmement difficile de parler des problèmes monétaires internationaux sans les représentants de cette zone particulièrement active du monde et on le voit bien d'ailleurs avec les problèmes que nous connaissons aujourd'hui. J'ai confirmé au Docteur Mahathir que nous étions extrêmement favorables à une participation très active du G15 avec le G7 dans des conditions et selon des modalités qui demandent à être précisées.
Nous avons également évoqué les problèmes de la région, ceux du Cambodge en particulier mais également aussi ceux qui nous inquiètent beaucoup du Proche-Orient, la dégradation du processus de paix qui nous inquiète les uns et les autres.
Nous avons évoqué les problèmes de la Bosnie et ce qui devrait se passer à partir du mois de juin prochain. Vous savez qu'en Bosnie les soldats malaisiens et français combattent côte-à-côte pour la paix sur le terrain, et donc nous sommes très concernés les uns et les autres par ce problème de la Bosnie.
Nous avons évoqué nos problèmes bilatéraux, nos relations sont excellentes, chacun le sait, mais nous devons renforcer certainement nos relations économiques. Nous avons, en Malaisie, 235 entreprises françaises et le nombre s'accroît régulièrement, ce qui est positif. Nous avons des échanges qui se présentent également très bien, de ce point de vue nous n'avons pas de difficulté. Nous avons des coopérations, nous l'avons vu en matière automobile, et j'ai remercié le Premier Ministre d'avoir bien voulu le 15 novembre être lui-même présent pour l'inauguration de l'usine d'automobiles de Kulim, une opération franco/Malaisienne et je lui ai dit que nous étions très favorables à un renforcement de la coopération industrielle, des associations, de la construction ensemble de produits sophistiqués, modernes, civils ou d'ailleurs militaires.
Nous avons également une très bonne coopération entre TOTAL et PETRONAS que nous souhaitons développer encore et qui a connu une illustration importante récemment avec le contrat TOTAL-PETRONAS-GASPROM (russe) en Iran et nous nous sommes convenus que cette coopération devrait continuer à se développer.
Nous avons constaté notre convergence de vues pour ce qui concerne l'Organisation des Nations Unies mais également notre position à la Conférence de Kyoto sur la maîtrise de l'émission des gaz à effet de serre et là-aussi dans ce domaine comme généralement dans le domaine de l'environnement la Malaisie et la France se trouvent tout à fait sur la même longueur d'ondes.
Voilà les principaux sujets que nous avons évoqués. Je me réjouis que nous ayons pu le faire, que nous l'ayons fait, une fois de plus dans un climat à la fois de confiance et d'amitié et je souhaite, vous le savez, que la France et la Malaisie renforcent sans cesse leurs relations. Nous avons d'ailleurs, et c'est une procédure qui n'existe, en ce qui concerne la France, qu'avec la Malaisie, deux spécialistes de très hauts niveaux, le Docteur Jaffar et M. Jean-Claude Paye qui suivent en permanence, en liaison directe avec le Premier Ministre et avec moi, les problèmes du développement des relations entre nos deux pays. J'ajoute que le Docteur Mahathir souhaite également un renforcement de nos relations culturelles avec, notamment la venue en France, comme c'est le cas avec l'Angleterre, d'étudiants en français dans les technologies de l'information, dans les hautes technologies et nous avons décidé là-aussi de prendre de nouvelles dispositions pour renforcer ces liens. Voilà l'essentiel de ce que nous avons dit.
LE PREMIER MINISTRE MALAIS - Je voudrais dire combien nous sommes heureux de recevoir le Président Chirac pour cette visite officieuse et amicale en Malaisie, et de cette possibilité d'avoir des discussions sur des questions à la fois bilatérales et internationales. Cette visite du Président fait que les relations entre la France et la Malaisie sont montées d'un niveau. Nous sommes maintenant beaucoup proches l'un de l'autre. Nous nous comprenons, nous nous aidons mutuellement et je crois que l'amélioration de cette relation entre la France et la Malaisie ne peut qu'apporter du bon. Pour ce qui concerne la Malaisie, bien entendu, nous souhaitons faire de notre mieux pour que cette relation très fructueuse puisse donner des résultats concrets.
Nous avons eu, depuis hier soir d'ailleurs, des discussions très poussées, nous avons couvert énormément de domaines différents et, comme l'a dit le Président, dans la plupart des cas nous sommes d'accord. Il y a, certes, quelques différences mineures de perception. Mais je suis particulièrement heureux de la confiance dont témoignage la France vis-à-vis de la gestion monétaire et de ce qu'il en est de cette crise financière pour la Malaisie. Cela dit, au cours de nos discussions, j'ai fourni des explications extrêmement détaillées sur les problèmes générés par la dévaluation de la monnaie malaisienne ainsi que celle d'un certain nombre d'autres monnaies des pays de l'Asie du Sud-Est. Je crois d'ailleurs que grâce à cette explication nous avons pu montrer combien il est nécessaire que le G15 soit représenté lors des réunions du G7. Il faut que le G7 puisse entendre l'avis des pays de l'Asie du Sud-Est surtout lorsqu'il est question de problèmes financiers de cette région mais aussi du reste du monde et plus particulièrement des pays en développement. Au cours de nos discussions j'ai également expliqué la nécessité des « trottings » financiers plus ouverts et d'une réglementation indispensable qui éviterait l'effet déstabilisateur de ces spéculations monétaires. D'ailleurs je crois que le Président était d'accord avec moi pour dire qu'il fallait qu'il y ait une certaine réglementation et M. Camdessus en était d'accord aussi d'ailleurs, lorsqu'il est venu. Si les propositions de la Malaisie étaient effectivement abordées, discutées, et, qui sait, acceptées, je suis certain que nous pourrions éviter les perturbations monétaires majeures qui affectent cette région à l'heure actuelle et qui peuvent également représenter une atteinte majeure pour les pays en développement ailleurs dans le monde. Pour le reste le Président a déjà expliqué quels étaient les domaines que nous avions abordés et je ne peux qu¿être d'accord avec ce qu'il a dit. Donc je m'abstiendrai de tout autre commentaire, nous pourrions peut-être maintenant répondre à vos questions.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Si vous le permettez, j'ai oublié deux choses. La première je voudrais confirmer ce que vient de dire le Premier Ministre et ce qui est également l'avis exprimé publiquement par le Directeur général du Fonds Monétaire International. C'est que la mondialisation a ses effets positifs et ils sont considérables mais j'ai, pour ma part, toujours dit qu'il pouvait y avoir des effets négatifs tant dans le domaine social concernant l'exclusion que dans le domaine financier concernant la spéculation. Et que par conséquent, nous devions maîtriser la mondialisation de façon à profiter de tout ce qu'elle apporte de positif mais à éviter ce qu'elle peut apporter de négatif. Et dans ce domaine, la spéculation tout à fait excessive qui est faite aujourd'hui et par certains, doit être maîtrisée, c'est-à-dire qu'il faut trouver des règles prudentielles qui permettent d'éviter la loi de la jungle, dans l'intérêt de tout le monde et généralement d'ailleurs comme l'a dit très justement, le Docteur Mahathir, à plusieurs reprises, au détriment des plus pauvres. Je ne parle pas des pays, je parle des habitants. Donc l'idée du Directeur général du FMI, consistant à faire immédiatement une étude à partir de la proposition présentée par la Malaisie, sur les modalités d'intervention d'un certain nombre d'opérateurs -je pense en particulier aux « HEDGE FUNDS », aux « MUTUAL FUNDS », et d'autres de façon à encadrer cette action pour éviter les excès, est sans aucun doute quelque chose qui doit être fait et je souhaite que la collaboration entre le Fonds Monétaire International, la Malaisie et quelques autres pays concernés puisse permettre de maîtriser cela.
La deuxième chose que j'ai oubliée, et vous savez que je suis très attaché à l'Afrique, c'est que nous avons confirmé notre volonté d'avoir une action concertée entre la Malaisie, le Japon et la France pour des opérations de développement en Afrique. Le Japon, la France et la Malaisie sont trois donneurs d'aides très importants à l'Afrique. L'Afrique est un pays qui actuellement progresse dans la bonne direction sur le plan du développement même s'il y a des difficultés ou des accidents politiques, cela ne doit pas masquer la réalité d'une évolution. Nous avons pensé qu'étant trois opérateurs privilégiés vers l'Afrique, le Japon, la Malaisie et la France pourraient coordonner davantage leurs actions pour les rendre plus efficace et donc nous allons faire comme cela.
QUESTION - Puis-je demander au Docteur Mahathir en quoi cette proposition d'une plus grande maîtrise de la situation monétaire a été perçue dans vos discussions avec le Président et que va-t-il en être maintenant, étant donné que M. Camdessus soit d'accord avec ces démarches, donc quelle est l'étape suivante qui permettrait de mettre tout cela en place ?
LE PREMIER MINISTRE MALAIS - Eh bien, comme je viens de vous le dire, j'ai expliqué de façon très détaillée ce qui s'était passé dans les pays d'Asie du Sud-Est et de cette nécessité de maîtriser certaines pratiques des spéculateurs et du marché monétaire. Je ne vais pas m'étendre là-dessus, j'ai eu d'autres occasions de vous en parler, mais j'ai communiqué au Président les mêmes informations qu'a M. Camdessus, et nous sommes donc d'accord pour dire qu'il doit y avoir une certaine réglementation de façon à ne pas entraîner trop de perturbations? Surtout pour les économies en pleine croissance. Nous avons pu élaborer un certain nombre d'idées, y compris une plus grande ouverture aux marchés pour les échanges monétaires bien structurés, le niveau d'endettement possible pour les spéculateurs - leur effet de levier - tout ceci nous l'avions également expliqué à M. Camdessus, comme je l'ai expliqué à M. Chirac. Je crois que maintenant, c'est à la Malaisie et aux pays de L'ASEAN, ainsi qu'aux pays du G7 de discuter de tout cela en détail et de décider, de l'entériner ou éventuellement de modifier les propositions faites par la Malaisie.
QUESTION - Monsieur le Président, tout à l'heure vous avez dit que dans votre entretien avec le Premier Ministre Mahathir, le problème du Cambodge avait été évoqué. Est-ce que la France et la Malaisie ont une position commune, surtout après l'événement du début juillet qui a évincé le Premier Ministre Norodom Ranariddh £ connaissez-vous le gouvernement actuel au Cambodge ?
LE PRESIDENT - Nous avons évoqué naturellement le Cambodge, pour constater que nous avions, effectivement, une position commune. Nous n'avons pas à apporter de jugement sur le remplacement du premier Premier Ministre par un autre. Cela est une affaire intérieure cambodgienne. Mais, en
revanche, sur le plan politique, nous avons l'espoir que le processus électoral qui est engagé, le retour garanti en matière de sécurité des personnalités politiques cambodgiennes de tout parti, permettra de faire un pas important dans le rétablissement, de la paix, de la stabilité et de la démocratie.
J'ajoute que nous souhaitons que les conditions requises pour l'entrée du Cambodge dans l'ASEAN, soient remplies le plus rapidement possible, puisque le Cambodge a tout naturellement sa place dans l'ASEAN. Et enfin, je vous rappelle qu'il y a une coopération économique entre la France et la Malaisie importante au Cambodge. Je ne citerais que, pour exemple, la réalisation de l'aérodrome de Ponchatong, qui est faite ensemble entre la Malaisie et la France.
QUESTION - Monsieur le Président, vous n'avez pas évoqué l'Irak dans les grands dossiers internationaux sur lesquels vous avez discuté avec le Premier Ministre. J'imagine que vous en avez parlé. Hier, vous avez évoqué la solidarité de la France avec les Etats-Unis dans cette affaire. Est-ce que cette solidarité va jusqu'à un conflit armé, est-ce que la France serait aux côtés des Etats-Unis, si elle engageait une opération militaire ?
LE PRESIDENT - D'abord, naturellement, nous avons parlé de l'Irak et de l'ensemble de cette région avec le Docteur Mahathir. Et là-aussi, vous savez, nous avons des positions qui sont extrêmement proches, le Premier Ministre malais et moi, très très proches. S'agissant de l'Irak, j'ai dit ce que j'avais à dire hier et il n'y a aucun élément nouveau qui me conduise à faire un commentaire supplémentaire. La France est naturellement solidaire de l'ONU dans cette affaire, et souhaite qu'il y ait une sortie de crise. Vous savez que j'ai eu hier un long entretien de près d'une heure avec le Président Clinton qui a porté essentiellement sur ce sujet. J'ai le sentiment que les arguments que j'ai développés, je dirais, ont participé à ce qui me semble être aujourd'hui quelque chose qui va un peu vers le sens de la détente. Je souhaite une issue aussi pacifique que possible de cette affaire.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé des relations entre l'ASEAN et l'Union Européenne. J'aimerais savoir si vous avez évoqué le problème qui existe actuellement entre l'ASEAN et l'Union Européenne concernant la participation de la Birmanie comme observateur ? Monsieur le Premier Ministre Mahathir, vous-même boycottez, d'une certaine façon, le prochain sommet de Londres, au cas où la Birmanie ne serait pas admise comme observateur au sein de l'ASEAN ?
LE PREMIER MINISTRE MALAIS - Eh bien ! En fait, tout est question de savoir qui représente la région. Nous, nous n'allons pas insister pour que certains pays européens ne soient pas présents lors de ce sommet de l'ASEAN. De même, nous pensons que les autres ne doivent pas déterminer qui représente l'ASEAN et les pays de l'Asie du Sud-est. C'est à nous d'en décider. Et poser des conditions, n'est pas quelque chose qui se prête à un bon dialogue entre partenaires régionaux. Nous pensons que laisser la Birmanie à l'écart, ne va en rien contribuer à produire l'évolution que chacun attend de la part de la Birmanie. D'où cette opinion que nous avons qu'il faut pouvoir établir des relations avec le peuple birman et ainsi l'amener à accepter les normes que le monde entier semble vouloir voir respectées.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez mentionné une volonté de limiter les mouvements internationaux de capitaux. Dans cette....
LE PRESIDENT - Je m'excuse de vous interrompre. Je n'ai pas dit de limiter les mouvements internationaux de capitaux. J'ai dit de maîtriser les effets nocifs que certaines pratiques, qui ne sont pas encadrées, peuvent avoir comme conséquence sur le plan économique, social ou monétaire. C'est tout à fait différent. Je ne suis naturellement pas favorable au contrôle des changes ou à la limitation des mouvements de capitaux.
QUESTION - ... Dans la mesure où la spéculation traduit une défiance des opérateurs vis-à-vis des économies et des pratiques parfois néfastes de gestion -comme c'est le cas en Thaïlande ou dans d'autres pays-, ne considérez-vous pas que ces limitations, même si elles ne s'appliquent pas aux capitaux, mais à ce que vous appelez la spéculation, aient un effet négatif dans la mesure où elles dissuaderont les opérateurs de venir investir dans ces pays ?
LE PRESIDENT - Je ne crois pas du tout. La liberté de circulation des capitaux est, par définition, une règle qui, aujourd'hui, est admise par tout le monde. Ce qu'il faut éviter, c'est l'anarchie. C'est vrai sur le plan national. La liberté des capitaux dans un pays n'est pas en cause sous prétexte qu'il y a des règles prudentielles qui sont obligatoires pour les banques, les institutions financières, etc... Nous connaissons bien cela dans tous nos pays, il y a des règles. Or, là, il se trouve que la rapidité de l'évolution conduit à des effets négatifs, incontrôlés, excessifs, et qui ne sont pas dans l'intérêt général, ni même dans l'intérêt de la mondialisation. D'où l'idée de la Malaisie, reprise par Monsieur Camdessus : d'abord, d'avoir une véritable étude sur ces problèmes et, ensuite, de mettre en oeuvre les moyens, je dirais, les règles prudentielles, qui doivent s'appliquer pour éviter les excès. Le Docteur Mahathir cite souvent le fait que les emprunteurs peuvent emprunter jusqu'à 20 fois leur mise pour faire une opération de spéculation, ce que ne peut pas faire naturellement une banque centrale. Cela mérite, en tous les cas, d'être examiné, de savoir si c'est légitime ou non. En tous les cas, cela doit être étudié.
QUESTION - Avez-vous parlé du dossier des méthaniers qui intéressent les chantiers de l'Atlantique, et si oui, quel est l'état du dossier ?
LE PRESIDENT - Alors, naturellement j'ai parlé du dossier des méthaniers. Le contraire vous aurez étonné, j'imagine. Disons les choses franchement. Dans cette affaire, les Français ont fait une erreur. Bon, c'est comme cela, ce sont des choses qui arrivent. Et cette erreur se heurte maintenant à une réglementation, à une règle du jeu que nous n'avons pas respectée. Cela nous met évidemment dans une situation extrêmement difficile. Alors, j'ai sollicité l'indulgence des autorités de Malaisie, mais je reconnais qu'elles sont elles-mêmes enfermées dans le respect des règles de droit. Tout cela n'est pas facile. Enfin, j'ai souligné l'importance que j'attachais à cette affaire.
QUESTION - Ma question s'adresse à la fois au Président et au Premier Ministre. Dans le News Strait Times, il y a quelques jours, un journaliste a parlé des mauvaises relations, ou plus exactement, de l'absence de couverture mutuelle par la presse en Europe et en Asie. En gros, l'Europe tend à considérer les choses avec un certain européano-centrisme. Qu'en pensez-vous, étant donné qu'ici il y ait beaucoup de journalistes français ou de journalistes occidentaux ?
LE PRESIDENT - C'est vrai, mais c'est un peu naturel, même s'il y a eu une évolution. Pendant longtemps, la presse européenne s'est surtout intéressée à l'Europe. Petit à petit, elle porte davantage son regard sur le reste du monde. Notamment, vous le savez, nous avons une agence de presse, l'AFP, qui est l'une des premières du monde, et qui diffuse dans le monde entier l'information, d'ailleurs en plusieurs langues, et qui, par conséquent, est reprise ensuite par la presse européenne. Alors, il faut évoluer dans le bon sens. Mais c'est vrai aussi pour l'Asie, où je remarque que, très souvent, la couverture de presse des affaires européennes n'est pas très importante.
QUESTION - Monsieur le Président, si vous le permettez, une question qui ne concerne pas la Malaisie. J'aimerais avoir votre réaction à la mort de Georges Marchais ?
LE PRESIDENT - Georges Marchais a été une figure de la vie politique française et j'ai eu l'occasion, comme vous le savez peut-être -vous l'avez peut-être lu-, de m'exprimer sur ce point et de présenter mes condoléances à sa famille et à son parti.
Puisque nous terminons cette conférence de presse, je voudrais encore remercier le Docteur Mahathir. Je voudrais malheureusement formuler un regret. Nous sommes, ici, dans un des plus beaux endroits du monde. Nous sommes arrivés hier soir pour nous précipiter dans un dîner de travail, d'ailleurs extrêmement intéressant, et que j'ai, pour ma part, beaucoup apprécié. Nous avons repris nos discussions à 8h30, elles ne cesseront pas avant le moment où nous monterons dans la voiture pour rejoindre l'aérodrome. Et mon regret, c'est de ne pas avoir plus de temps, ne serait-ce que pour une demie heure, pour voir notre environnement ici, qui est probablement l'un des plus beaux et des plus agréables de notre planète.
Je vous remercie.