9 octobre 1996 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les relations franco-béninoises lors de la remise des insignes de Grand Croix de la Légion d'Honneur au Dr Emile-Derlin Zinsou, ancien Président de la République du Bénin et Président du Conseil permanent de la Francophonie, Paris le 9 octobre 1996.

Messieurs les présidents,
- monsieur le garde des sceaux,
- madame le ministre,
- messieurs les ambassadeurs,
- chère madame,
- mesdames, messieurs,
- mes chers amis,
- Je suis très heureux de vous accueillir au Palais de l'Elysée, avec votre famille, monsieur le Président, pour une cérémonie qui me permet de rendre un hommage à la fois solennel et amical à un homme pour lequel j'ai une très grande estime et un profond attachement.
- C'est un grand ami de la France, un ami sûr, fidèle, loyal, qui oeuvre depuis plus de 50 ans à l'épanouissement et au développement des liens entre nos deux pays, le Bénin et la France, que je vais élever à la dignité de Grand'Croix de la Légion d'Honneur £ c'est à un ami personnel que je vais conférer la plus haute distinction de notre Ordre national le plus prestigieux.
- Monsieur le Président, cher ami, je tiens à ce que chacun ici saisisse la qualité toute particulière de nos liens, ainsi que l'estime et l'attachement que j'éprouve pour vous.
- Mais ces relations que nous avons nouées à titre personnel ne sauraient étonner ceux qui connaissent la longue histoire commune de nos deux pays.
- Parlant du Bénin (alors Dahomey) et de la France, le Général de Gaulle devait dire :
- "Que d'épreuves traversées en commun dans la paix et dans la guerre ! Que d'amitiés nouées de l'un à l'autre peuple ! (...) Le fait est que nos deux peuples se comprennent, s'estiment, s'aiment, parlent la même langue, partagent la même culture, s'inspirent du même idéal. Tout se passe comme si, vous et nous, tirions des mêmes sources la vie, la pensée et l'action. Dans notre monde troublé et menacé, ajoutait le Général de Gaulle, il y a là quelque chose qui satisfait l'âme, mais aussi éclaire la politique".\
Le rappel du long chemin que vous-même avez parcouru le confirme merveilleusement.
- Vous êtes né à Ouidah, monsieur le Président, Ouidah qui est considérée comme la capitale culturelle et religieuse du Bénin, une pépinière d'intellectuels que l'on appelle parfois "le quartier Latin de l'Afrique".
- Votre père était instituteur. Vous, vous choisirez de faire des études de médecine. Diplômé de l'Ecole de médecine de Dakar en 1940, vous exercez pendant plusieurs années en Côte d'Ivoire et au Dahomey. Vous poursuivrez ensuite vos études en France et soutiendrez en juillet 1953 votre thèse à Paris, devant un jury présidé par le Professeur Mondor. Mais vous êtes déjà engagé dans la vie politique de votre pays : vous êtes aussi à ce moment-là Vice-Président de l'Assemblée de l'Union française.
- Elu sénateur en 1955, vous allez acquérir au sein des Assemblées parlementaires françaises une grande expérience du fonctionnement des institutions et de l'exercice du jeu démocratique.
- Vous devenez le secrétaire général du groupe des indépendants d'Outre-Mer que présidera, dès son adhésion, Léopold Sédar Senghor. En 1958, vous participerez à la création du Parti du Regroupement Africain et du Parti Progressiste Dahoméen.
- Lorsque le Dahomey accède à l'indépendance, vous êtes nommé Ambassadeur en France et Président de la Cour Suprême, avant de devenir, en 1965, ministre des affaires étrangères du général Christophe Soglo.
- En 1968, les militaires vous confient le pouvoir, mais vous tiendrez, avant de prendre les fonctions de Président de la République, à asseoir votre légitimité en soumettant à un référendum populaire libre ce choix qui sera ratifié par 73 % des suffrages.
- Cette expérience politique et cette sagesse, que tous vous reconnaissent, conduiront le Président Mathieu Kérékou, que je salue très cordialement, à vous appeler auprès de lui comme Conseiller spécial, lorsqu'il sera élu en mars dernier à la Présidence de la République du Bénin.\
Il est enfin un autre cercle, plus large encore, où vous exercez depuis toujours votre influence : c'est celui de notre grande famille francophone. La profonde confiance et le respect affectueux que nous vous portons tous se sont d'ailleurs pleinement manifestés en décembre 1994 lorsque vous avez été élu Président du Conseil permanent de la Francophonie. Le succès du sommet de Cotonou, en décembre dernier, nous a montré combien nous avions eu raison de vous confier cette lourde responsabilité. La réforme que nous avons d'ailleurs décidée lors de cette réunion en créant un poste de secrétaire général de la Francophonie, devrait permettre à notre Communauté de renforcer son influence et de prendre ainsi la dimension qui doit être la sienne. Et je vous suis reconnaissant du vif intérêt et de l'attention avec lesquels vous suivez les actions de l'AIMF - une Association qui m'est tout particulièrement chère, vous le savez tous.
- Vous savez tous, en effet, mes chers amis, l'importance que j'attache à la construction francophone. Celle-ci permet, certes, la défense et la promotion d'une langue que nous aimons et dont nous sommes fiers. Il s'agit aussi, il s'agit surtout de défendre les idées que notre langue commune a si largement contribué à répandre dans le monde, des idées généreuses pour lesquelles, Monsieur le Président, vous avez toujours lutté, avec opiniâtreté, avec conviction et avec courage. C'est votre ambition, c'est aussi la nôtre.
- Oui, vraiment, "Tout se passe comme si, vous et nous, tirions des mêmes sources la vie, la pensée et l'action" pourrait dire le Général de Gaulle.
- C'est pourquoi j'ai l'honneur et la très grande joie de vous remettre, à vous qui êtes l'un des plus éminents représentants de la Francophonie et un ami très cher, les insignes de Grand'Croix de la Légion d'Honneur. Je m'en réjouis profondément et je vous adresse, de tout coeur, en présence de votre épouse à laquelle je présente mes respectueux hommages, en présence de votre famille et de vos amis, mes félicitations les plus chaleureuses.
- Emile-Derlin Zinsou, au nom de la République française, nous vous élevons à la dignité de Grand'Croix dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur.\