26 octobre 1993 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la nouvelle souveraineté de la Principauté, la mise en place de ses institutions et sa place sur le plan international, Andorre-la-Vieille le 26 octobre 1993.

Monseigneur,
- Monsieur le Syndic général,
- Monsieur le chef du gouvernement,
- Mesdames et messieurs les élus et membres du gouvernement.
- Je réponds en ce jour à l'invitation qui m'a été faite lors de la signature de la constitution voici quelques mois. Me voici donc à nouveau parmi vous. Je dois vous dire que je suis très heureux de retrouver en cette occasion symbolique, la chaleur de votre accueil et la majesté du site des Vallées d'Andorre. Déjà en 1986, lors de ma première visite, j'avais ressenti cette communion permanente entre le peuple andorran, sa terre et ses traditions. C'est cette force qui vous a permis de traverser l'histoire et qui vous conduit à envisager résolument votre avenir dans le concert des Etats où désormais Andorre a sa place.
- Je dois dire qu'au travers de ces années, c'est-à-dire depuis plus de douze ans, j'ai pu entretenir avec tous les responsables d'Andorre les meilleures relations et je me suis réjoui de voir tous ces élus aller de l'avant et finalement aboutir au résultat que nous célébrons aujourd'hui.\
Il y a sept ans, en effet, faisant à cet endroit le bilan des réformes en cours, j'évoquais la possibilité de franchir une étape de plus, une étape vers la souveraineté de la Principauté, et je soulignais que la décision appartenait au peuple et à ses élus.
- Cette volonté s'est exprimée sans ambiguité et la Principauté d'Andorre, Etat de droit souverain, est désormais reconnue par tous. Chacun d'entre vous peut être fier de cette renaissance car le chemin ne manquait pas de difficultés.
- Il est juste de rendre solennellement hommage à toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce travail fondamental et à tous les Andorrans qui par leur libre suffrage, ont choisi leur avenir. Pour l'heure, les institutions se mettent en place, le Conseil général conformément au mandat que lui donne la constitution accomplit un lourd travail législatif.
- Le Conseil supérieur de la justice garant de son indépendance est maintenant en fonction. Demain, le Tribunal Constitutionnel sera installé pour assurer le rôle de clé de voûte des institutions que lui confère la constitution.
- Puis viendront les élections en décembre. Les responsables issus du scrutin auront fort à faire car l'exercice de la souveraineté interne et internationale est une lourde responsabilité. Sur le plan interne, bien sûr, la situation économique d'Andorre, après la période de croissance impressionnante de ces dernières décennies, doit tenir compte d'une évolution moins favorable, largement influencée par le contexte général de l'Europe dont nous souffrons nous-mêmes. Il faudra du courage, de la lucidité, de l'ambition aussi car rien n'est pire que le repli sur soi, sans oublier le devoir de solidarité qui est celui de tout Etat "démocratique et social". Ces qualités n'ont jamais manqué en Andorre dont la devise même "Virtus Unita Fortior" indique la voie.\
Sur le plan international, le travail ne manquera pas non plus.
- Le développement des relations avec vos deux voisins d'abord et avec l'Europe représente une priorité et en qualité de Co-Prince, j'aurai à y veiller tout particulièrement.
- Des accords internationaux sont intervenus avec l'Espagne et la France comme par exemple en matière d'éducation ou sur les relations douanières avec la Communauté économique européenne.
- Le traité trilatéral signé entre la Principauté d'Andorre, la République française et le Royaume d'Espagne qui est en cours de ratification trace clairement le cadre des futures relations à établir ou à développer.
- Dans de nombreux domaines pratiques - circulation des personnes, reconnaissance des diplômes, etc - il s'agira surtout de traduire des pratiques pré-existantes nées de nos relations et traditions mutuelles en accords internationaux. Et puis, il faudra aller au-delà et pour cela les relations bilatérales ou trilatérales entre gouvernements devront s'intensifier.
- Nous vous y aiderons, M. le Co-Prince Monseigneur et moi-même, car si nous en sommes arrivés là c'est aussi parce que nous sommes parvenus à une bonne entente constructive au-delà même de nos excellentes relations personnelles. Tout cela doit concourir à l'émergence du nouvel Etat, de sa culture, de son histoire, insuffisamment connues à mon sens. Et voilà comment Andorre trouvera au sein de l'Europe la place qui lui revient.
- L'existence, mesdames et messieurs, de petits Etats indépendants est l'une des richesses de l'Europe. Et vous devez contribuer à la développer. Par son originalité, par son ancienneté, la Principauté se trouve toute désignée pour faire vivre cette originalité des autres petits Etats qui sont porteurs d'un message particulier, riche d'enseignements, dans le concert des Nations dans lequel vous pénétrez.
- Andorre a choisi de fonder ses institutions nouvelles sur des valeurs qui lui sont chères et qui me le sont également comme à tous les démocrates : la souveraineté populaire, l'indépendance des pouvoirs, la justice, en même temps que le respect des droits de l'homme. Ces principes doivent inspirer en permanence ceux auxquels le peuple en a confié la mission, au premier rang desquels les Co-Princes. Mais leur ultime garant, en bonne démocratie, c'est le peuple Andorran, c'est-à-dire vous-mêmes, mesdames et messieurs. Vive Andorre,
- Visca Andorra.\