4 mai 1992 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée au journal "Les Dernières Nouvelles d'Alsace" sur le rôle du Conseil de l'Europe comme creuset de la future confédération européenne et sur la vocation européenne de Strasbourg, Strasbourg le 4 mai 1992.

QUESTION.- Vous préconisez la création d'une Confédération européenne. Le Conseil de l'Europe ne constitue-t-il pas déjà le cadre institutionnel idéal pour un tel processus ?
- PRESIDENT.- Il est incontestable, à mes yeux, que le Conseil de l'Europe est amené à jouer, dans le processus de "confédération" que j'appelle de mes voeux, un rôle éminent. Pourquoi ? D'abord parce qu'il réunit déjà et va réunir à terme tous les Etats qui constituent l'Europe nouvelle. Ensuite, parce que les valeur et l'idéal qui constituent son fondement même - la démocratie, les droits de l'Homme, l'Etat de droit - sont précisément ce qui a été au centre de la contestation de l'ordre totalitaire qui s'était imposé à ces peuples durant plus de quarante ans.
- Enfin, parce que les nouveaux Etats qui apparaissent actuellement sur la scène internationale ne souhaitent pas forcément mettre en commun d'emblée leurs compétences comme nous en avons l'habitude dans la Communauté européenne, et ont besoin de temps pour voir s'ils y sont prêts ou non. Pour autant, ils veulent avoir tout de suite avec nous un dialogue politique approfondi, et même mener avec nous des actions communes - ce que le Conseil de l'Europe peut aider à faire -. Le Conseil peut donc, à mon avis, être un lieu privilégié de concertation. Le champ est vaste £ droits de l'Homme, naturellement, mais aussi éducation, culture, transports, environnement, et enfin quelque chose de fondamental, l'élaboration de l'état de droit : code pénal, code des prisons, code de commerce, droit de la propriété.
- QUESTION.- Dans quelle mesure les Etats membres - et la France notamment - peuvent-ils accroître les moyens du Conseil de l'Europe pour faire face aux obligations de l'élargissement européen aux pays d'Europe centrale et de l'Est ?
- PRESIDENT.- Nous avons fait face à nos obligations budgétaires pour 1992 puisque nous avons soutenu l'augmentation des moyens alloués au Conseil de l'Europe. Nous sommes prêts à assumer les charges nouvelles qui naîtraient de réformes institutionnelles - augmentation du nombre des sessions, création de "chambres" à la Cour européenne des droits de l'Homme - je vous rappelle enfin que la France prend la plus grand part de la contribution financière à la construction du nouveau palais, dont je poserai la première pierre à Strasbourg le 4 mai. Mais évidemment, il faut avoir l'accord de nos partenaires. La France y contribuera. C'est l'intérêt de tous.\
QUESTION.- Votre engagement pour Strasbourg - capitale parlementaire de l'Europe - est connu et apprécié. Cependant les modalités pratiques pour la construction du nouvel hémicycle ne sont pas réglées et aucun accord définitif entre les "Douze" n'a été possible lors des derniers conseils européens. Pensez-vous que les récentes déclarations du président Klepsch puissent débloquer le dossier ?
- J'ai vu M. Klepsch qui a fait récemment un voyage à Paris. Il m'a paru déterminé à faire avancer un compromis équilibré sur ce point. Mais il faut, vous le savez, l'accord des douze gouvernements pour que la décision soit prise.
- Quant à l'hémicycle, il sera construit. Le gouvernement met actuellement la dernière main à l'élaboration des procédures de financement et de garantie. Si chacun s'y attache - y compris bien sûr la ville de Strasbourg et les collectivités régionale et départementale - les choses peuvent être faites très rapidement.
- Je le dis et je le répète : la France ne donnera son accord à l'attribution des nouveaux sièges des institutions communautaires que lorsque sera confirmée la tenue à Strasbourg des douze sessions annuelles - y compris la session budgétaire - je vous rappelle que cela avait été décidé en 1958. Nous ne revendiquons rien d'autre que la réaffirmation claire de ce principe auquel nous sommes fermement attachés.
- QUESTION.- Quand le gouvernement sera-t-il en mesure de renouveler le contrat tripartite qui doit permettre à Strasbourg d'assumer sa vocation européenne ?
- J'ai indiqué au gouvernement que je souhaitais voir régler ce problème au plus vite.
- Mais vous comprenez bien qu'il y a matière à discussion. Les montants budgétaires en jeu sont importants - il y a une centaine de millions rien que dans le domaine culturel, et je ne parle pas du reste ! -. Je suis convaincu que le gouvernement trouvera un accord dans les jours prochains avec la ville. Deux hauts fonctionnaires ont été spécifiquement chargés de l'ultime mise au point du plan qui devrait donc être rapidement approuvé.\