6 décembre 1991 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'adhésion des Pays Baltes à la CSCE et les relations entre la France et les Pays Baltes, Paris, le 6 décembre 1991.

Messieurs les Présidents,
- Pour commencer je dirai ce mot singulier : enfin !
- Enfin pour vos peuples, enfin pour vos Etats, enfin pour votre liberté, enfin our votre souveraineté, enfin pour votre entrée dans le concert international, enfin pour l'Europe ! Comment ne pas se réjouir d'un pareil événement ?
- En octobre, vous avez procédé à la signature de l'acte final qui en 1975 avait lancé le processus d'Helsinki. Alors que se formait ce projet, il y a déjà vingt ans, certains Etats avaient, je le suppose, pour arrière pensée, que le cadre de la CSCE permettrait de maintenir la coupure de l'Europe en deux blocs. Eh bien c'est le contraire qui s'est produit. Avec la Charte de Paris, lors de la réunion de tous les pays d'Europe, nous avons consacré la fin d'une époque, la fin de l'Europe dite de Yalta, la fin de la séparation de notre continent en deux blocs économiques, sociaux, et politiques, deux façons de considérer l'existence de nos sociétés et les droits de l'individu.
- Votre retour de plein droit sur la scène internationale offre la meilleure illustration de cette Europe-là dont nous entendons favoriser l'avènement.
- La prochaine réunion d'Helsinki devrait maintenant permettre un développement institutionnel, équilibré au sein d'une Conférence pour la sécurité et la Coopération en Europe désormais en mesure de jouer son rôle comme il se doit. J'ai eu l'occasion déjà de saluer le rôle rempli par la CSCE, rôle auquel nous avons beaucoup travaillé pour la mise en oeuvre d'une sorte de pédagogie de la liberté et de la paix. Après avoir connu la stabilité sans la liberté en Europe, nous devons maintenant assurer la liberté dans la stabilité.
- Nul doute, en ce sens, que vos trois pays apporteront une précieuse contribution en offrant notamment l'exemple réussi d'institutions démocratiques dans le respect des garanties pour les minorités nationales, problème qui se pose désormais sur la quasi totalité de notre continent.
- Aussi nous souhaitons que dès la tenue d'élections législatives, vos pays nous rejoignent au sein du Conseil de l'Europe.
- J'ai eu l'occasion de souligner récemment que celui-ci pourrait devenir l'un des creusets, l'institution, où pourrait s'élaborer davantage encore la confédération européenne. Projet sans doute à préciser mais - si nécessaire quand on voit l'état de notre continent - pour que ne se crééent pas des zones si différentes que notre continent perde une fois de plus l'occasion de se retrouver tout entier ! Cela suppose une égale dignité pour tous. Enfin, la Communauté européenne pour son compte a déjà engagé avec vous la négociation d'accords de coopération.\
Nous pouvons faire bien d'autres choses ensemble. Je tiens à le confirmer à l'occasion de la signature de la Charte de Paris à laquelle vous venez de procéder. Cela c'est une étroite association, celle de l'Estonie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la France. Je tiens à répéter devant vous, messieurs les Présidents, ce que vous savez déjà : mon pays s'est honoré depuis les tragiques périodes qui ont vu l'effrondrement des libertés en Europe au cours de notre génération, puisqu'il n'a jamais reconnu, pas même dans le domaine des relations diplomatiques, le fait accompli ni la domination de la force. C'est dire à quel point je me réjouis ce matin de votre présence à vous trois parmis nous.
- Vous devez ressentir plus que quiconque l'importance de ce moment. Tant d'espérances ont habité votre coeur ! Et maintenant vous voici responsables de pays libres qu'il est nécessaire de préparer aux responsabilités de demain. Ces responsabilités, je souhaite et ce sera mon dernier voeu, que nous les assumions en commun. Bonne chance à vos pays et à vos peuples !.\