6 mars 1990 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la réception donnée en l'honneur des membres du Haut Conseil de la Francophonie, Paris, le 6 mars 1990.

Mesdames et messieurs,
- Ce dispositif pourrait laisser penser qu'il y aura des allocutions, des discours. En réalité, cela se bornera à quelques mots de bienvenue de ma part, puisque j'ai le plaisir de vous recevoir. Après quoi, les groupes se formeront comme vous le souhaiterez et vous aurez tout le temps que vous voudrez pour demeurer dans ces salons. Nous sommes très honorés de vous y accueillir.
- Je considère que c'est une circonstance importante que d'avoir ici des représentants parmi les plus éminents de la francophonie. Non seulement par leur talent d'écriture, de parole, par leur culture, par l'emploi qu'ils font de notre langue, mais aussi parce que, en plus de cela, loin de rester chez eux, ils se sont donné pour mission de faire connaître, de défendre, de développer cette langue, celle qui nous est commune. Et encore, cette langue est-elle une langue enrichie, c'est une langue dont nous, Français, sommes naturellement fiers, surtout lorsque nous voyons autour de nous se rassembler celles et ceux que vous êtes et tant d'autres. Mais en même temps, cette langue porte en elle l'enrichissement de vos cultures. Aucun d'entre vous n'a renoncé à être ce qu'il est, ce que ses traditions ont fait de lui. Mais en même temps, nous sommes là très fiers, au fond, de nos origines, origines mêlées et réunies pour composer peu à peu une forme de civilisation qu'une langue transforme heureusement. Parce que c'est une langue vivante et vous apportez, mesdames et messieurs, un souffle de vie considérable, pour que cette langue reste vivante. Ce qui ne lui est pas si facile, car la concurrence est là, multiple, puissante, et nos supports démographiques ne sont pas les plus importants. Donc, nous avons besoin d'y croire, de la vouloir et d'utiliser nos armes qui sont précisément celles qui justifient un rassemblement comme celui-ci. Nos armes sont celles de la culture, des formes de l'esprit, l'expression, l'esprit. Peut-on avoir arme plus digne et plus noble et moins contestable dans ce Palais de la République, c'est une occasion vraiment exceptionnelle, que de vous avoir ici tous. Vous travaillez, vous êtes là pour débattre, discuter, élaborer, proposer. Mais cela étant dit, vous êtes à Paris, ensemble vous apportez vos expériences diverses. Vous vous connaissez maintenant presque tous. Il y a donc déjà un certain goût de l'amitié, de la convivialité, des expériences de vos pays. Tout cela donne un soubassement extrêmement puissant et nourrissant aux travaux que vous accomplissez. En tout cas, mon rôle à moi c'est de vous en remercier.\
J'ai vu ce matin un certain nombre d'entre vous, les membres du Haut Conseil. Et puis, je suis parti, j'ai fait autre chose et vous avez creusé le sillon davantage. Après, vous avez été plus sérieux que moi de ce point de vue. Et heureusement que vous êtes là, parce que maintenant je reprends, je reviens le soir. Une partie du travail est fait et je n'ai plus qu'à le récolter. Ce qui est vraiment une situation très avantageuse et que vous allez continuer d'autres jours et d'autres fois.
- Je suis également très heureux d'avoir à mes côtés nos vice-présidents ou présidents que je n'ai pas à vous présenter, qui sont très représentatifs eux-mêmes de ce que signifie la francophonie. Très représentatifs. Il pourrait y avoir d'autres personnalités, mais avoir avec soi le Président Senghor, le Président Helou, avoir avec soi ceux que vous voyez, les membres du gouvernement, comme nous pourrions avoir tel ou tel ami d'Afrique ou d'Amérique ou d'Asie. Vous savez que nous sommes assez riches en personnalités pour que la francophonie soit assurée de durer, maintenue très forte par des gens de talent, de caractère et de conviction. Pour certains d'entre vous, la défense du français, notre langue, exige parfois de graves sacrifices, même des risques, des risques politiques et culturels. Ce n'est pas si facile. Quand on représente des minorités, lorsque l'on vit dans des pays où ne règnent pas nécessairement les lois de la démocratie. Beaucoup d'entre vous ont accepté de courir ces risques. Ils en ont souffert dans leur personne, dans leurs espérances. C'est dire qu'au-delà de la joie naturelle que l'on a de se retrouver, il faut savoir qu'il y a en arrière-plan toute une série d'événements personnels et collectifs qui donnent à notre action, une valeur que les mots n'exprimeront pas.
- Alors, merci et maintenant restez ensemble. Cette maison est faite pour vous pendant le temps que vous y serez.\