10 mars 1988 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la visite de l'imprimerie de l'armée, de celle de la fontaine de Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle et de la remise de décorations, Château-Chinon, jeudi 10 mars 1988.

Monsieur le maire, Mesdames et messieurs,
- C'est pour moi très agréable que de me retrouver ce matin à Château-Chinon dans ce gymnase après avoir pu visiter à la fois l'imprimerie de l'armée et faire connaissance de la nouvelle fontaine due au grand talent de Jean Tinguely et de Niki de Saint-Phalle.
- J'ai pu en même temps déjà commencer de parcourir les rues dont je connais, je crois, tous les itinéraires et entendre de la bouche de votre maire, le Docteur Signé, les projets, les espoirs, bref, le devenir de Château-Chinon.
- Depuis déjà sept, presque sept ans, cette ville a été gérée par d'autres que par moi et je dois dire à quel point je suis heureux de voir qu'on a la fois continué tout en modifiant. Il aurait été tout à fait dommage que l'on fasse comme je faisais et cela aurait été un peu triste qu'on fasse tout à fait autrement. De telle sorte que l'on en arrive à un point où la continuité exprime le changement et où la personnalité des élus d'aujourd'hui s'affirme en tant que telle, ce qui est la bonne façon pour un pays d'assurer son renouvellement. Et pour rien au monde, moi, je ne me serais choqué de voir précisément cette indépendance de l'esprit ainsi exprimée, car c'est comme cela que d'un moment à l'autre, d'une équipe à l'autre, on assure la vie d'un pays. Mesdames et messieurs je suis un peu surpris, non pas de cette affluence, au contraire, mais de l'importance qui est donnée à cette cérémonie de ce matin qui, en soi, est tout à fait remarquable. Ce n'est pas tous les jours que l'on a des artistes de telle dimension dans une petite ville.\
Ce n'est pas tous les jours que l'on inaugure des bâtiments qui compteront beaucoup dans la vie quotidienne de cette ville du Morvan, de la Nièvre. Mais je suis très fier pour vous, messieurs qui êtes devant moi, les récipiendaires de décorations qui marqueront votre mérite avec l'attribution qui marquera aussi votre entrée ou votre promotion dans les deux grands ordres nationaux français et je n'en suis pas étonné. Mais je suppose que vous serez très fiers avec moi d'avoir ainsi conduit tous ces médias à venir assister à cette cérémonie. C'est vrai, on n'est pas gâté tous les jours comme cela, c'est quand même une bonne chose qu'on ait reconnu ces Nivernais venus d'un peu partout, ayant assumé des professions très différentes.
- Il y a ici plusieurs conseillers généraux de la Nièvre parmi les futurs décorés. Il y a plusieurs maires de la Nièvre, quand les Conseillers généraux ne sont pas maires eux-mêmes. Il y a plusieurs élus municipaux. Il y a un ancien combattant - d'autres le sont - mais enfin qui a ce -titre a été particulièrement remarqué, il y a des fonctionnaires, de bons fonctionnaires du département. Voici pourquoi j'ai tenu à leur remettre moi-même ces distinctions. Je les connais à peu près tous, pas tous, et je dois dire que passer quelques heures dans cette ville à retrouver le fil d'anciennes conversations ou bien alors que l'on en croit avoir fait le tour, apprendre à approcher d'autres personnalités, c'est une façon aussi de vivre et d'assurer la suite des jours.
- Je vois également tout à fait devant moi un homme qui a beaucoup fait pour le département et qui lui, est un peu singulier. C'est celui qui est vraiment la cheville ouvrière depuis si longtemps des foires expositions, le commerce, l'artisanat, l'industrie dans la Nièvre. Je l'ai vu pratiquement assumer ses premières responsabilités il y a, je ne peux pas dire depuis combien de temps, mais il y a quand même assez longtemps, il faut dire, et pour lui et pour moi. Vous êtes vraiment une occasion excellente de souligner ces mérites. Les Conseillers généraux qui sont là ont tous été presque mes collègues du Conseil général jusqu'au jour où un accident déplorable a justifié la promotion ou l'élection du Conseiller général de Fours, de Cercy-la-Tour. Et puis il y a les maires de communes que j'ai si souvent parcourues et que j'ai vu grandir après avoir assumé longtemps la responsabilité pratique de la vie quotidienne, comme à Corbigny ou bien des plus jeunes pleins d'énergie et d'audace comme à Saint-Honoré, ou bien comme... Je ne veux pas faire ici le palmarès pour chacun d'entre vous. Je m'en tiendrai là.\
Peut-être pourrais-je simplement ajouter que derrière la plupart des élus qui se trouvent ici se profile pour moi le souvenir de ceux qui les ont précédés et qui étaient tous mes amis, quelquefois des amis très proches, et eux-mêmes ayant rempli des responsabilités politiques dont certaines furent importantes. Je sais que je suis dans leur tradition et dans leur lignée en célébrant aujourd'hui les mérites de ceux qui ont assuré la suite et qui gèrent maintenant, puisque telle est la vie, la leçon de la vie.
- Et vous mesdames et messieurs qui êtes venus soit des environs directs, soit d'un peu plus loin, soyez remerciés pour votre présence. Beaucoup d'entre vous ont voulu ainsi offrir un signe d'amitié aux récipiendaires de la Légion d'Honneur et de l'Ordre National du Mérite. D'autres sont venus parce que c'est Château-Chinon que l'on célèbre avec ses deux inaugurations et aussi parce que c'est une sorte de rendez-vous entre vous et moi. On ne passe pas comme cela tant d'années à des titres divers dans une petite ville comme celle-ci. Mais Château-Chinon a un grand renom. Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier, cela date d'il y a bien longtemps, la renommée de Château-Chinon. Simplement, nous avons pu nous introduire dans la vie moderne et lui restituer un rang qu'elle avait peut-être un peu perdu.
- Alors vous, mesdames et messieurs qui êtes de celle ville ou qui êtes du Morvan, travaillez-y, travaillons-y. Il faut maintenant que nous unissions nos efforts pour que notre petit pays puisse vraiment offrir à sa jeunesse un avenir, des débouchés, des joies de vivre. Beaucoup de conditions se trouvent aujourd'hui réunies. Encore ne peut-on naturellement isoler le sort de Château-Chinon et du Morvan ou de la Nièvre du destin national. L'effort accompli dans ces lieux est une contribution nécessaire à l'effort national. C'est pour que vous puissiez de temps à autre dépasser vos frontières, sortir de vous-mêmes, ou de vos opinions, ou de vos préférences pour rencontrer, pour serrer la main d'hommes et de femmes qui viennent d'ailleurs, pour vous retrouver de temps à autre dans des compétitions, vous affronter. Mais le reste du temps, c'est-à-dire le reste de la vie, c'est quand même nécessaire, dans un pays comme le nôtre, dans une ville comme celle-ci, que la relation soit franche, ouverte et pourquoi pas amicale. Ce n'est pas facile, je le sais bien. Ce n'est pas facile parce que les passions l'emportent le plus souvent sur la raison.
- Il est bon qu'il y ait des passions, on s'ennuirait bien sans elles. Mais de la raison, on ne saurait se passer. C'est de la juste synthèse entre ces façons de vivre et de faire que j'attends pour la France l'avenir que l'Europe lui prépare ou qu'elle prépare à l'Europe.
- Voilà, j'ai terminé. M. le maire de Château-Chinon m'a, nous a servi, un très beau discours d'accueil où j'ai bien senti, comme les autres, dans les dernières paroles, une invitation à le suivre sur un terrain où les journalistes nous avaient précédés. Et si vous voulez bien, pour aujourd'hui, restons donc entre nous. Et après avoir remercié les diverses personnalités qui ont bien voulu se joindre à ces cérémonies, nous faire le plaisir d'être là, je vais descendre de cette tribune - un peu solennelle mais c'est peu important, elle porte nos couleurs - et je vais remettre les décorations pour lesquelles vous avez été conviés.\