19 octobre 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'hôtel de ville de Bonn, sur l'histoire des relations franco-allemandes et la construction européenne, lundi 19 octobre 1987.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je me sens très honoré d'être reçu par vous-même, par mesdames et messieurs les conseillers municipaux, par les différentes personnalités de la ville et par tous ceux qui, sur cette place, nous ont accueillis tout à l'heure. C'est en effet, vous l'avez dit vous-même, une vraie et grande tradition pour un chef de l'Etat, Président de la République française, que de venir, depuis la deuxième guerre mondiale, vous saluer, saluer vos prédécesseurs dans cet hôtel de ville.
- Cet hôtel de ville est un témoignage actuel, supplémentaire de ce que furent les relations franco-allemandes à travers le temps, puisque vous l'avez rappelé, et je le précise, c'est sur les plans de l'architecte français, Michel Leveilly, que le grand électeur archevêque de Cologne a décidé la construction de cet hôtel de ville. C'est sur les cartons de ce grand artiste français qu'était Jean-Baptiste Oudry, qu'ont été tissées certaines des tapisseries d'Aubusson qui ornent vos murs.
- Mais je ne vais pas tirer un tel avantage de ces deux contributions françaises pour oublier ce que nous, nous devons à l'Allemagne et en particulier à Bonn. Parmi tous les Allemands qui ont pris part au rayonnement de votre pays, nombre d'entre eux ont aussi beaucoup apporté à la France. Vous l'avez également rappelé - cela doit être un rite nécessaire ici-même - c'est dans votre ville qu'est né Ludwig von Beethoven. Je me souviens d'être allé voir cette maison natale, enfin ce qui en tient lieu, et comment oublierai-je qu'il s'était passionné pour cette relation franco-allemande, même si les circonstances de cette époque s'y prêtaient mal. Il nous a rendu tout cela avec son Hymne à la joie - l'Héroïque - qui est, comme vous l'avez rappelé aujourd'hui, l'hymne européen.\
Depuis cette époque, Bonn, devenue capitale de la République fédérale d'Allemagne, a été le lieu où ce sont constamment rencontrés, depuis quarante ans et plus, tous les responsables de la politique allemande, de la politique française £ c'est là qu'a pris l'élan de la construction européenne.
- Vous avez rappelé le souvenir de Robert Schuman, seul étranger avez-vous dit à être citoyen d'honneur de votre ville et en l'honneur duquel vous avez inauguré une avenue qui porte aujourd'hui son nom. J'ai été son collaborateur dans les années 1947, 1948, et lorsqu'il était le Premier ministre de la France, j'étais au gouvernement, secrétaire d'Etat à ses côtés. J'ai pu à la fois apprécier la qualité de cet homme d'Etat, mais aussi la force de ses idées fondamentales dont la première était la réconciliation franco-allemande.
- Cela a été ensuite dans cette ville et dans cet hôtel de ville la longue suite des responsables, des hommes politiques dirigeants de la France qui, après le général de Gaulle, avec M. Giscard d'Estaing, et bien d'autres, ont marqué les étapes de notre entente, je veux dire de notre amitié. C'est dire, c'est vous dire que je m'inscris avec fierté dans cette tradition car depuis le lendemain même de la deuxième guerre mondiale, j'ai été de ceux, en France, qui ont choisi de travailler à la réconciliation.
- Nous allons fêter bientôt beaucoup d'anniversaires. Je crois que c'est le 2000ème anniversaire de la ville de Bonn, le 200ème anniversaire - 1989 - de la Révolution française, le 40ème anniversaire de la République fédérale d'Allemagne : beaucoup d'occasions de se retrouver, beaucoup d'occasions de célébrer, beaucoup d'occasions de rechercher dans les origines toutes les raisons que nous avons d'espérer. Cette ville, cette région, cette Rhénanie : nous venons à l'instant de célébrer toutes les étapes d'événements qui nous unissent mais ils ont été aussi le terrain sur lequel nous nous sommes, à travers les temps, affrontés.
- Voilà donc le débat qui, aujourd'hui, nous est proposé puisque nous avons choisi l'entente et l'amitié, puisqu'à partir d'elles, non seulement nous avons réalisé le pacte franco-allemand, mais aussi le premier fondement de l'Europe, de la Communauté européenne. Je forme des voeux pour que l'entente et le dialogue continuent de l'emporter sur les dissentiments. Nous avons rassemblé toutes les pierres pour construire notre maison commune, veillons à préserver les chances de l'avenir. Et la manière dont vous nous recevez, non seulement moi-même, ma femme et tous mes compagnons de voyage, monsieur le maire, est bien la marque que telle est la volonté du peuple allemand.\