14 octobre 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. François Mitterrand, Président de la République, accordée à Antenne 2 à l'occasion de l'attribution du prix Nobel de la paix à l'écrivain Elie Wiesel, mardi 14 octobre 1986.

QUESTION.- Monsieur le Président, il est inutile de vous demander si vous êtes satisfait par ce prix Nobel ! Alors je voudrais vous demander : lorsque vous l'avez appris, comment avez-vous réagi, quelle est cette signification pour vous ?
- LE PRESIDENT.- Une vraie joie pour moi. Sans doute suis-je l'ami d'Elie Wiesel, ce qui ajoute une dimension à cette satisfaction, mais parce que cela touche à quelques données de fond.
- QUESTION.- C'est-à-dire ?
- LE PRESIDENT.- Elie Wiesel c'est un homme de souffrance, sa souffrance personnelle, la déportation et tout ce qui s'en est suivi, en même temps que la souffrance du peuple juif devant l'Holocauste £ et il rapporte cette souffrance d'une voix qui va loin dans la conscience des hommes.
- Elie Wiesel c'est un homme d'espérance. A partir de cette souffrance, il continue de penser que l'homme est capable de dominer le mal. Il espère. C'est un homme en même temps de réconciliation : pas de haine, pas même d'amertume. Il faut continuer le chemin ou guérir le mal £ et par dessus le marché, c'est un grand écrivain, ce qui veut dire que son message peut être communiqué.
- QUESTION.- Vous avez dit que c'était un homme de souffrance. Est-ce qu'il n'y a pas justement un paradoxe : voilà un homme qui se bat pour les droits de l'homme et son oeuvre est pessimiste...
- LE PRESIDENT.- Elle n'est pas pessimiste, je ne pense pas qu'elle le soit. Son récit est dur, difficile £ ce qu'il rapporte est une des plus grande douleur de l'histoire du monde. Cela ne peut pas être très agréable mais la leçon, la philosophie qu'il en tire, elle reste optimiste.\