25 mars 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. François Mitterrand, Président de la République, et de M. Helmut Kohl, Chancelier d'Allemagne fédérale, notamment sur le prochain conseil européen de Bruxelles, Paris, Palais de l'Élysée, lundi 25 mars 1985.

Mesdames et messieurs,
- Je viens de recevoir M. le Chancelier Kohl. Ainsi qu'il avait été prévu nous avons parlé 2 heures et demi et avant que le Chancelier ne rentre dans son pays, il vient vous rencontrer. Cette réunion s'inscrit dans une suite de rencontres que nous faisons entre les sommets européens sans que cela soit d'un rythme absolument régulier. C'est ainsi que j'irai moi-même visiter mon hôte d'aujourd'hui au mois de mai prochain.
- De quoi avons-nous parlé ? Vous vous en doutez bien : du prochain sommet de la fin de la semaine. Donc de l'élargissement `CEE`. Nous avons parlé du sommet de juin, à Milan, donc du contenu de l'Europe et de ses structures.
- Nous avons également évoqué notre prochaine rencontre début mai, à Bonn, dans le -cadre de la réunion des Sept `Sommet des pays industrialisés`. Et puis nous avions beaucoup de choses à nous dire, comme cela, qui n'ont pas forcément à faire l'objet d'un compte rendu. Je n'ai rien d'autre à ajouter, sinon que je souhaite avec grand plaisir la bienvenue au Chancelier Kohl. Je me réjouis de la bonne entente entre nos deux pays. Bonne entente à laquelle nous travaillons l'un et l'autre d'un même coeur. Je lui laisse la parole. Il vous dira lui-même ce qu'il pense pour l'essentiel et brièvement car il doit rentrer maintenant assez vite à Bonn.\
LE CHANCELIER.- Monsieur le Président, mesdames, messieurs,
- Vous savez qu'indépendamment des réunions officielles, consultations franco - allemandes, où nous nous rencontrons avec une grande délégation et de manière régulière, indépendamment de ces consultations donc, nous nous voyons souvent. Le Président a eu la bonté de venir me visiter en Allemagne. Une fois de plus je suis aujourd'hui ici, à Paris. Ces brèves rencontres, ces brèves soirées sont pour moi très précieuses, je pense qu'elles sont pour nous deux très précieuses, car elles nous donnent la chance en cercle restreint de pouvoir discuter de questions précises et aussi de réfléchir à l'avenir.
- Bien entendu aujourd'hui, nous avons surtour réfléchi pour savoir ce que nous pouvions faire pour que vendredi et samedi de cette semaine `Conseil européen à Bruxelles`, finalement, l'adhésion du Portugal et de l'Espagne puisse être réalisée. Nous sommes tous les deux convaincus que nous avons donné notre parole à ces jeunes démocraties. Ces jeunes démocraties qui en ont terminé avec le régime autoritaire. Nous pensons que l'Espagne et le Portugal font partie de l'Europe et font partie de la Communauté `CEE` qui, sans eux, ne serait pas complète et de toute façon la Communauté est une Europe incomplète puisqu'il y a beaucoup de raisons historiques qui font que certains pays ne peuvent pas entrer dans la Communauté.
- Nous avons discuté pour savoir donc comment il fallait faire et nous souhaitons à notre collègue italien `Bettino Craxi`, tout le succès possible pour les six mois de présidence italienne, car ce que nous allons discuter à Milan, ce sont, au sens large du mot, les chances de l'avenir pour l'Europe. Et il est évident que nous ne pouvons bien discuter des chances de l'Europe pour l'avenir que si nous arrivons à en terminer avec l'élargissement à l'Espagne et au Portugal.\
`LE CHANCELIER Suite` Nous nous sommes rencontrés il y a quinze jours à Moscou, brièvement, bien sûr, mais c'est intéressant de pouvoir échanger les remarques ou les réflexions que nous avons pu faire. Ou alors ce que nous avons dit avec M. Gorbatchev. Il est évident que nous sommes à une étape importante des relations Est-Ouest. Et vous comprenez qu'en tant qu'Allemand, je suis particulièrement intéressé, particulièrement engagé pour tout ce qui peut améliorer les relations Est-Ouest, car cela amène immédiatement un résultat dans notre pays divisé. Nous le sentons à Berlin, nous le sentons aux frontières, nous le sentons dans le destin des gens qui étaient partis de l'Allemagne.
- Je vais avoir le plaisir d'être hôte à Bonn, au début du mois du mai au Sommet des pays industrialisés. Il est évident qu'aujourd'hui nous avons parlé de ce sommet des pays industrialisés. Nous avons vu quels points nous pouvions faire plus ou moins avancer. Je voudrais remercier le Président, ici, de m'avoir donné la possibilité d'avoir cette discussion et je suis à votre disposition pour les questions que vous voudriez me poser.\
QUESTION.- Monsieur le Chancelier, quelle était la question la plus épineuse que vous avez abordée ce soir avec le Président Mitterrand ?
- LE CHANCELIER.- Sans vouloir entrer dans les détails, c'est de savoir si on évalue bien les intérêts du Portugal. On ne parle que de l'Espagne et quelquefois nous avons l'impression que le Portugal n'est pas suffisamment pris en considération. Je voudrais dire ici un mot aimable vis-à-vis du Portugal. Ensuite, il y a la question vis-à-vis des problèmes méditerranéens et l'on se demande quelle sera l'attitude de M. Papandréou. Je pourrais dire éventuellement que ce sera effectivement la grande question vendredi et samedi.
- QUESTION.- Monsieur le Président, concernant l'initiative stratégique américaine - c'est peut-être un sujet entre le Chancelier Kohl et vous - y a-t-il dans cette question une attitude commune, une position commune entre l'Allemagne et la France ?
- LE PRESIDENT.- Nous avons très peu abordé cette question mais les déclarations faites au cours de ces dernières semaines par les uns et les autres montrent que nos points de vue sont proches.\
QUESTION.- Monsieur le Président et monsieur le Chancelier, Georges Bortoli, Antenne 2. Puis-je vous demander à l'un et à l'autre si vous êtes optimiste sur les chances de l'élargissement pour la fin de cette semaine `Conseil européen à Bruxelles` ?
- LE CHANCELIER.- Depuis trente mois maintenant que je suis à mon poste, j'ai vu toute une série de ces sommets et d'après mon expérience, je ne peux dire qu'une chose : "lorsqu'on croit qu'on a réussi, on s'aperçoit qu'il y a encore quelque chose à faire et, lorsqu'on croit, par contre, que les choses ne bougent pas, finalement elle bougent. Tout le reste est du domaine de la prophétie". Savoir ce qui se passera samedi prochain à 14 heures, je ne peux pas vous le dire. Je crois qu'il y a beaucoup de bonne volonté et cela vaut très certainement pour nous deux. D'une manière générale, ce qui est vrai dans la vie privée est également vrai dans la vie politique et dans la vie communautaire £ dans la vie privée, c'est une bonne chose que de ne pas infliger à quelqu'un ce qu'on ne voudrait pas que l'on vous inflige £ la même chose vaut dans la politique communautaire.
- LE PRESIDENT.- Optimiste ou pessimiste, monsieur Bortoli, ce n'est pas dans ces termes que se pose notre problème, d'autant plus que les échéances sont très proches et que si elles n'avaient pas été très sérieusement préparées, on ne pourrait qu'être pessimiste, mais elles ont été préparées et ont fait l'objet de très nombreux échanges, et de ce fait, les choses ont avancé. La seule réserve que je ferai, c'est que la France ne négligera rien pour que réussisse l'élargissement. Elle a elle-même rappelé qu'il convenait de marcher d'un même pas, cela visait le Portugal pour qu'il soit en mesure d'entrer en même temps que l'Espagne dans le Marché commun. Mais par -rapport à l'Espagne, les dossiers sont encore ouverts. Ce sont des problèmes d'intérêts légitimes pour des professions, des producteurs, des travailleurs qui, Espagnols ou Français, ont bien le droit de vivre dans le -cadre d'une communauté. On doit se trouver à égalité dans le respect du droit £ ces discussions ont beaucoup avancé et je veux être optimiste puisque mon parti est pris et que je souhaite l'élargissement.
- QUESTION.- Puisqu'il n'y a pas de différence entre vos deux pays, est-ce qu'il y a des différences entre vos deux pays et les autres pays de la Communauté ?
- LE CHANCELIER.- Le sens de la réunion de vendredi et samedi, c'est que nous discutions ensemble pour nous mettre d'accord. Tous ceux qui vont se retrouver vendredi à Bruxelles ont toujours dit qu'ils voulaient l'élargissement et l'adhésion. Eh bien maintenant, l'heure de la vérité a sonné ! Il faut attendre tranquillement et essayer d'apporter sa contribution. Nous voulons apporter notre pierre.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il y avait deux problèmes spécifiques jeudi soir à Bruxelles en ce qui concerne la pêche et le vin espagnols. Est-ce que la position française a changé depuis jeudi soir ? Vous avez dit que vous avez fait des progrès. Mais est-ce que vous avez fait des progrès sur ces deux points spécifiques ?
- LE PRESIDENT.- Est-ce que la position française a fait des progrès ? Pourquoi est-ce que vous n'avez pas posé la question : est-ce que la position espagnole a fait quelques progrès ? Il n'y a d'accord que lorsque chacun en fait de part et d'autre.
- QUESTION.- Jeudi soir dernier M. Moran a fait une sortie de la réunion, il a dit : "on peut avoir un accord dans les heures qui suivent". Vingt minutes plus tard, M. Dumas, a fait marche arrière et les choses en sont restées là. Je voudrais avoir votre interprétation de ce qui s'est passé.
- LE PRESIDENT.- Eh bien, vous poserez la question aux intéressés. Je vous remercie.\