28 janvier 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant la communauté française à l'ambassade de France au Maroc, Rabat, vendredi 28 janvier 1983.

Mesdames, messieurs,
- Mes chers compatriotes,
- Inutile de vous dire à quel point je suis sensible à cet accueil dans cette maison, une part de la terre de France, à laquelle s'attachent tant de souvenirs historiques, et le plaisir que j'ai de vous rencontrer. Partout où il m'arrive de me rendre à l'étranger, c'est pour moi comme une nécessité de rencontrer ceux qu'on appelle "les Français de l'étranger" £ tel est votre cas.
- Vous êtes là dans ce pays étranger ami, les uns depuis très longtemps - qui avez passé votre vie active ici - d'autres qui sont venus au lendemain des événements d'il y a plus de vingt ans `indépendance en 1956`, ou d'autres encore qui viennent accomplir ici une part de leur carrière, de leurs obligations professionnelles pour des temps plus limités. Vous êtes donc très différents : il y a les Français de France, et ceux qui sont devenus franco - marocains, ceux dont la famille s'est fondée au Maroc. Je voudrais que vous sachiez - hors des autres différences, naturellement très sensibles, comme il est légitime dans une démocratie, hors des choix et des préférences, politiques et spirituelles, de tous ordres - à quel point vous m'êtes chers à-titre égal.
- Que je puisse retrouver, au travers de tel ou tel, un cheminement qui m'est proche, j'en suis heureux £ que je puisse rencontrer tous les autres Français, dont les choix sont différents mais qui se trouvent à l'aise avec leur Président de la République, c'est pour moi une joie.
- Je ne suis pas ignorant des problèmes qui vous sont propres. Je ne puis entrer dans les cas particuliers mais je pense bien pouvoir rester avec vous pendant quelques quarts d'heure une fois que je serai descendu de cette tribune, et donc parler avec les uns et les autres... Cela nourrira mon intuition des choses, me permettra de mieux comprendre ce qu'est votre vie, ce que sont vos soucis, ce que sont vos espoirs.\
Je crois que pour les coopérants se pose, par exemple, en termes parfois difficiles, le problème de la titularisation, ainsi que de ce qui adviendra, à leur retour. Deux dispositions ont été prises qui permettent déjà dans-le-cadre de la fonction publique, d'envisager une amélioration de leur sort.
- Les problèmes de scolarisation : vos enfants, comment les élever, comment les suivre ? Oh, certes, on est mieux équipé ici que dans beaucoup d'autres endroits du monde, mais je sais que ce problème se pose, malgré tout et bien d'autres encore : des problèmes sociaux pour les personnes âgées, celles qui étaient déjà installées au Maroc au-cours du dernier demi-siècle certaines même plus tôt encore, et qui s'inquiètent, l'âge venu, de ce que sera leur sort au regard de nos lois. Je pense aussi aux Marocains qui viennent en France. Mais pour les Français qui viennent au Maroc, qui ont besoin de retourner dans leur patrie pour quelque raison que ce soit, se posent parfois des problèmes administratifs, difficiles à régler. Je m'en préoccupe. Ainsi, la liste est assez longue. Elle pourrait continuer, en parlant des intérêts matériels légitimes, des biens, de leur transfert, de tout ce qui résulte naturellement d'une histoire que vous connaissez comme moi.\
Je me réjouis que nous ayons pu tous ensemble établir entre le Maroc et la France des relations solides, sérieuses, qui obéissent à des sentiments, à toute une histoire affective, mais aussi à des intérêts puissants et justes.
- Vous représentez la France dans tous les ordres de la pensée et de l'action, et je sais à quel point vous la représentez bien. Les Marocains sont attachés à cette présence, et si devait survenir, ce qui n'est pas le cas, telle ou telle difficulté dans les relations de nos deux pays, je sais que vous seriez encore le bon ciment qui permettrait en toutes circonstances, de maintenir ce qu'il faut maintenir.
- En-matière de relations culturelles, nous devons beaucoup aux enseignants, aux chercheurs, aux savants qui ont su faire se rejoindre, dans la suite des âges et jusqu'à aujourd'hui même la réalité culturelle de ce monde où nous sommes en ce jour, et du monde occidental européen, plus particulièrement de la France.
- Que de raisons, mesdames et messieurs, mes chers compatriotes, que de raisons de se parler pour agir avec force, fierté et espérance. Comme vous avez su panser les blessures, c'est une histoire réussie, même si, comme toute histoire, elle comporte, ici ou là ses revers. Je sais que vous aimez le pays où vous êtes, même si vous êtes restés viscéralement, profondément, attachés à la mère-patrie. Je sais que vous appréciez ce peuple noble.
- Je sais que vous vous intéressez passionnément au devenir, comme au temps présent, des relations franco - marocaines. Je puis vous assurer que ce voyage, après d'autres, étape sur un long chemin, permet de vivifier et de renforcer des relations qui restent au premier rang de la politique extérieure de la France. Politique extérieure qui reste souvent très proche des problèmes intérieurs, tant sont imbriqués nos intérêts et nos aspirations.\
Mesdames, messieurs, mes chers compatriotes, je vous ai dit à quel point j'étais sensible à votre présence, à votre hospitalité. - Après tout, vous êtes chez vous ici - comme le permet l'hospitalité de Mme Morizet et de M. l'ambassadeur `Jacques Morizet`, et je me trouve moi aussi, après tout, chez moi ici. Nous sommes donc pour un moment les hôtes de la même maison, en France, avec un bel horizon marocain. Que de raisons de pouvoir vivre intensément ce bref moment !
- Je suis accompagné d'un bon nombre de membres du gouvernement. Ils sont là, vous pourrez les approcher et les connaître, si ce n'est déjà fait. M. le ministre des relattions extérieures `Claude Cheysson`, bien entendu £ d'autres aussi qui traitent depuis hier matin et qui continueront de le faire jusqu'à demain, les problèmes pratiques qui sont les vôtres, qui sont les nôtres aussi, pour que les relations franco - marocaines soient bien assises sur la réalité.
- Je suis plein d'optimisme et de résolution. La France dispose, non seulement au Maroc, mais dans l'ensemble du Maghreb d'une position qui lui permet de prévoir et d'organiser les choses à venir.
- J'espère maintenant pouvoir parler avec certains d'entre vous, recueillir l'écho de ce que vous êtes, car rien ne remplace ce contact direct, pas même un discours. Mesdames et messieurs, chers compatriotes, vive la République. Vive la France.\