17 juin 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant la communauté française à l'ambassade de France, Vienne, jeudi 17 juin 1982.

Mesdames et messieurs,
- Chers compatriotes,
- Je suis heureux de vous rencontrer dans cette ville de Vienne, vous qui appartenez ici à la communauté française et j'imagine dans les différentes provinces de ce pays.
- Je vous remercie d'être venus nombreux. C'est pour moi un plaisir que de pouvoir, pendant trop peu de temps sans doute, échanger quelques propos avec vous. Je ne ferai pas d'exposé sinon celui de la bienvenue, après quoi j'espère pouvoir circuler un peu parmi vous bien que ce ne soit pas très commode pour vous et faire un peu mieux connaissance.
- Je fais donc la connaissance de votre communauté en "perspective" et j'en ai une vue un peu "cavalière". Elle correspond à celle que l'on retrouve dans la plupart des capitales d'Europe. Il y a les anciens dont la vie est devenue souvent autrichienne sans y perdre le souvenir de leur propre patrie. Il y a ceux qui sont de passage. Il y a ceux qui viennent le temps d'un contrat, mais tous ensemble, vous formez la part de France dans cette maison qui est française, et il est très important pour moi que de pouvoir vous approcher et vous connaître.
- Vos préoccupations, je les imagine assez aisément aussi. Il se pose des problèmes d'éloignement de chez soi, des problèmes d'éducation pour les enfants, des problèmes de statuts £ il se pose tout simplement des problèmes qui, réunis, sont ceux des femmes et d'hommes qui ont besoin de sentir leur famille s'identifier aussi bien que possible au pays où l'on vit, mais aussi maintient sa langue, sa culture, ses traditions et tout ce qui vous est le plus proche.
- Je ne fais pas de distinction. Vous êtes tous cette communauté. D'où venez-vous ? de telle ville, de tel village, de telle province, de telle région, de tel département de France £ quel est votre accent, vos intonations, vos traditions, vos références ? Elles ne me sont pas indifférentes mais ce n'est pas mon affaire. Ce qui est important pour moi, c'est la façon dont vous vivez, votre capacité d'espérance et aussi les possibilités que doit vous fournir votre pays pour assumer aussi bien que possible vos projets, pour faire que vous vous sentiez à l'aise avec votre pays, avec la politique qu'il conduit, sans que personne ne se sente jamais rejeté, écarté, ni diminué.\
Nous sommes ici, je le disais, sur un bout de terre de France, dans une ambassade. Je remercie madame et monsieur l'ambassadeur `Raymond Bressier` d'avoir organisé cette réception. Je connais assez bien cette ville et assez bien ce pays pour y être venu souvent assouvir ma curiosité de voyageur mais je crois savoir que c'est la première fois dans l'histoire, depuis Napoléon 1er, - et encore dans quelles conditions ! - c'est la première fois qu'un chef d'Etat français vient officiellement dans ce pays. On le comprend un peu quand on connaît l'histoire tourmentée, les rivalités dynastiques, les problèmes posés par la compétition de deux grands pays dans les siècles qui ont précédé celui-ci, et enfin les déchirements et les affrontements.
- Je suis heureux que vous puissiez contribuer mieux que quiconque, non à résoudre ces problèmes qui sont dominés déjà depuis longtemps, mais à leur donner une signification culturelle différente. En même temps il convient de ranimer ce qui est une bonne amitié entre l'Autriche et la France. Ces relations sont d'autant meilleures qu'elles sont un peu inexistantes. Il faut donc leur donner un sens et une force. Sur qui pourrait-on compter pour cela sinon sur vous, d'abord ?
- Voilà, je ne vous dirai rien d'autre. C'est un rendez-vous un peu bref et je ne voudrais pas qu'il soit uniquement consacré à un discours sur une petite estrade et que ce soit pour moi l'occasion, aussi peu que ce soit, de vous serrer la main et de parler avec les uns et avec les autres.
- Je vous dirai enfin sans accroître la solennité du propos que nous pouvons dire tous ensemble : Vive la France !\