25 mars 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la réception des Lettres de créance de S.E. Sir John Fretwell, ambassadeur de Grande-Bretagne, Paris, Palais de l'Élysée, jeudi 25 mars 1982

Monsieur l'ambassadeur,
- C'est pour moi un grand plaisir que de recevoir aujourd'hui les Lettres de créance par lesquelles Sa Majesté la reine ELIZABETH II vous a accrédité en qualité d'ambassadeur de Grande-Bretagne.
- Vous prenez vos fonctions à Paris à un moment important pour nos deux pays. Le monde traverse une crise grave et qui se prolonge. Cette crise frappe durement les nations les moins pourvues, celles qui ne peuvent assurer leur développement sans un vigoureux appui des pays industrialisés. Mais elle n'épargne pas l'Europe, et nos deux pays s'efforcent, chacun à sa manière, de la surmonter le mieux possible.
- Dans cette période difficile, nos deux peuples sont l'un et l'autre attachés à préserver leur indépendance. J'ai été moi-même le témoin de l'extraordinaire sursaut de vos concitoyens lorsqu'ils défendirent, pendant la seconde guerre mondiale, les libertés que l'histooire leur a léguées, contribuant du même coup à libérer l'Europe, à commencer par la France. Aujourd'hui aussi, nos peuples connaissent le -prix de l'indépendance et ils savent que la paix a pour fondement l'équilibre des forces.
- La Grande-Bretagne est engagée dans un effort de défense qui doit se poursuivre jusqu'à la fin de ce siècle et qui témoigne de sa volonté de maintenir le rôle essentiel qu'elle n'a cessé de jouer dans cette partie du monde qui est la nôtre.\
Bien que les approches choisies ne soient pas identiques, il existe en Grande-Bretagne comme en France la volonté de maintenir, ici l'autonomie, là l'indépendance de la dissuasion et le refus de voir cette capacité dissuasive affectée par des négociations entre tiers. J'entends par là non seulement l'actuelle négociation de Genève mais encore la future négociation sur la réduction des armements stratégiques des deux puissances les plus armées, dont la France, comme la Grande-Bretagne, souhaite la reprise prochaine.
- Pour faire face aux périls qui les entourent, la France et le Royaume-Uni ne sont pas seuls. Ils appartiennent à la même Alliance atlantique. Ils célèbrent aujourd'hui le 25ème anniversaire du traité de Rome, dans une atmosphère hélas quelque peu désenchantée. Je souhaite sincèrement que la Communauté économique européenne `CEE` puisse retrouver son souffle et son essor. Il faut que l'Europe soit dotée des moyens nécessaires pour surmonter les difficultés auxquelles elle est confrontée. Nous avons fait dans cette perspective des suggestions concrètes et constructives. S'agissant des problèmes immédiats que chacun connaît, ils doivent être résolus dans le respect des principes acceptés par les signataires des traités et sur la base desquels s'est faite la construction européenne.
- Comme vous le dites justement, monsieur l'ambassadeur, l'Europe a besoin de la solidarité franco - britannique. Cette solidarité doit s'appuyer sur une coopération bilatérale féconde. Cette coopération est déjà bien engagée et elle a été élargie à des domaines nouveaux, lors du dernier sommet franco - britannique. Je souhaite sincèrement qu'elle se développe, car nous avons, vous Britanniques, et nous Français, chacun avec sa fierté nationale et ses talents propres, beaucoup à faire ensemble.
- C'est donc une haute mission qui vous échoit, monsieur l'ambassadeur. Soyez assuré que vous trouverez, pour l'accomplir, tous les -concours nécessaires auprès de mon gouvernement comme de moi-même.
- Je vous demande de bien vouloir transmettre à Sa Gracieuse Majesté les assurances de ma très haute et déférente considération et au peuple britannique, l'expression de l'amitié du peuple français.\