23 janvier 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-colombiennes, à Bogota le 23 janvier 2017.


Monsieur le Président,
Je tenais à faire cette visite ici, en Colombie. Pas simplement parce que cela faisait plus de vingt-cinq ans qu'un Président de la République française n'était pas venu en visite officielle en Colombie. Le dernier, c'était François MITTERRAND. Il avait suivi le général de GAULLE qui fut le premier Président de la République sous la 5ème République, à venir en 1964 en Colombie. Donc, il y a plus d'un quart de siècle qu'un chef de l'Etat n'était pas venu, ici, en Colombie, pays ami. Je devais absolument accélérer le temps.
J'avais aussi comme volonté de vous remercier pour votre réaction après que la France ait été frappée par des attentats terroristes. Car, vous étiez à Paris, c'était en janvier 2015 et vous nous avez apporté la solidarité et le témoignage de l'amitié.
Je voulais aussi venir ici en Colombie pour saluer le processus de paix que vous avez engagé et qui vous a valu le Prix Nobel de la Paix. Je voulais vous en féliciter ici.
C'était un choix courageux celui que vous avez fait. Je me souviens, vous m'aviez exprimé, dès votre première visite c'était en 2014 ce que vous aviez à l'esprit pour, étape après étape, arriver au résultat que nous connaissons aujourd'hui. Ce que vous avez accompli, à travers cet accord pour la paix, est une victoire pour la Colombie, qui va sortir d'un conflit qui durait depuis plus de cinquante ans, qui avait fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés. C'est une victoire pour la Colombie parce que c'est la paix, c'est la possibilité de la paix.
C'est également un exemple pour le monde. Car ce résultat prouve qu'avec la négociation, avec le dialogue, avec la persévérance, avec la vision, l'on peut arriver à régler des conflits. Il n'y a pas de fatalité. La communauté internationale doit être à vos côtés.
Le premier objectif de ma visite ici en Colombie, est de vous démontrer que la France est là, non seulement pour vous soutenir, mais pour vous accompagner. Elle peut le faire à plusieurs titres. D'abord, comme membre permanent du Conseil de sécurité, la France a voulu qu'il y ait des résolutions, deux, qui puissent être adoptées par le Conseil de sécurité, afin d'appuyer, mais aussi d'accompagner, de suivre le processus de paix. La France est forcément engagée par ces résolutions et elle doit faire en sorte que la communauté internationale puisse mobiliser toutes ses forces et ses moyens pour l'accompagnement du processus. C'est un accord qui engage finalement le monde.
Ensuite, la France, membre de l'Union européenne, a voulu que l'Europe puisse être financièrement à vos côtés et dégage un fonds qui sera mobilisé pour le développement, pour la reconversion et le soutien des populations qui ont été particulièrement marquées par le conflit.
Enfin, la France est là, à titre bilatéral, parce qu'elle est l'amie de la Colombie, mais parce qu'elle comprend bien l'enjeu et parce que partout dans le monde, elle porte des principes de paix. La France a décidé de mettre un certain nombre de ressources, de moyens, mais aussi sur le plan humain à travers des organisations, tout ce qui peut contribuer à la paix, c'est-à-dire au développement, à l'action pour l'agriculture, pour le cadastre, pour la reconversion, pour que nous puissions accompagner les victimes je rencontrerai les victimes du conflit. Et aussi pour qu'il soit possible de connaitre les disparus, de faire un travail de vérité. La France a l'expérience dans de nombreux conflits, pour que vous puissiez mener à bien ce travail dont les victimes sont forcément dans l'attente de résultats.
Alors, nous sommes là et nous ne voulons pas nous contenter de paroles. Nous voulons aussi, par des moyens financiers, (avec l'Agence française de développement, nous avons signé cet accord), par des dons, par les fonds européens, nous voulons être pleinement acteurs de ce qui va se produire ici.
J'irai avec vous vous avez évoqué le Cauca pour voir sur le terrain une zone de démobilisation et comment nous pouvons encore accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et donc de mise en uvre de l'accord de paix.
C'est l'essentiel du message que je viens porter. Parce que c'est celui qui est le plus important pour la Colombie et je l'ai dit plus important pour la communauté internationale.
Il y a toujours des incertitudes quand on lance un processus comme celui-là. Il y a toujours des risques. Il y a toujours des interrogations. Ce que doit faire la France, avec la communauté internationale, c'est d'être présente au bon moment, là où c'est nécessaire, pas avant, pas après, là, maintenant, car tout va se décider maintenant.
Le second objectif de ma visite, est de saluer l'ampleur du partenariat entre la France et la Colombie. D'abord, la Colombie est un pays particulièrement dynamique et la paix va encore renforcer sa croissance, ses capacités de développement et aussi son tourisme.
La Colombie connaît une croissance forte et la France a doublé ses échanges avec la Colombie en moins de dix ans. Nous avons décidé, les entreprises, puisque ce sont elles qui en définitive agissent, de faire autant d'implantations qu'il est possible ici en Colombie. Il y a plus de 230 entreprises qui sont présentes au travers de filiales et qui emploient 100 000 Colombiens pour le bien de l'économie colombienne, mais aussi pour le bien de l'économie française.
Nous avons de nombreux projets, dans des domaines que je ne vais pas ici tous cités, transport, métro, port, aéroport, environnement, ville durable, agriculture. Nous voulons qu'une formation professionnelle qui puisse être apportée par nos entreprises. Parce que c'est aussi ce qui est attendu dans un certain nombre de régions de la Colombie. Notamment sur la question agricole, nous avons mené une coopération très intense aussi bien pour la recherche que pour la formation, que pour l'accompagnement des agriculteurs colombiens. Là encore, ce sera une façon d'aider au processus de reconversion.
Et puis, il y a ce que nous voulons faire au plan universitaire. Là aussi, c'est un exemple, il y a près de 4000 étudiants colombiens en France et des étudiants français qui viennent maintenant en Colombie. Nous avons une reconnaissance mutuelle des diplômes, il y a des bourses qui ont été prévues et qui sont même en augmentation, notamment pour les étudiants les plus modestes ici en Colombie et il y a enfin cette action de formation professionnelle.
Si l'on veut illustrer ce partenariat vous l'avez fait, Monsieur le Président c'est à travers cette Saison culturelle France Colombie. Merci de dire qu'ici, on respirait la France, comme c'est à haute altitude, ça nous donne toutes les conditions pour être le mieux possible en bonne santé. Même si nous savons que vous affrontez également des problèmes de pollution.
Il y a effectivement un air français, une culture française, comme il y a une culture colombienne en France. Vous rappelez toujours vous-même les liens qui vous unissent à la France par votre père, par votre grand-oncle qui avait rencontré Albert CAMUS. Donc, c'est vrai qu'il y a entre la France et la Colombie le même attachement à des valeurs, à la liberté et aussi à la culture. C'est la raison pour laquelle nous avons été très fiers qu'il puisse y avoir des centaines de milliers de Colombiens à Bogota qui viennent pour la Saison culturelle. Il y aura des centaines je vous l'assure des centaines de milliers de Français pour la Saison colombienne en France vous y êtes invité au mois de juin. Il y a 400 événements qui sont prévus entre nos deux pays.
Enfin, il y a des actions que nous devons engager en commun. J'ai évoqué avec vous l'accord sur le climat et c'est vrai que nous avons tout fait pour qu'il y ait à Paris un traité historique. Il a été ratifié par la plupart des pays signataires dans un temps record. Et depuis que cet accord a été trouvé, c'est-à-dire la fin de l'année 2015, nous n'avons eu que des confirmations des constats que nous avions pu poser : la sécheresse, El Niño, des catastrophes Je reviens du Chili, avec des milliers d'hectares qui sont en train d'être consumés à cause des incendies et il y a partout dans le monde des preuves tangibles et je ne comprends même pas que certains puissent s'interroger encore sur l'existence du réchauffement climatique. Sans doute sont-ils encore peu informés mais j'imagine que des données scientifiques leur seront communiquées, le plus tôt sera le mieux. Nous devons surtout faire en sorte que l'accord sur le climat puisse être mis en uvre effectivement à travers les contributions de chacun des pays et les financements qui sont attendus parce que c'est essentiel.
Vous avez, Monsieur le Président, parlé de la biodiversité : la Colombie est un pays, sans doute un des pays le pays du monde où la biodiversité est à ce point prouvée, reconnue et démontrée et nous devons la préserver. Nous allons mener ensemble une coopération très importante en matière de biodiversité qui a des conséquences économiques, industrielles, technologiques mais aussi qui va permettre de pouvoir préserver la biodiversité.
Nous devons donc sur l'accord sur le climat être ensemble, comme nous devons être ensemble sur la question des relations commerciales. Vous avez, avec trois autres pays, construit l'alliance du Pacifique. Pour nous, c'est un partenaire de premier plan et l'Europe, la France veulent avoir avec l'Alliance du Pacifique cette relation commerciale. Nous, nous pensons que les échanges commerciaux, dès lors qu'ils sont bien sûr fondés sur des bases, sur des critères, sur des normes, contribuent à la croissance économique et au développement. Vous voulez protéger un certain nombre d'identifications géographiques pour vos produits je vais en citer un que chacun connait : le café de Colombie - je ne pourrai pas citer tous les Français mais toutes les régions se reconnaîtront. C'est très important que nous puissions garder notre spécificité mais que nous puissions échanger. Et au moment où il y a des accords qui sont interrompus, où il y a des traités qui n'ont plus cours parce qu'un pays se désengage aujourd'hui même, je veux vous dire ici que l'Europe, la France, avec l'Alliance du Pacifique, nous aurons toutes les négociations commerciales pour que nous puissions développer nos échanges.
Enfin, nous avons abordé une dernière question qui est celle des enfants soldats, vous avez cette préoccupation et vous avez lancé une expérience intéressante avec le sport. Même si j'ai dit au Président qu'on ne pouvait prendre aucun engagement sur le Tour de France Mais plus sérieusement, la question des enfants soldats est une question que nous devons traiter internationalement et donc en février prochain, il y aura une conférence à Paris avec l'UNICEF pour cette question des enfants soldats et la Colombie, bien sûr, pour toutes les raisons que vous pouvez avoir à l'esprit, sera présente et pourra, là encore, témoigner de son expérience. Nous-mêmes, nous avons un certain nombre de ces sujets qui nous préoccupent, liés à ce qui se passe au Moyen-Orient et donc, nous avons à répondre ensemble et voir quels sont les bons accompagnements que nous pouvons faire, les bons traitements, les bonnes formations que nous pouvons apporter à ces enfants.
Voilà Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, c'est l'amitié bien sûr qui nous fait venir ici £ c'est aussi la reconnaissance. Je pense que le peuple colombien doit bien comprendre qu'il est aujourd'hui regardé et qu'il peut être fier de ce qu'il a engagé. Souvent, nous pensons que nous vivons dans des régions dont personne ne connaît la situation de ce que nous pouvons vivre. Nous pensons vivre en vase clos, comme si nos problèmes étaient les seuls problèmes. Non. Des solutions peuvent être communes et ici en Colombie, prenez bien conscience et vous le savez Monsieur le Président, puisque vous avez eu le prix Nobel de la paix, prenez bien conscience que ce qui est en cause avec ce processus, c'est très important pour vous mais c'est aussi très utile pour le monde. Donc au nom du monde, si je peux m'exprimer ainsi - tous ne partageant pas forcément ma prétention - mais au moins au nom de la France, je veux vous exprimer ici notre gratitude et surtout notre soutien. Merci.