26 septembre 2016 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'action des forces de sécurité et le démantèlement du campement de migrants, à Calais le 26 septembre 2016.


Madame, messieurs les ministres,
Monsieur le président du Conseil régional des Hauts de France,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Madame la maire de Calais,
Mesdames, messieurs les Parlementaires, les élus de ce département, de ce Calaisis qui est si éprouvé par une situation qui dure depuis trop longtemps.
Je veux saluer ici toutes les forces, police, gendarmerie, militaires, sapeurs-pompiers, tous les fonctionnaires qui contribuent à la sécurité.
Je sais ce qu'est votre tâche depuis plusieurs mois, de longs mois. Les missions que vous accomplissez, les épreuves que vous rencontrez, les situations humanitaires que vous vivez, et c'est le sens ici de ma présence parmi vous, pour vous dire l'attachement, la reconnaissance et même l'admiration de la Nation pour les actions, opérations et missions que vous menez ici.
Ici, il y a au moins 7000 migrants sur le campement de la Lande. C'est le dernier comptage réalisé au milieu du mois d'août par la préfecture du Pas-de-Calais, la police aux frontières. Au-delà même du chiffre, cette situation n'est pas acceptable et chacune et chacun ici en a conscience.
Dès lors nos objectifs sont clairs : garantir la sécurité des Calaisiens, maintenir l'ordre public et assurer aux migrants, aux réfugiés des conditions dignes, parce que nous sommes la France.
Pour atteindre ces objectifs nous devons d'abord lutter contre les filières de la traite des êtres humains qui est le pire commerce, le plus ignoble qui remonte à loin et qui survit jusqu'ici pour exploiter des personnes en situation d'extrêmement vulnérabilité.
Nous devons ensuite garantir l'étanchéité effective et durable de la frontière franco-britannique et sur la sécurisation du port de Calais et pour le Tunnel sous la Manche.
Enfin, nous devons démanteler complètement, définitivement le campement de la Lande. C'est une opération qui est forcément exceptionnelle parce que nous sommes dans une situation exceptionnelle.
Il faudra s'y prendre avec méthode et en même temps avec détermination. Il faudra également avoir le sens de l'humain dès lors que nous avons à faire ces transferts.
Nous aurons à diriger les demandeurs d'asile vers des centres d'accueil et d'orientation qui seront ouverts sur l'ensemble du territoire national.
Nous aurons aussi à mener une politique d'éloignement des migrants qui sont en situation irrégulière et qui ne relèvent pas de l'asile. C'est la vérité que l'on doit dire, pour que ceux qui sont des réfugiés puissent être accueillis dans des conditions conformes aux valeurs de la France.
Ce démantèlement répond en effet et je le réaffirme ici à Calais, à une urgence humanitaire. Le camp de la Lande et chacun doit bien le comprendre, est pour les migrants une impasse. Il est aussi, je le sais, un terrain d'action pour les passeurs qui font croire à cette illusion qu'il sera possible de franchir la frontière.
Il est aussi nécessaire de donner de l'information à celles et ceux qui pensent qu'une vie ici est possible et qu'à un moment cela s'ouvrira. Non, cela ne s'ouvrira pas.
Mais l'objectif que notre pays s'est assigné, ne se décrète pas. Il se construit avec méthode et en prenant autant qu'il est possible une distance par rapport à des instrumentalisations ou à des polémiques, qui d'ailleurs tournent le dos au principe des valeurs de la République.
Nous devons tout faire pour que le réfugié puisse être mis à l'abri. Déjà 5 800 personnes ont été accueillies dans 164 centres d'accueil et d'orientation répartis sur tout le territoire et en concertation avec les élus.
Ces structures, je le rappelle, sont gérées par les associations, financées par l'Etat, installées dans des locaux existants. Ce ne sont pas des mini-campements, contrairement à ce que certains esprits, sans doute mal informés, ont pu dire. Nous n'allons pas, pour démanteler un campement de 7 000 personnes, multiplier d'autres campements partout sur le territoire. Il s'agit de véritables centres, en dur, limités en nombre de personnes accueillies - 40 à 50 personnes - capables de fournir un appui pour des procédures administratives et pour une durée qui ne dépasse pas 3 à 4 mois.
Voilà ce qu'est un centre d'accueil et d'orientation. Voilà ce qui est digne, voilà ce qui est ferme pour que la France puisse assumer ses devoirs mais aussi prendre ses responsabilités par rapport à des populations et notamment ici à Calais.
Avec le ministre de l'Intérieur, la ministre du Logement, je suis confiant sur la capacité de notre pays à pouvoir se montrer solidaire des Calaisiens, de ces femmes et de ces hommes qui ont fui leur pays aussi pour échapper aux persécutions. C'est la double solidarité.
Le gouvernement donc prépare le démantèlement de la Lande de Calais et il ira jusqu'au bout.
A tous ceux qui déplorent cette situation, ici dans le Calaisis et je les comprends, et qui en même temps craignent le démantèlement, je leur réponds « si nous voulons assurer dignité, solidarité et protection, nous devons démanteler la Lande de Calais ».
Parce que c'est conforme à nos principes républicains et parce que c'est l'intérêt de tous.
Je veux aussi redire ma détermination à voir les autorités britanniques prendre leur part dans l'effort humanitaire que la France accomplit ici et continuera à accomplir demain.
Ce n'est pas parce que le Royaume Uni a pris une décision souveraine que le Royaume Uni est dégagé de ses obligations par rapport à la France. J'allais dire au contraire !
Mesdames et messieurs, face au drame humanitaire, les Calaisiens et les Calaisiennes ont subi des conséquences sur leur vie quotidienne et ont fait face à une situation sécuritaire particulièrement difficile à vivre.
Aussi, depuis deux ans, l'Etat mobilise tous les moyens pour que la sécurité soit préservée, pour que la protection soit garantie et pour que les passages soient interdits.
Je veux ici exprimer mon soutien devant vous aux forces de sécurité, pour le travail remarquable réalisé ici chaque jour, chaque nuit. A travers vous mesdames et messieurs, je rends hommage à tous les fonctionnaires, oui tous les fonctionnaires parce que nous avons besoin de fonctionnaires qui assument ici à Calais, comme dans l'ensemble du département, la gestion complexe provoquée par la présence d'un campement de plusieurs milliers de personnes dont beaucoup sont dans l'illusion fallacieuse qu'ils pourront gagner l'Angleterre.
Depuis 2014, nous n'avons, en effet, jamais cessé de renforcer les effectifs de police et de gendarmerie. Le ministre de l'Intérieur est venu plusieurs fois à Calais et à chaque fois il y a eu des annonces pour la sécurisation du port et du centre ville. Nous avons doublé les effectifs, 2000 aujourd'hui après l'arrivée des derniers renforts annoncés par Bernard CAZENEUVE.
Je pense aux CRS, aux gendarmes mobiles en charge du maintien de l'ordre public auprès du port et du tunnel ainsi que de la rocade. Ils sont actuellement 1000 £ c'est un chiffre très important et là encore qui démontre la détermination de l'Etat.
Je pense aussi aux agents de la police aux frontières, ils sont plus de 600, qui là encore à Calais, mais aussi à Dunkerque, luttent contre les filières de la traite des êtres humains. Ils réalisent le travail indispensable d'investigation pour éloigner les migrants en situation irrégulière. Je sais que c'est une tâche délicate, qu'ils accomplissent aux côtés des agents des douanes à qui je veux également rendre hommage -.
Je n'oublie pas la police du quotidien, celle du service général, les 220 agents de la circonscription de Calais qui assurent la protection des habitants, luttent contre la délinquance et agissent également avec les agents de la BAC du département qui sont venus progressivement appuyer leurs collègues de Calais depuis août dernier.
Il y a les 100 gendarmes départementaux de la communauté de brigade de Frétin et du peloton de surveillance et d'intervention de la compagnie de Calais, plus en charge de la sécurisation de l'entrée du tunnel que d'autres collègues. Ils agissent £ les effectifs départementaux régionaux viennent les renforcer.
A tous ces policiers, à tous ces gendarmes viennent s'ajouter - et je l'ai voulu ainsi les militaires de l'opération Sentinelle, ils sont 730, ils interviennent en soutien des unités pour le contrôle à la frontière et pour la lutte contre l'immigration irrégulière.
Enfin, les sapeurs-pompiers du service départemental d'incendie et de secours et je salue le président du Conseil départemental, ont multiplié ces derniers mois les interventions souvent à destination des migrants, contribuant ainsi à la sécurisation du campement de la Lande.
Voilà tous ces chiffres, ils sont impressionnants et en même temps, pour la population et je le comprends, ce ne sera jamais assez.
Tout le monde salue le dévouement, tout le monde appelle des forces supplémentaires, mais je veux dire que l'Etat a fait son devoir et continuera à le faire tout au long de la période du démantèlement de Calais et même après pour que ne se reproduisent pas les situations que l'on a connues à d'autres époques quand avaient été démantelés des camps qui se sont ensuite reconstitués ou encore quand les personnes se sont dispersées ajoutant à ce moment-là l'inorganisation à l'insécurité.
Mais je tenais à saluer le travail de nos fonctionnaires. Je sais vos conditions dans l'exercice de votre métier. Des annonces ont été faites en termes d'indemnisation avec la prime de fidélisation pour les fonctionnaires actifs de Calais et de Dunkerque. Il y a aussi le dispositif de revalorisation d'indemnité journalière d'absence temporaire décidé au 1er juillet. Ce n'était que justice compte tenu des nombreuses obligations qui pèsent sur vous.
Je veux aussi souligner les résultats de l'action. Grâce à vous ont été sécurisées à Calais les infrastructures de transport, le port et le tunnel. La frontière est complètement étanche depuis plusieurs mois. Depuis janvier 2016 nous n'avons constaté que 315 intrusions, c'est encore trop, sur le site du tunnel alors qu'en octobre 2015 nous en avions décomptées 10 000. Vous voyez le résultat !!
Parallèlement 10 400 migrants en situation irrégulière ont été interpellés entre janvier et juillet 2016 avec un message clair adressé aux passeurs : on ne passe plus. On ne passera plus à Calais, ni d'ailleurs à Dunkerque. Et inutile de faire venir une population qui ne sait où aller ou qui espèrent aller justement de l'autre côté de la Manche.
A Calais nous avons démantelé 28 réseaux de trafic d'êtres humains, deux fois plus qu'en 2014, de nombreuses interpellations ont eu lieu avec des comparutions immédiates et des condamnations à la prison ferme. 230 filières sur l'ensemble du territoire national, 20 % de plus que l'année dernière, dont 30 à destination du Royaume-Uni ont également été mises hors d'état de nuire.
Et puis il y a, c'est une décision que j'avais prise avec le gouvernement de Manuel VALLS le soir du 13 novembre, le rétablissement du contrôle des frontières qui est prévu par nos traités et qui nous a permis d'avoir une action notamment ici, mais partout où il pouvait y avoir des pressions.
63 millions de personnes ont d'ores et déjà été contrôlées à l'entrée ou à la sortie du territoire national. 54 000 individus considérés comme suspects ont été interpellés et 35 000 refoulés. Ce sont des chiffres très significatifs et qui montrent là encore notre engagement dans la lutte contre l'immigration irrégulière. Et nous allons continuer ces contrôles, pas simplement sur les frontières, mais également dans les gares et notamment à Paris et dans la profondeur du territoire, parce qu'il s'agit de lutter contre les filières et de lutter aussi contre l'immigration irrégulière si nous voulons accueillir comme il convient les personnes qui fuient un pays qui les persécute.
Il n'y a pas d'humanité s'il n'y a pas de clarté, il n'y a pas de solidarité s'il n'y a pas d'autorité. L'année dernière 1 755 migrants ont été éloignés du territoire français depuis le Pas-de-Calais, cette année il y en a déjà eu 1 500, c'est notre devoir de le faire parce que ceux qui relèvent de l'asile doivent être accueillis mais, ceux qui n'en relèvent pas doivent être raccompagnés.
A Calais nous avons un double devoir, devoir de fermeté, devoir d'humanité. Les deux sont indissolublement liés, nous faisons en sorte que les migrants qui répondent aux conditions de l'asile puissent être mis à l'abri et avoir un hébergement. Ce sera le sens du démantèlement de Calais. Mais dans le même temps ceux qui ne peuvent pas prétendre à une solution parce qu'ils ne répondent pas aux critères du droit d'asile, doivent être raccompagnés chez eux.
La France est un Etat de droit. Un Etat de droit protège, un Etat de droit reconnaît mais un Etat de droit est aussi capable de se faire respecter. Et c'est au nom de ces valeurs que vous agissez. L'Etat à Calais est un Etat qui fait en sorte de concevoir son action pour assurer la protection des Calaisiens qui ont pendant ces derniers mois, pour ne pas dire ces dernières années, accompli un effort au nom de tous et qui n'en peuvent plus.
Un Etat de droit, c'est aussi de permettre à des personnes venues là en ignorant tout de ce qui les attendait de pouvoir retrouver dignité et j'allais dire même confort par rapport à ce qu'ils supportent ici, dans un campement et de faire qu'ils puissent être mis à l'abri. C'est ce que nous faisons avec les centres d'accueil et d'orientation.
Voilà ce que j'étais venu vous dire à Calais. D'abord exprimer la reconnaissance de la Nation à tous ces policiers, ces gendarmes, ces CRS, ces militaires, ces sapeurs-pompiers, ces fonctionnaires qui sans relâche font que l'Etat est là et qui exercent leur mission avec sang-froid, avec rigueur et avec humanité.
Je suis venu ici à Calais aussi pour dire à des habitants exaspérés que nous sommes sur la voie d'une solution, elle est proche et que nous les protégeons autant que nécessaire. Je suis venu aussi dire à des migrants désespérés, qu'ils ne resteront plus là parce que leur place n'est pas ici et c'est pourquoi nous allons engager le démantèlement complet et définitif de la Lande de Calais.
Mesdames, Messieurs les élus, je veux ici vous dire l'esprit qui est le nôtre. Travailler avec vous, travailler non seulement en concertation, mais en coopération, en confiance, parce que ce que nous sommes ici, c'est la France, c'est la République et je suis là pour dire que l'Etat apportera toujours son soutien à ceux et à celles qui connaissent une situation difficile, qui demandent la solidarité et ici c'est Calais. Vive la République et vive la France.