16 mars 2015 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la Banque publique d'investissement et sur l'action du gouvernement en faveur des entreprises, à Maisons-Alfort le 16 mars 2015.

Monsieur le président de la Banque publique d'investissement, cher Nicolas DUFOURCQ,
Monsieur le directeur général de la Caisse des Dépôts, cher Pierre-René LEMAS,
Monsieur le député-maire de Maisons-Alfort,
Puisque nous sommes sur votre commune ?et vous en êtes très fier, à la fois de votre commune et de la Banque publique d'Investissement?, je salue aussi les parlementaires qui sont rassemblés, l'équipe de direction et l'ensemble ou presque des salariés de la BPI, ici, en région Ile-de-France.
Je voulais effectivement venir vous rencontrer parce que la Banque publique d'Investissement, j'en avais eu l'idée dans la campagne présidentielle parfois on peut avoir des bonnes ou de mauvaises idées, cela dépend de quel côté on se place !, mais quand on est dans cette perspective d'accéder à la présidence de la République, mieux vaut avoir de bonnes idées et parmi les bonnes idées, il y avait celle de pouvoir créer un outil à partir de ce qui existait déjà pour financer les entreprises, les entreprises notamment PME et entreprises de taille intermédiaire. Il ne s'agissait pas de se substituer au système bancaire, car son rôle c'est d'apporter des crédits et des financements à notre économie, mais il s'agissait de faire plus et mieux et avec les banques. Cette idée donc de la Banque publique d'Investissement a été portée dès le lendemain de l'élection présidentielle et à la fin de l'année 2012, et j'en remercie les parlementaires, il y a eu cette loi du 31 décembre qui a créé la Banque publique d'investissement. Cette Banque publique d'investissement ?et je pense qu'ici, il y a des salariés qui étaient à OSEO et dans d'autres structures? a été un rassemblement, une réunion d'un certain nombre d'instruments, de structures qui mis ensemble ont créé une dynamique à travers la Banque publique.
Il y a eu aussi cette volonté qui était de rassembler des fonds propres, fonds propres venant de la Caisse des Dépôts, qui, non sans mal, a accepté de s'en délester, pour mieux lester la Banque publique d'Investissement, de l'Etat aussi, et je pense que c'est ce qui a permis, à travers ce volume de fonds propres, et nous en avons parlé avec la direction de la banque, d'avoir cette capacité de prêt et cette mobilisation de financement pour être à la fois un acteur, un acteur exceptionnel et en même temps, un acteur bancaire devant prendre un certain nombre de garanties. En deux ans, vous avez construit une banque, une banque j'allais dire presque unique en Europe, même s'il existe des structures qui peuvent être comparées, une banque qui a assuré une bonne part du financement des entreprises de notre pays. Ce qui est aujourd'hui demandé à la Banque publique d'investissement, c'est d'accompagner, voire de précéder et même d'accélérer la reprise économique qui s'annonce, et j'ai bien compris que vos affiches annonçaient la fin de la crise, à travers un coup de pied que nous aurions tous voulu donner depuis longtemps à cette crise. Mais il ne s'agit pas simplement de chasser la crise, il s'agit d'amplifier la reprise, et ma visite aujourd'hui ici est à la fois une évocation du bilan depuis deux ans de ce qui a été fait et en même temps, une volonté partagée entre l'Etat, c'est-à-dire les pouvoirs publics, le système bancaire et vous, pour donner à nos entreprises dans cette année 2015 si importante les moyens de pouvoir investir.
Le bilan m'a été présenté et il est impressionnant, puisque en volume, vous avez augmenté l'ensemble des prêts de plus de 15% par an, c'est-à-dire 30% depuis deux ans. Aucune banque n'a été capable d'avoir de telles augmentations de crédits. Vous avez aussi fait en sorte de favoriser les prêts en développement, ceux qui financent les investissements, et notamment les investissements à moyen terme ?plus de 40% d'augmentation, c'est considérable?, et également les prêts en trésorerie, qui ont été décisifs quand justement, dans l'année 2013 et aussi une partie de l'année 2014, il y a eu tant d'entreprises qui étaient dans une phase extrêmement délicate. Vous avez aussi, et je voulais également souligner ce point, permis le préfinancement du CICE à hauteur de 2 milliards d'euros, ce CICE qu'il fallait bien mettre à la disposition des entreprises, alors même que nous n'avions pas les crédits budgétaire pour le faire. C'est ce qui s'appelle le préfinancement. Vous avez donc à la fois préfinancé l'Etat et préfinancé les entreprises, ce qui a permis là aussi, même si c'est assez lourd, et ça m'a été présenté comme tel tout à l'heure, d'avoir une relation de confiance avec les entreprises qui sont venues chercher à la BPI les interventions que l'Etat leur permettait de mobiliser pour garder de l'emploi ou pour en créer. Vous avez également contribué à apporter des capitaux aux entreprises françaises. C'était notre volonté commune : faire en sorte qu'il puisse y avoir un milliard, un milliard et demi, vous avez été jusqu'à un milliard et demi, de financement de BPI France pour le capital risque et donc créer ce que les spécialistes, notamment Nicolas DUFOURCQ, appellent un écosystème pour le financement de nos entreprises. Je crois que c'est un système sans équivalent dans la zone euro.
Il y a ensuite la présence de la BPI. C'était un grand défi. J'avais dit : « il faut que la BPI travaille avec les régions », à l'époque il y en avait 22 plus les régions d'outremer, et beaucoup de ces régions avaient déjà mis en place un certain nombre de systèmes de financement. Il ne s'agissait pas du tout d'aller leur disputer ce qu'elles avaient déjà mobilisé pour l'économie régionale. Vous avez donc fait en sorte, à travers votre réseau, de créer de la confiance, confiance avec les régions qui ont accompagné le processus, confiance avec les entreprises, et la meilleure preuve, c'est qu'aujourd'hui 90% des décisions de financement des entreprises au niveau de la BPI sont décidées donc par les directions régionales. Vous avez également ouvert un réseau ultra-marin. Il s'agissait là aussi d'une mission qui vous avait été confiée, celle d'être présent partout, ce qui explique que vous êtes en contact avec 80 000 entreprises aujourd'hui, et c'est considérable.
Ainsi, la dernière mission qui vous a été confiée, c'était de préparer l'avenir, préparer l'avenir dans trois secteurs stratégiques, ceux-là même qui avaient été retenus par le programme des investissements d'avenir, ceux-là même qui avaient été retenus pour les projets industriels, ?les 34, qui ne seront bientôt plus que 10?, c'est-à-dire à la fois le numérique, l'économie du vivant et la transition énergétique. Vous vous êtes donc pleinement mobilisés par rapport à ces objectifs-là, notamment pour financer l'innovation, puisque ça a représenté un milliard d'euros, c'est-à-dire 4 600 jeunes entreprises qui ont pu disposer d'interventions venant de la BPI.
Vous avez aussi fait en sorte, et c'était un défi qui vous était posé, d'intervenir pour des entreprises qui pouvaient être, à un moment ?je dis bien à un moment?, en difficulté, et qui faisaient appel à vous. C'était là le plus délicat, parce que si vous étiez sollicité pour des entreprises qui allaient mal, si la BPI était simplement la voiture-balai du système bancaire pour aller soutenir un temps les entreprises qui pouvaient avoir conjoncturellement une difficulté ou une crise, c'eût été vraiment une image de la BPI qui n'aurait pas correspondu à la réalité, puisque vous deviez être présent sur toutes les entreprises, PME et ETI les plus innovantes, les plus dynamiques mais aussi celles qui pouvaient, à un moment, être dans une phase plus compliquée.
Vous avez alors été particulièrement juste dans vos interventions, particulièrement sélectif et en même temps, vous avez été décisifs. Les exemples qui m'ont été donnés : Clestra, à Strasbourg, en Alsace, vous l'avez sauvée, avec, je pense, un très bon partenaire. Vous avez fait la même chose avec CPI dans le Loiret, et également Gascogne, une entreprise dans les Landes, qui a, grâce à vous, connu un nouveau destin. Il était très important, pour permettre à des entreprises qui cherchaient un repreneur, qui avaient besoin de financement ?et il y en a encore aujourd'hui?, d'avoir un partenaire, un partenaire suffisamment sérieux pour mobiliser aussi le système bancaire.
Alors, aujourd'hui, vous avez cette perspective d'accompagner, de précéder, d'anticiper même la reprise. Vous avez compris que la clé pour la croissance de l'année 2015, pour la croissance de notre pays sur la période qui s'ouvre, c'était l'investissement. Si l'investissement reprend, alors, nous sommes sûrs que non seulement, nous aurons une croissance dans l'année 2015, qui sera plus forte que prévu, mais nous aurons aussi grâce à ces investissements une croissance durable, à condition que ces investissements soient bien orientés. C'est l'ensemble de ces données qui vous ont permis d'être aujourd'hui particulièrement innovants dans vos mécanismes de financement.
Un mot du contexte. On le connait, le contexte est beaucoup plus favorable qu'il y a quelques mois ou quelques années, à la fois parce qu'il y a eu le pacte de responsabilité et de solidarité, parce qu'il y a eu cette baisse de cotisations, parce qu'il y a eu le CICE, donc le coût du travail a été abaissé, parce qu'il y a eu un certain nombre de baisses d'impôts qui ont permis aux entreprises de retrouver de la marge, mais fallait-il encore que le contexte redevienne favorable. Il l'est, nous devons être prudents, parce que nous savons bien combien la géopolitique, les événements internationaux peuvent peser sur un certain nombre de décisions d'entreprises. Mais aujourd'hui, prix du pétrole bas et qui va rester à ce niveau encore pendant quelques mois ?ensuite, nous verrons bien et nous ne devons pas penser que nous aurons de nouveau un prix de l'énergie durablement faible, parce que nous sommes dans un moment où nous devons réussir, en plus, la transition énergétique?, nous avons des taux d'intérêt historiquement bas ?pas simplement pour l'Etat qui se finance quasiment à zéro pour des prêts, pour des emprunts à cinq ans et à un demi-point pour les emprunts à dix ans?, mais même pour les entreprises et c'est le plus essentiel. Le problème n'est pas simplement de financer l'Etat, c'est de financer les entreprises et aujourd'hui, les entreprises peuvent se financer à 2% et parfois moins, quand elles empruntent sur le marché obligataire, c'est moins.
Nous sommes donc dans cette condition extrêmement favorable pour l'investissement, mais l'investissement, ce n'est pas simplement le coût du capital. L'investissement, c'est aussi l'anticipation de la demande. L'investissement, c'est aussi les marges des entreprises. Tout doit se conjuguer. Il s'agit également d'avoir un système financier qui puisse être suffisamment optimiste, c'est le mot que vous avez pour votre slogan que je n'oserais pas employer, moi, mais volontaire, celui-là oui?. Il faut donc avoir un système qui puisse réagir. Par ailleurs, nous avons pour les entreprises exportatrices, un niveau de l'euro qui aujourd'hui est quasiment à parité avec le dollar, ce qui est également un avantage par rapport à ce qui existait il y a encore un an, favorable hors de la zone euro et même d'une certaine façon par les effets induits dans la zone euro.
Alors, c'est vrai que le contexte est meilleur, la demande des ménages est plus forte mais tout doit maintenant reposer sur la décision des entreprises pour l'investissement. L'investissement, l'investissement d'abord au niveau européen puisqu'il y a le Plan Juncker, et la BPI va participer à l'amélioration encore du Plan Juncker, puisque j'ai annoncé 8 milliards d'euros apportés par la Caisse des Dépôts et par la BPI pour favoriser des entreprises qui peuvent être plus innovantes, pour avoir du capital risque. Donc la BPI sera pleinement dans le processus du Plan Juncker. Investissements des entreprises, et là-dessus, vous avez développé un certain nombre de nouveaux produits, et c'est ce que nous avons vu avec votre direction.
Le premier produit que vous avez développé était un produit qui manquait, qui avait existé dans le passé et qui avait progressivement été abandonné par des restructurations multiples : c'est le crédit à l'exportation. D'expérience, il y a des contrats à l'exportation qui se jouent non pas sur le prix du produit, non pas sur la qualité même du produit, mais sur le financement de l'entreprise. Souvent nous avons perdu des contrats à l'étranger, des entreprises n'ont pas pu investir à l'étranger faute de disposer de ces financements. Le crédit export, c'est pour la BPI un nouveau produit, et pour la France un atout supplémentaire. Je sais que vous allez faire des crédits acheteurs, des crédits fournisseurs, et cela servira les entreprises françaises.
Vous avez également décidé de soutenir davantage le tissu productif, et notamment d'accompagner des PME en croissance, des futures entreprises du CAC 40 en définitive, et de pouvoir favoriser les startups, parce qu'il faut le rappeler, la France est un grand pays de startup. Beaucoup de startups naissent en France, se développent en France, mais ne restent pas toujours en France, compte tenu du fait qu'il leur manque des capitaux. C'est ce que vous allez apporter. Permettre à des startups non seulement de se créer, non seulement de se développer mais de rester en France et de devenir des leaders mondiaux dans leur secteur.
Vous avez aussi voulu aller encore plus vite pour un certain nombre de créations d'entreprises, de développement d'entreprises, et je voulais également vous en remercier.
Prochainement, je réunirai, avec le ministre MACRON, les Assises de l'entrepreneuriat. Là, nous allons travailler, et j'espère que la BPI pourra être partie prenante ?quand je dis j'espère, j'en suis sûr?, notamment sur la transmission, parce qu'on sait très bien que c'est un des grands problèmes de l'économie française, notamment pour les PME. Il y a près de 600 000 entreprises qui vont changer de dirigeants sur les dix ans qui viennent, donc c'est véritablement un défi qui nous est lancé.
Il y aura, toujours pour ces Assises, la volonté de financer des entreprises en très forte croissance, donc d'apporter du capital-risque, davantage de capital-risque et du financement participatif, puisque nous avons permis le financement participatif, et enfin de soutenir l'innovation sous toutes ses formes. J'ai été également interpellé, parce que c'est le but de ces rencontres, pour que l'Etat, lui-même, continue d'aider l'innovation et de donner à la BPI, puisque vous en avez la charge, la gestion de ces aides, pour que vous puissiez, avec les régions françaises, être les plus grands soutiens à l'innovation.
Voilà tout ce que je voulais vous dire, mais je pourrais vous en dire encore davantage. Je vous vois nombreux ici. Soyez fiers de ce que vous avez fait, de pouvoir permettre à notre pays de disposer d'un outil qui n'existait pas jusque là, en tout cas pas sous cette forme, d'avoir une finance qui soit justement dédiée à la création, au développement des entreprises, à l'économie réelle, d'être parmi les meilleurs sur le plan du respect des règles, puisque vous êtes également dans la régulation de la Banque centrale européenne, ?on m'a même dit que la Banque centrale européenne allait venir à la BPI, il est donc temps que je sois là avant elle pour donner toutes les garanties?.
Ainsi, vous avez toutes les conditions pour réussir, puisque vous avez déjà réussi. Vous avez déjà considérablement augmenté l'encours de la Banque publique d'investissement, vous avez déjà réussi à imposer une image auprès des entreprises françaises, et aujourd'hui vous êtes un élément qui nous donne confiance dans l'avenir. C'est le mot aussi que vous voulez utiliser, faire confiance, donner confiance et faire que les Français aient confiance. J'ai confiance dans la Banque publique d'investissement. Merci.